Edgar Kosma
Été déconnecté… et plus si affinités
Au royaume des réseaux sociaux, les jours passent et ne se ressemblent pas. Entre les buzz et les likes, le vrai et le fake, Edgar Kosma scrolle le fil d’actu d’un siècle décidément étrange. Hashtag sans filtre.
Je n’ai jamais aimé les phrases toutes faites, me disant qu’à force de parler avec des phrases préfabriquées, le risque était de ne plus penser. Mais tout de même, parfois, je dois bien reconnaître que certaines expressions ne se sont pas imposées par hasard, mais par leur force de frappe, à l’instar de la très populaire «Tout a une fin.»
C’est un fait, dans notre monde, c’est ainsi que vont les choses: les jours, les semaines, les mois, les saisons, les années, les histoires, belles comme mauvaises, se terminent toujours. Seul l’infini, la mort et Michel Drucker semblent faire exception à la règle.
Nulle dérogation à la règle pour cette chronique, puisque vous lisez en ce moment mon dernier opus de la saison et même la toute dernière «Connexion en cours» tout court. Après deux ans de bons et loyaux services dans les pages de ce magazine vivant et stylé, je rangerai définitivement mes jeux de mots aux vestiaires dès que sera sifflé le point final.
Non, ne pleurez pas, mais dites-vous plutôt que toute fin est aussi un nouveau commencement. La saison s’y prête d’ailleurs très bien puisque nous serons dans quelques jours au mitan de l’année et, comme chaque fois depuis que les saisons sont les saisons et que les congés payés ont été instaurés, cette envie nous prendra de quitter notre quotidien pour quelque temps et de nous envoler vers d’autres cieux forcément plus cléments, là où l’herbe est souvent plus jaune que chez nous.
En ce qui me concerne, cet été sera certes ensoleillé mais pas des plus reposants car je vais jouer mon spectacle Seul en scène comme dans la vie au Festival OFF d’Avignon. Rassurez-vous: même si ça y ressemble un peu, je ne vous fais pas une promotion déguisée, mais je vous le dis parce que je vois dans ce projet une certaine forme d’ironie.
Moi qui, depuis octobre 2021, n’ai fait au fil de ces pages que vous abreuver de considérations diverses et variées à propos d’Internet, des réseaux sociaux, des intelligences artificielles, des applications de messagerie, du multivers, du métavers, d’Elon Musk, Mark Zuckerberg et consorts, je vais donc passer une partie du mois de juillet dans les ruelles médiévales de la cité des Papes à accrocher des affiches avec de la corde, distribuer des flyers de main à main à des inconnus, avec parfois un petit sourire en prime en guise de smiley. Et quand le flyer viendra à manquer, ça passera carrément par la parole: «Tiens, ça vous dit un spectacle sur un type pas drôle qui veut faire du stand-up? Non? S’il vous plaît…» Je les vois déjà arriver devant le théâtre, avec le gros annuaire imprimé du festival, les mains tachées par l’encre de ses fines pages, et un petit éventail tout droit sorti d’un roman de Pagnol.
‘Le petit rosé frais en guise de récompense et le soleil qui se couche.’
Attention: je ne pars pas non plus chez les Amish, et il y aura bien sûr des partages de photos et de vidéos sur Facebook et Instagram, pas mal de stories créées et repartagées et peut-être même des publications sponsorisées et ciblées. Et je ne dis pas que je n’utiliserai pas de temps à autre Google Maps pour me situer dans les remparts.
Mais, d’une certaine manière, la plus grande partie de cette expérience se passera dans le monde physique tel qu’on le pratiquait avant, avec le soleil qui se lève, la voix qui vibre, le regard complice, la chaleur suffocante, les odeurs de transpiration, celles du public et la mienne sur scène, les mains moites à la sortie, le petit rosé frais en guise de récompense et le soleil qui se couche.
Je ne dis pas que c’est mieux, ni moins bien, mais moi qui suis parfois tellement connecté au point que mon smartphone frôle le burn-out, je ne peux que me réjouir de cette petite parenthèse de déconnexion qui devrait me faire le plus grand bien. D’autant plus que je ne suis pas naïf et que je suis bien placé pour savoir qu’une fois l’été terminé, la vie digitale reprendra son cours, telle une pluie torrentielle après une canicule.
Si vous passez dans le Sud cet été, n’hésitez pas à venir me voir. En vrai. On pourrait même peut-être se faire une petite story.
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