Serge Rozenberg
La ménopause, entre ignorance et tabou
A l’occasion de la Journée Internationale des Femmes, le Docteur Serge Rozenberg, Professeur en Obstétrique et Gynécologie à l’ULB, Chef de service au CHU Saint Pierre et Secrétaire de la Belgian Menopause Society, aborde une étape naturelle de la vie des femmes encore souvent mal comprise : la ménopause. Si cette période représente 30 % de la vie d’une femme, elle est paradoxalement encore méconnue par son entourage, mais également par la femme elle-même. Il est donc grand temps d’en parler.
Plus que jamais, la pandémie a révélé les profondes inégalités de notre société. Si l’ensemble de la population en a ressenti les effets, plusieurs études démontrent que les femmes ont été particulièrement impactées par la crise sanitaire, le confinement se révélant un poids supplémentaire dans la charge mentale que celles-ci supportent déjà en temps normal. Les femmes ont ainsi dû transformer leur quotidien pour s’occuper des enfants et accomplir leurs tâches professionnelles en parallèle, entraînant un accroissement des inégalités entre les sexes. Dans ce contexte, et à l’occasion de la Journée Internationale des Femmes, le Docteur Serge Rozenberg, Professeur en Obstétrique et Gynécologie à l’ULB, Chef de service au CHU Saint Pierre et Secrétaire de la Belgian Menopause Society, aborde une étape naturelle de la vie des femmes encore souvent mal comprise: la ménopause. Si cette période représente 30% de la vie d’une femme, elle est paradoxalement encore méconnue par son entourage, mais également par la femme elle-même. Il est donc grand temps d’en parler.
Une fois ménopausées, les femelles deviendraient ainsi les ‘leaders’ de la communauté, apportant leur expérience et leur aide aux plus jeunes. Malgré cette explication positive de la ménopause dans la littérature scientifique, force est de constater que cet âge de la vie des femmes est encore appréhendé de manière négative au sein de la société actuelle.
« Au sein du monde animal, la ménopause est un phénomène rare, la plupart des espèces continuant à se reproduire jusqu’à ce qu’elles meurent. L’espèce humaine, de même que les orques et les baleines pilotes, font ainsi figure d’exception, l’activité ovarienne des femelles cessant à partir d’un certain âge: c’est la ménopause. Chez la femme, cette étape survient en général vers 50 ans, et constitue la fin de la période féconde. Les orques, eux, cessent de mettre bas autour de la quarantaine, mais peuvent atteindre l’âge de 90 ans. Le fait que certaines espèces vivent au-delà de leur capacité de reproduction est depuis longtemps source de questionnements au sein du monde scientifique: pourquoi ce phénomène existe-t-il et quel est l’avantage évolutif d’avoir une espérance de vie dépassant la période de fertilité?
L’une des hypothèses retenues pour expliquer la survenue de la ménopause est ‘l’hypothèse de la grand-mère’, selon laquelle la ménopause favoriserait la reproduction de l’espèce, la ‘grand-mère’ contribuant au succès reproducteur en aidant sa fille à élever ses petits. Une fois ménopausées, les femelles deviendraient ainsi les ‘leaders’ de la communauté, apportant leur expérience et leur aide aux plus jeunes. Malgré cette explication positive de la ménopause dans la littérature scientifique, force est de constater que cet âge de la vie des femmes est encore appréhendé de manière négative au sein de la société actuelle.
Si toutes les femmes sont ou seront un jour ménopausées, cette période de leur vie reste souvent considérée comme l’entrée dans la vieillesse et la perte de la féminité, et constitue encore malheureusement un véritable tabou.
Comment le monde se comporterait-il si tous les hommes étaient castrés à l’âge de 50 ans? La comparaison, certes anecdotique, mérite d’être relevée, mettant en lumière une société encore très patriarcale.
Perçue comme une période passagère par la majorité de la population, la ménopause représente pourtant en moyenne un tiers de la vie d’une femme. Elle est donc tout sauf transitoire, et il peut en être de même pour ses symptômes. Bouffées de chaleur, transpirations nocturnes, vertiges, troubles urinaires, ostéoporose, perte de libido, anxiété, humeur dépressive, troubles du sommeil ou de la concentration figurent parmi les multiples effets susceptibles d’impacter négativement le confort de vie d’une femme ménopausée. Tant sur le plan physiologique que psychologique, les conséquences sont nombreuses, et il est clair que l’on en fait aujourd’hui beaucoup trop peu de cas. Comment le monde se comporterait-il si tous les hommes étaient castrés à l’âge de 50 ans? La comparaison, certes anecdotique, mérite d’être relevée, mettant en lumière une société encore très patriarcale.
Outre les réels désagréments au quotidien, des études récentes rapportent que les symptômes de la ménopause peuvent représenter un obstacle dans la vie professionnelle de la femme, que celle-ci doit affronter en silence. En effet, c’est sur le lieu de travail que les femmes subissent souvent les stéréotypes liés à la ménopause, dont les symptômes peuvent avoir un effet néfaste sur la reconnaissance mais aussi sur l’évolution de la carrière, à un âge où elles ont acquis une expérience significative. Cette étape de la vie d’une femme s’avère ainsi dans certains cas véritablement handicapante, et source d’inégalités professionnelles.
À l’heure où différentes études suggèrent que la femme a tendance à minimiser ses plaintes par rapport aux symptômes de la ménopause, il apparaît essentiel de libérer la parole autour du sujet et de déculpabiliser la femme quant au besoin de prise en charge et de traitement. Il existe encore de nombreuses idées reçues, notamment sur les traitements hormonaux de substitution, qu’il est grand temps de déconstruire. Dans le même esprit, il convient de se méfier de Docteur Google et des remèdes de perlimpinpin que l’on peut trouver sur internet. La décomplexion autour de la ménopause passe d’une part par la libération de la parole au sein de la structure familiale (c’est d’autant plus vrai lorsqu’on sait que de nombreuses femmes n’évoquent pas la ménopause avec leur conjoint et leurs enfants), mais également par une sensibilisation à la nécessité d’aborder le sujet avec son médecin ou gynécologue, afin d’établir une approche adaptée et de profiter d’une vie autonome et de qualité après la ménopause.
Un traitement adapté, un bon ‘mindset’, et un entourage aussi informé que compréhensif, voilà la clé pour bien vivre cette étape importante de la vie d’une femme.
Le besoin de parler est manifeste, mais la difficulté à le faire l’est tout autant. La ménopause peut être vécue de manière assumée et même épanouie, à partir du moment où on la gère bien: un traitement adapté, un bon ‘mindset’, et un entourage aussi informé que compréhensif, voilà la clé pour bien vivre cette étape importante de la vie d’une femme.
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