Comment booster vraiment son système immunitaire?

© UNSPLASH / VITALII PAVLYSHYNETS

Boire du « moon milk », avaler des vitamines tous les jours, pratiquer le yoga chaque semaine… Toutes sortes d’astuces boosteraient notre système immunitaire. Sont-elles vraiment efficaces? Décryptage.

Une cuillère à café de miel chaque matin: nos grands-parents ne juraient que par ce rituel pour éviter les refroidissements. Aujourd’hui, beaucoup cherchent leur salut dans des suppléments alimentaires, commencent la journée par une boisson au curcuma, le « moon milk » (NDLR: une recette de lait aux épices et miel), ou s’affairent sur leur tapis de yoga pour booster leur santé (mentale) et leur système immunitaire. Encore plus en ce moment, alors que l’hiver arrive, emmenant dans son sillage rhumes, grippe et Covid-19.

« La crise sanitaire actuelle a tiré la sonnette d’alarme: nous ne sommes pas au-dessus de la nature, affirme le médecin Servaas Bingé, auteur notamment de La liste – Comment se nourrir (plus) sainement (Hachette Pratique). Dans la conscience collective, l’idée a germé selon laquelle nous ne décidons pas de tout et qu’il faut nous défendre le mieux possible. Nous ne voulons pas être victimes du destin. Autrefois, on se résignait par rapport au fait que vers 40 ans, on souffrait d’hypertension artérielle, puis de diabète et de maladies cardio-vasculaires. Les jeunes générations ne font plus ça. Certainement parce qu’elles ont conscience que notre santé dépend en grande partie de nous-mêmes. La forme et la santé constituent de plus en plus un symbole social. Avant, on frimait avec une belle voiture, aujourd’hui on se vante de sa bonne santé. »

Comment booster vraiment son système immunitaire?

Fruits et légumes… et kéfir

Un système immunitaire qui fonctionne bien est censé nous protéger. « Booster » est un terme qui prête à confusion, selon Servaas Bingé. En réalité, le système immunitaire doit intervenir seulement quand c’est nécessaire. Mais nous pouvons optimaliser les circonstances pour que, quand notre corps est menacé, il puisse fonctionner au maximum de ses forces, aussi efficacement et sainement que possible. Et ça commence par l’alimentation. « Des études récentes montrent que le système immunitaire inné est activé lorsqu’on adopte un mauvais régime à l’Occidentale, explique Joeri Aerts, professeur d’immunologie à la VUB. Des souris ont reçu de la nourriture qui équivaut pour elles au Burger King. Une alimentation peu saine entraîne une inflammation dans le corps, et pas uniquement à court terme. Un tel régime, mais aussi la cigarette et le stress sur une longue période laissent même des traces dans les gènes, qui peuvent être transmises à ses enfants et ses petits-enfants. Ces conséquences ne sont pas réversibles du jour au lendemain, mais lorsqu’on arrête de fumer ou que l’on commence à manger mieux, cela a un effet positif à long terme. »

Un mauvais régime, mais aussi la cigarette et le stress sur une longue période laissent même des traces dans les gènes, qui peuvent être transmises à ses enfants et ses petits-enfants.

Joeri Aerts

Quel type de repas préconiser, dès lors? Le nutritionniste Patrick Mullie aime la « simplicité du système américain: remplissez la moitié de votre assiette avec des légumes et des fruits, un quart avec du riz, des pommes de terre ou des pâtes et un quart de protéines. Limitez la viande à deux ou trois fois par semaine. C’est une source facile de fer et pour la santé, il y a peu de différence entre de la viande de temps en temps et un régime totalement végétarien. » En plus des fruits et des légumes, Servaas Bingé conseille aussi beaucoup de fibres et des prébiotiques comme le chou fermenté et le kéfir, qui sont bons pour la flore intestinale. Et d’éviter la nourriture trop transformée.

J’aime la simplicité du système américain: remplissez la moitié de votre assiette avec des légumes et des fruits, un quart avec du riz, des pommes de terre ou des pâtes et un quart de protéines.

Patrick Mullie

La psychologue nutritionniste Sara Bosman, quant à elle, fait le lien entre un régime incluant le moins possible voire aucun sucre rapide et une bonne santé. « En stabilisant la glycémie, on améliore la digestion, les processus hormonaux et la détoxification. Cela influence positivement votre humeur et votre niveau de stress et donc votre résistance. Avec un régime pauvre en glucides, on favorise en outre de soi-même d’autres aliments dans les menus: plus de légumes, donc plus de vitamines et de minéraux, plus de graisses saines et des protéines de qualité. »

Le rôle du jeûne

Vivre sainement, c’est bon pour notre immunité, donc. « Malheureusement, la santé, ça ne s’achète pas, elle dépend de notre comportement, affirme Patrick Mullie. Mais beaucoup trouvent qu’il est plus facile d’avaler un supplément que d’arrêter de fumer, de commencer le jogging, de manger plus sainement ou d’essayer d’atteindre un poids idéal. »

Selon cet expert en alimentation, une personne en bonne santé n’a pas besoin de suppléments. Servaas Bingé et Sara Bosman, de leur côté, y croient, en complément à une alimentation saine, et adaptés aux besoins individuels. « Une analyse sanguine peut détecter s’il y a des carences, et lesquelles, avance le premier. Les vitamines D et C sont importantes pour le système immunitaire. De nombreux Belges ont une carence en vitamine D. Notre pays a un index UV un peu trop bas et la nourriture ne suffit pas toujours pour en tirer cette vitamine. »

Tous les fruits et les légumes sont des super-aliments. La règle d’or, c’est de varier le plus possible.

Servaas Bingé

Les super-aliments ne sont pas non plus miraculeux. « Le curcuma freine les mécanismes d’inflammation au niveau cellulaire. C’est intéressant, mais il faudrait en manger des kilos pour en ingérer suffisamment, explique Servaas Bingé. Une poignée de baies de goji chaque jour ne comble pas les manques en antioxydants. Il est conseillé de manger régulièrement du gingembre, de l’ail et du curcuma, mais en réalité tous les fruits et les légumes sont des super-aliments. La règle d’or, c’est de varier le plus possible. »

Un maximum de couleurs de l’arc-en-ciel dans notre assiette donc, comme au cours du premier repas après le jeûne, dit-on. Jeûner régulièrement semble d’ailleurs positif pour l’immunité. « Les chercheurs ont constaté qu’un jour ou deux sans manger menait à un rajeunissement du système immunitaire, affirme Joeri Aerts. Le système immunitaire congénital forme davantage de nouvelles cellules. Mais le corps doit s’habituer à cette privation de nourriture, ce qui fait qu’au début on peut justement tomber malade plus facilement. »

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Servaas Bingé, lui, plaide pour une forme « qui rentre dans le cycle de 24 heures, comme la méthode 16-8: 16 heures de jeûne et une « fenêtre pour la nourriture » de 8 heures. De cette manière, on ne pratique pas une forme extrême mais on en reçoit les bénéfices. Les niveaux d’hormones vont se stabiliser et le corps passera à « l’autophagie ». Cela puise dans les cellules usées les éléments qui peuvent encore être utilisés et les intègre dans de nouvelles cellules. Les déchets sont éliminés. Plus des éléments toxiques s’accumulent, plus le système immunitaire est actif et hyperactif, ce qui peut mener à des maladies auto-immunes ou à des allergies. Les cellules souches deviennent aussi de meilleure qualité et plus actives. Et ainsi le système immunitaire se dote de globules blancs en meilleure forme. »

Patrick Mullie attire cependant l’attention sur l’effet yo-yo. « Comme le régime cétogène, le jeûne est une manière, à la mode, de maigrir. Beaucoup de gens ne s’y tiennent pas sur le long terme et reviennent à leur point de départ. »

Comment booster vraiment son système immunitaire?
© GETTY IMAGES

Halte au stress

Autre facteur favorisant notre immunité: l’exercice physique en suffisance. « Selon les normes de santé, ça correspond à une demi-heure de sport modérément intense, comme le jogging, trois fois par semaine, mais cela varie d’une personne à l’autre », affirme Servaas Bingé. Et cela s’ajoute aux fameux 10.000 pas par jour. « Rester assis huit heures à son bureau, ce n’est pas optimal. Soyez actif toute la journée: prenez les escaliers, participez à votre réunion en faisant une petite promenade. Ne sous-estimez pas cet impact: le corps est bien irrigué et reçoit de l’oxygène frais, les déchets sont éliminés… »

Assez de sommeil, pas de stress et une bonne santé mentale ont aussi un impact positif sur notre résistance. « Lors des expériences stressantes, des substances qui ont un effet sur les cellules immunitaires, comme le cortisol, sont produites. Le système immunitaire adaptatif en souffre », précise Joeri Aerts. Des recherches ont démontré que les gens qui dorment sept heures par nuit ont une meilleure résistance que ceux qui dorment moins et que vivre avec six heures ou moins de sommeil multiplie par quatre le risque d’attraper un rhume ou un virus.

Les facteurs immunitaires jouent aussi un rôle important et contre ça on ne peut rien faire.

Joeri Aerts

Mais suivre ces règles – manger sain, ne pas fumer, dormir suffisamment et faire de l’exercice, peu ou pas d’alcool (selon Servaas Bingé, un verre de vin rouge est une bonne source d’antioxydants, de polyphénols et de resvératrol) – ne garantit pas encore « que votre système immunitaire sera suffisamment fort pour repousser une infection ou un virus comme le Covid-19, souligne Joeri Aerts. Les facteurs immunitaires jouent aussi un rôle important et contre ça on ne peut rien faire. Si vous vivez très sainement mais que vous avez un récepteur sur vos cellules qui est très sensible au coronavirus, vous pouvez tout de même tomber très malade. C’est ce qui explique pourquoi certaines personnes jeunes et en bonne santé ont été si gravement touchées. »

Si nous ne pouvons pas maîtriser notre santé complètement, ça aide pourtant de le croire. Sara Bosman attire l’attention sur l’effet placebo que peuvent avoir « en plus de leurs effets réels, certaines mesures que l’on applique comme manger sainement. Les recherches montrent que lorsque les gens croient à la force de leur corps, ils sont mieux protégés contre les rhumes, et vice-versa. Aujourd’hui, c’est trop souvent le contraire qui se produit. Ainsi, la façon dont on a envisagé la pandémie a créé un effet « nocebo »: les gens prennent peur, ils ne croient plus en leurs propres ressources, ni qu’ils peuvent prendre eux-mêmes leur santé en main, ce qui influence négativement leur immunité ».

Un privilège

Reste cette question: l’attention actuelle aux façons de booster son système immunitaire touche-t-elle vraiment les gens qui en ont le plus besoin? Cette quête d’une santé (encore) meilleure est quelque part un privilège. Tout le monde ne peut pas agrémenter son régime d’un supplément de quinoa ou de kimchi du magasin bio ou faire baisser son niveau de stress avec une séance de yoga le samedi. « Des inégalités existent, surtout aux niveaux de la formation et du développement, avance Servaas Bingé. Tout le monde n’a pas accès à l’information sur la santé ou pense à prendre celle-ci en main. Ainsi se crée un gouffre entre « sain consciemment » et « non sain inconsciemment ». »

« Il y a une polarisation sociétale: une partie de la population mène une vie saine et une autre non, explique Patrick Mullie. Le nombre de personnes obèses a augmenté et la catégorie intermédiaire en surpoids disparaît progressivement. Une de mes études montre que les gens qui ont déjà une bonne santé prennent des suppléments pour l’améliorer encore un peu plus. Mais plus on est haut sur l’échelle, moins on peut créer de bénéfices. Le plus grand bond en avant commence sur la marche qui est tout en bas. Et ce sont justement les gens qui sont les plus difficiles à atteindre. Je crois aux règles au niveau global de la population, comme le fait de faire baisser le prix des aliments sains et augmenter celui des aliments nocifs. C’est l’obésité qui est un vrai problème dans notre société, pas notre résistance. »

Le système immunitaire, comment ça marche?

Le système immunitaire repousse l’ennemi, comme un virus par exemple. Si celui-ci menace d’entrer dans notre corps, il fait tout pour l’expulser. C’est pour cela, entre autres, que notre nez coule lorsque nous sommes enrhumés.

Le système immunitaire est ingénieusement conçu. « Nous le divisons grosso modo en un système immunitaire inné et un système immunitaire acquis ou adaptatif, précise Joeri Aerts. Le premier va des premières barrières corporelles brutes – salive, larmes, muqueuse – aux protéines et aux cellules. Ces dernières sont plus ou moins les mêmes chez tout le monde, ont à peu près des fonctions identiques et sont généralement capables d’entrer très vite en action. La partie adaptative, elle, est spécifique à chacun: chaque individu a sa propre gamme de millions de lymphocytes B et T. Les premiers produisent les anticorps. Le premier type de lymphocyte T peut reconnaître les cellules infectées, les cellules T auxiliaires soutiennent les différents processus du système immunitaire. »

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