Est-ce qu’amener des friandises au boulot fait de vous une mauvaise personne?
Du cake pour célébrer un anniversaire, des chocolats pour Pâques ou encore un paquet de bonbons pour adoucir le lundi, amener des friandises au boulot, c’est généreux et convivial, non? Tout dépend à qui on demande.
Suivant le lieu de travail, la pratique prendra une forme différente, mais quel que soit le secteur, elle est bien présente: toutes cultures d’entreprise confondues, les friandises sont indissociables du boulot. Dans la Silicon Valley, pourtant chantre du wellness bien avant que le concept ne soit populaire, les salad bars voisinent avec les buffets de barres chocolatées en libre service. Dans une entreprise de la région liégeoise active dans le secteur de la finance, un budget annuel de plusieurs milliers d’euros est prévu pour maintenir « l’armoire à gougouilles » stockée en permanence. Et même quand ce n’est pas institutionnalisé à ce point-là, les douceurs ne manquent pas. C’est qu’entre l’anniversaire de Machine et la passion pour la pâtisserie de Chose, il y a toujours bien l’un ou l’autre collègue pour amener cake, biscuits ou confiseries au bureau. Tellement qu’il est rare que le coin désigné pour les entreposer soit vide de friandises.
En voilà une pratique conviviale! Mais est-elle vraiment aussi innocente (et généreuse) qu’il n’y paraît? Les friandises au boulot ne résistent malheureusement pas à la propension de l’époque à décortiquer la moindre action d’un oeil critique, et le verdict est implacable: amener un quatre quarts à partager avec les collègues ne ferait pas de vous une personne généreuse mais bien, c’est tragique, un·e camarade problématique.
Bouchées doubles
C’est que ce qu’on ingurgite n’est jamais « juste » de la nourriture, surtout quand il s’agit de friandises. Là où l’un·e ne verra qu’un simple morceau de gâteau, aussi vite englouti qu’oublié, pour nombre de personnes, c’est plus difficile à avaler. Pour X, ce sera une entorse à son régime, pour Y, un douloureux rappel de son trouble du comportement alimentaire, tandis que Z se surprendra peut-être à grignoter jusqu’à en avoir mal au ventre histoire de compenser le stress. Tout sauf doux, donc. Surtout quand on prend en compte les effets potentiels sur la santé. C’est qu’à force de grignoter une tranche de cake par-ci et une poignée de chocolats par-là, on se retrouve vite à accumuler les écarts sans même le réaliser.
« Mon frère a récemment commencé à travailler pour une boîte qui stocke un assortiment de barres chocolatées pour le personnel. Résultat des courses: il a pris un kilo ses deux premières semaines » confie un collègue d’open space. Une autre l’avoue: chez elle, elle ne grignote jamais, mais dès qu’elle est au boulot, elle est bien incapable de résister à la tentation d’un petit dix heures, puis d’une petite douceur à quatre heures, parce que tant qu’à faire que de craquer, hein… Sauf que pour certaines personnes, cela ne se limite pas à ça.
Des friandises au boulot, un piège pour les collègues?
Après s’être débattue avec des crises de boulimie sévères tout au long de son adolescence et de ses années d’université, Lucile avait ainsi réussi à s’en libérer à l’approche de la trentaine. Jusqu’à ce qu’elle change de boulot et atterrisse dans une entreprise où on prend le grignotage (très) au sérieux. « Ma voisine d’open space est une pâtissière hors-pair, et il ne se passe pas une semaine sans qu’elle amène une voire plusieurs de ses créations au boulot. Problème, les cookies sont très haut dans la liste de mes trigger foods et quand je commence à en manger, je n’arrive plus à m’arrêter. Je me retiens de bâfrer au travail, mais par contre, je m’arrête à la première supérette entre le bureau et chez moi, et une fois rentrée à la maison, je me fais une crise en règle et je démolis plusieurs paquets de biscuits » confie celle qui, faute d’oser aborder le sujet avec ses collègues, envisage sérieusement de changer de lieu de travail, histoire d’enfin échapper à une tentation à laquelle elle ne parvient pas à résister.
Faut-il en arriver à interdire les friandises au boulot, histoire d’éviter d’en arriver là? Pour la Professeur Susan Jebb, porte-parole de la Food Standards Agency britannique, cela ne fait pas un pli. Et d’aller jusqu’à comparer les effets néfastes de cette pratique au tabagisme passif dans un entretien accordé récemment à nos confrères du Times. Son argument? Bien qu’on ait tous tendance à se percevoir comme des personnes rationnelles et intelligentes, capables de faire des choix informés, cela sous-estime complètement l’impact de notre environnement.
« Si personne n’amenait de gâteau au bureau, je ne passerais pas ma journée à en manger, mais vu que mes collègues en amènent, j’en mange » pointe Susan Jebb. « Certes, c’est mon choix, mais à une époque, on pouvait dire des gens qui voulaient boire un verre qu’ils choisissaient d’aller dans un café enfumé. Aujourd’hui, on est enfin arrivé à un point où on comprend qu’un effort est nécessaire, mais où on réalise aussi que ces efforts ont plus de chance de réussir si les personnes sont entourées de gens qui les soutiennent ». Lire: qui ne leur proposent pas une petite clope, ni un cookie.
Tentations sucrées
En 2017 déjà, le sujet faisait débat, les représentants de l’Ordre des Dentistes britanniques (décidément) ayant accusé celles et ceux qui amènent gâteaux et biscuits au bureau de contribuer à « l’épidémie d’obésité et à la santé buccale déclinante » de leurs pairs. Et le Professeur Nigel Hunt de pointer que « bien qu’amener des friandises au boulot parte d’un bon sentiment, nous avons besoin d’un changement radical de la culture des bureaux et autres lieux de travail, qui doivent encourager une alimentation saine et aider leurs travailleurs à ne pas céder aux tentations sucrées ».
Un point de vue que ne partagent certainement pas les Scandinaves. En Suède, ces moments de partage sont si populaires qu’ils ont même un nom, le fika, soit la pratique de s’éloigner de son bureau pour discuter avec ses collègues autour de l’un ou l’autre délice. Quant à savoir s’il s’agit d’une part de gâteau ou d’une pomme, on laissera à chacun et chacune le soin d’en juger…
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