Sophie Fontanel, journaliste et romancière: « La Révolution française, ce n’était rien à côté de celle qui va arriver… »

Anne-Françoise Moyson

Dans son 18e livre, Admirable, la journaliste et romancière dresse le portrait d’un futur qui ressemble au nôtre. Comme elle, son héroïne est la dernière femme ridée sur terre et « essaie de sauver les humains de la merde dans laquelle ils se sont mis ». Elle répond à notre interview sur le vif.

La question qu’on vous pose le plus souvent ?

« Ecris-tu plutôt le matin ou l’après-midi ? » Et je réponds que j’écris tout le temps, même la nuit. C’est une vie d’écriture. Pour les romans, l’écriture est un processus de modification du réel pour pouvoir le dépasser, dépasser des obstacles ou mes propres limites. Et pour les articles, je suis très fière que ce soit personnel parce que c’est peu autorisé aujourd’hui que les journalistes donnent leur avis, je suis l’une des rares critiques de mode à le faire.

L’endroit dont vous n’êtes jamais revenue ?

La plage à midi et demi sur la Côte d’Azur, je vais y rester encore un peu et puis après, je vais rentrer les cheveux mouillés, ma mère aura fait des frites, on mangera et puis on fera la sieste. Ce n’est que du bonheur en perspective, l’avenir est radieux. La fracture viendra plus tard, à l’adolescence.

Un luxe que vous ne pouvez vous refuser ?

J’ai un appartement à Paris qui a la vue, un peu de biais, sur le jardin des Tuileries. Quand j’étais jeune, ma mère me disait : « Le seul luxe d’un appartement, c’est sa vue. » Quand j’ouvre mes fenêtres le matin et que je vois le bassin rond devant moi, certes il faut que je me penche un peu, mais cela vaut le coup.

Le vêtement qui vous a le plus marquée ?

Une chemise écossaise en madras qu’avait une tante à moi. Je voulais absolument l’avoir parce que les couleurs pastel me semblaient divines. Elle l’adorait, elle n’avait pas énormément de vêtements, elle était très chic, elle ne voulait pas me la donner. Et un jour, quarante ans plus tard, elle devait avoir 85 ans, elle m’a dit : « Tu la veux tellement, je te la donne. » Mais la chemise ne sentait pas bon, alors je l’ai mise dans l’eau pour la laver et elle s’est décomposée, elle avait été tellement portée…

La personne qui vous influence le plus ?

Des personnages de roman. Zorba le Grec, la petite fille dans Le Lion de Kessel, quand Céleste Albaret écrit Monsieur Proust et qu’elle le raconte… Mes héros sont dans les livres.

« Je suis lucide, mais je déteste quand on dit que les hommes sont tous pareils. »

Le sport que vous pratiquez en pensée ?

La barre asymétrique. Je suis absolument persuadée que j’en serais capable, c’est totalement faux, même si je n’étais pas si mauvaise, petite, mais évidemment aujourd’hui, je m’assommerais tout de suite.

La chose la plus folle que vous ayez faite ?

J’ai envoyé une photo à un homme, elle était belle. Il était à l’hôpital avec un problème au cœur qu’il croyait avoir mais qu’il n’avait pas. J’ai fait une photo de moi habillée, dans le miroir, et une autre complètement déshabillée, juste avec la veste et les chaussures à talons. Et comme message : « Et si je t’achevais ? » Cela m’a beaucoup amusée. Mais j’ai appris que cet homme faisait probablement circuler ces photos, c’est la vie, ce n’est pas très grave.

Ce qui vous saoule vraiment ?

Les gens qui choisissent un camp, en se mettant à haïr l’autre camp. J’ai été violée mais j’ai toujours refusé de haïr les hommes. Je vois bien les chiffres des violences sexuelles, je suis lucide mais je
déteste quand on dit que les hommes sont tous pareils. Je suis d’origine arménienne, les Arméniens ont été massacrés par les Turcs, mon arrière-grand-père a été pendu par les Turcs, je n’ai jamais haï les Turcs. Mais je hais les dictateurs et la politique qui amène à ça.

Un (seul) mot pour vous décrire ?

Je peux en dire deux ? Souple et droite.

Le luxe indécent ?

Les gens qui montrent quelque chose de cher sur Instagram et qui mettent le hashtag shameless. Il y a une décence à avoir. Le luxe et l’argent peuvent se faire haïr. Et la Révolution française, ce n’était rien à côté de celle qui va arriver…

Une idée concrète pour un monde meilleur ?

Arrêter de prendre pour des naïfs les gens qui y croient encore.

Admirable, par Sophie Fontanel, éditions Seghers.

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