Lisette Lombé

Chronique | Et avec un ciel bleu au-dessus de la tête, est-ce plus simple?

Les rues sont pavées d’humeurs, de rencontres, de silences ou d’aveux. Lisette Lombé s’y abandonne et s’y émerveille, humant l’air du temps de sa prose nomade.

​Fin du grand break estival. Batteries rechargées mais les recharge-t-on jamais assez dans nos sociétés? Semaine de reprise. Lundi. Bruxelles. Répétition, interview. Mardi. Paris. Projet d’écriture à quatre mains. Jeudi. Houlgate. Rencontre littéraire. Dimanche. Suarlée. Performance slam, festival de musique. En parallèle, montagne de mails. Retour du stress, de l’apnée, des urgences qui ne m’appartiennent pas, des aléas des longs déplacements, des entraînements de foot de mes fils. Sensation de perdre en quelques jours presque tout le bénéfice des semaines de repos.

Souffler. Se rappeler que c’est chaque année pareil depuis ce choix du métier artistique. Accueillir le vertige, la saturation. Imaginer le désengorgement, l’apaisement. Se dire que l’écriture retrouvera des écrins. Se concentrer sur le positif. Les retrouvailles avec les collègues cool. Les teints hâlés, la beauté particulière des visages et des corps en été. Les paysages neufs, l’accueil chaleureux de la parole poétique, l’attente du public, les échanges à chaque fois si riches. 

Souffler. Parcourir les listes de pépites d’humanité dans les carnets de vacances. La tendresse ne prend jamais congé des hommes. Je pense à ce père de famille, assis en face de moi dans le train, en partance pour la mer, distribuant des fruits à ses enfants pendant que sa femme dort. Son baiser sur la joue de celle-ci, son gilet pour recouvrir ses épaules. Sourire. Etre témoin de l’amour qui résiste aux contingences du quotidien. Ou l’inverse.

‘La tendresse ne prend jamais congé des hommes.’

Noter cette phrase entendue sur le quai de la gare des Guillemins: «Elle t’a largué par SMS ou par mail?» Effacement de la voix, des bras, du regard, de la tristesse palpable. Peut-être des mots mûris et écrits valent-ils mieux qu’un corps empêtré qui s’excuse maladroitement de ne plus aimer? Je ne juge pas les moyens de s’éloigner. Comme la plupart des gens, je me suis tenue sur les deux rives. Quitter et être quittée. Ma sœur pense que l’on se console plus vite avec les poches pleines. Elle dit «Les gens ont des ressources», comme d’autres disent «Les gens retombent vite sur leurs pattes». 

Encore plusieurs amies à ramasser à la petite cuillère cet été. Comment être un soutien dans l’urgence et sur le temps long? Comment écouter sans juger? Comment conseiller sans projeter ses propres appréhensions et fonctionnements? Comment donner espoir en ne court-circuitant pas l’étape du deuil? Comment aider à discerner attachement, dépendance affective et amour? Comment respecter les évitements, les ressacs et les ambivalences comme faisant partie du cycle des sentiments? Comment trouver le courage d’assumer d’autres modèles amoureux? Comment apprendre à ne plus regretter les actes posés et les actes manqués? 

L’amour, sujet inépuisable. Questionnements permanents. Elans et chutes. Energie et affres. Matière ancestrale des poètes. Me reviennent, en écrivant cette chronique, les expressions «un amour de vacances» et «un amour de jeunesse». Petit jeu de fin d’été. Fermez les yeux, faites appel à votre mémoire amoureuse et convoquez les noms, les visages, les lieux associés à ces expressions. Premières images pour moi: j’ai 12 ans, le cœur qui bondit comme un diable, les mains moites, un appareil dentaire, une balle de basket dans les parages. Et vous?

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