Les vertus de la pole dance
La pole dance a longtemps été associée à des images de filles se trémoussant autour d’une barre dans les cafés bordant les autoroutes américaines. Pourtant la discipline se considère comme sport à part entière. A Bruxelles, les cours se multiplient pour laisser place à l’art, la technique, mais aussi l’appréciation de soi.
Premier cours de pole dance. Dans les vestiaires, une dizaine de filles se changent, certaines timides, d’autres confiantes. Arrivées dans la salle, nous nous retrouvons face à cinq barres, et des murs recouverts de miroirs reflétant la lumière qui s’infiltre par les vitres. Les participantes se placent par binôme devant le fameux poteau en métal. La séance commence.
Charlotte Dardenne se présente, elle est professeure, et la directrice de Full Moon Studio, situé à Etterbeek. Elle aime être là aux premiers cours. Encourageante et patiente, elle pousse ses nouveaux élèves à prendre le contrôle de leurs corps afin de réussir à réaliser les figures proposées. Dans l’assistance, essentiellement des jeunes filles, même si on retrouve parfois aussi des hommes et des femmes de 40-50 ans qui décident de se lancer afin de se dépasser et de reprendre le contrôle sur leur image.
Charlotte a ouvert son premier studio en 2020, et suite au succès, un second vient d’être inauguré à Ixelles. La jeune professeure a commencé la pole dance il y a cinq ans : » Quand je disais à mon entourage que j’en faisais, ils imaginaient que j’étais dans des bars tard le soir. » Alors que la réalité était tout autre, Charlotte se rendait une fois par semaine à son cours dans l’espoir de fuir sa dépression. Elle avait alors une estime d’elle au plus bas. Et c’est au fil des entraînements qu’elle a constaté sa progression. Encouragée par les autres femmes de l’équipe, elle a réussi à remonter la pente. Pour elle, la pole est certes une activité physique, mais aussi une thérapie… Un message qu’elle entend aujourd’hui faire passer dans son infrastructure.
Un sentiment de sororité
La pole dance est en effet un sport qui cultive d’abord le dépassement de soi, même si en commençant aucune base n’est nécessaire. Selon Charlotte, qu’importent le gabarit et la masse musculaire, tout le monde commence en tant que débutant. » C’est une activité très bénéfique à la santé, que ce soit du point de vue de la musculature, du renforcement et de la souplesse « , affirme-t-elle, ajoutant que l’aspect social n’est pas à négliger.
Même s’il y a des hommes qui commencent à venir, ce n’est pas grave, dit-elle en rigolant. Ils peuvent faire partie de la sororité aussi
D’ailleurs, les participantes parlent d’un sentiment de » sisterhood « . Athina, une ancienne élève, aujourd’hui professeure au studio, explique : » Je trouve que la pole, c’est super addictif. Et il y a réellement une ambiance de sororité entre nous, même s’il y a des hommes qui commencent à venir, ce n’est pas grave, dit-elle en rigolant. Ils peuvent faire partie de la sororité aussi. «
La jeune femme de 24 ans insiste sur le fait qu’il n’y a pas de recherche « de validation masculine » dans leurs cours: « On a l’impression que la pole est associée au strip-tease et au « vouloir plaire »… Mais non, dans mon cours il n’y a que des filles et on se fiche de savoir si un mec trouve ça sexy ou pas. «
Reprendre son corps en main
Pour Victoria, adepte depuis cinq ans, la pole dance a servi, chez elle, de déclencheur: » Ça m’a permis de me dire » ok c’est maintenant « , j’avais vraiment envie de prendre soin de moi, parce que ça me faisait plaisir et non plus parce que c’était une obligation. «
Cette élève de 35 ans a commencé l’activité, avec un passé de danseuse classique, un univers dans lequel elle est restée quinze ans mais qu’elle décrit comme » très carré, et avec beaucoup d’attente par rapport au physique « . Elle n’y trouvait plus son compte : » Il faut savoir que je n’avais pas du tout le corps d’une danseuse classique, donc c’était déjà un problème pour moi en matière d’image. «
» Tu arrives ici déprimé et tu ressors de ce cours en te sentant la reine du monde. «
Arrivée dans le monde de la pole, elle s’est servie de la rigueur acquise en danse classique pour se lancer. A ses débuts, elle avait 15 kilos en plus, perdus depuis grâce à la détermination provoquée par cette activité. Elle a alors allié la pole dance et la salle de sport régulièrement afin d’atteindre le mode de vie et le physique souhaités. Un tournant qu’elle n’aurait probablement pas pu faire sans la bienveillance des élèves et professeurs, qui n’hésitent pas à féliciter et applaudir lorsqu’une participante se dépasse et réussit une figure. Et de conclure: » Tu arrives ici déprimé et tu ressors de ce cours en te sentant la reine du monde. «
Un vrai sport
La pratique régulière de la pole dance renforce le gainage du corps et permet aussi de développer divers muscles. » Cela permet d’améliorer notre force physique et surtout de développer le haut du corps qu’on ne travaille pas spécialement en tant que femme habituellement « , précise Athina, qui a été séduite par cette alliance de performances sportive et artistique, elle qui était amatrice de sport intensif comme le crossfit ou le pump. » Je me sentais à des kilomètres de la sensualité et je me suis dit que ça pourrait être chouette de combiner ce que j’aimais à quelque chose pour lequel je suis moins à l’aise, comme la souplesse et l’élégance. «
C’est aussi cette mobilisation des muscles dans la technique qu’apprécie Laurence, une élève du studio âgée de 41 ans – » C’est surtout le côté acrobatique qui me plaît, c’est vraiment plus sportif que sensuel. » Un aspect qui convainc aussi de plus en plus de messieurs de se lancer dans la pratique. Comme Philippe, qui a commencé la pole dance en 2019. Etant lui aussi adepte de la musculation, il s’ennuyait en s’entraînant seul. Ce sont des vidéos sur les réseaux sociaux qui lui ont fait découvrir la discipline: » Ces ‘pole dancers’ faisaient des trucs fous, je me suis dit que je voulais essayer. Je me suis rendu à une initiation et ça m’a plu. Aujourd’hui, c’est devenu un réel plaisir. Je retrouve dans la pole dance ma démarche de la musculation et je peux même corriger mes problèmes de dos. »
Convaincus par tous ses arguments, les pratiquants sont de plus en plus nombreux dans notre pays. La fédération IPSF (International Pole Sports Federation) est en cours de création, mais les procédures ont été ralenties à cause du Covid. Elle verra le jour au courant de cette année 2022. La directrice du studio Full Moon espère que cette étape – déjà franchie dans de nombreux pays – permettra une reconnaissance, afin de laisser place à de réelles compétitions. Et de terminer: » Je dirais aux gens de passer le cap pour nous rejoindre, et de ne pas se focaliser sur le fait qu’ils ne sont peut-être pas à l’aise avec l’image d’eux-mêmes. Ils doivent se dire qu’ils vont à un cours de sport. «
Par Myriam Karrout
Full Moon Studio, 56, avenue des Celtes, à 1040 Etterbeek et 537, chaussée de Boondael, à 1050 Ixelles. pole-dance.brussels/
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