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Bye bye les JO de Paris (2/6) / Noah Servais, triathlète: «Ne plus prendre l’avion a été une libération»

Fanny Bouvry
Fanny Bouvry Journaliste

Le Vif Weekend part à la rencontre de ces champions belges qui ne pourront pas briller aux jeux Olympiques de Paris. Parmi eux, le triathlète Noah Servais (26 ans) qui a mis fin à ses ambitions olympiques… pour des raisons écologiques.

«J’ai commencé le triathlon à Saint-Georges-sur-Meuse simplement parce que mes cousins en faisaient et j’ai tout de suite adoré ce mélange d’émotions qu’il y a autour de cette discipline. J’ai donc toujours beaucoup voyagé pour faire des compétitions, même en catégorie jeunes. Mais j’ai toujours eu aussi un regard extérieur: ça me faisait mal au cœur de prendre l’avion à chaque fois pour aller faire des courses à l’autre bout de la planète. Certes je voyais des villes et des pays magnifiques mais je me rendais aussi compte que je participais un peu à la dégradation de cet environnement. Plus je grandissais et plus ça commençait à me toucher, à m’attaquer même, que ce soit mentalement ou même dans mes performances. La dernière année, quand je prenais l’avion, le stress était énorme. Je me disais: “Mais qu’est-ce que tu es en train de faire?” J’avais la sensation de faire du mal à autrui. L’an passé, je n’étais plus moi-même, tant à l’entraînement qu’en compétition, et c’était dû à cette composante mentale.» 

Une décision radicale

«En triathlon, la qualification olympique se déroule en deux ans et la Belgique a droit à deux ou trois dossards. Après avoir été réserviste à Tokyo, mon objectif était de participer cette fois… Mais la dernière compétition internationale que j’ai faite, en juillet dernier, m’a mis presque dans un état de panique. Durant la course, j’étais bien placé et puis, j’ai commencé à penser à l’avion et j’ai presque arrêté de courir. Là, je me suis dit il y avait un vrai souci. Je n’étais plus en accord avec mes valeurs.

«J’ai donc décidé de ne plus prendre l’avion. Dans un sport comme le mien, qui se déroule sur tous les continents, une telle décision a pour conséquence inévitable de renoncer au rêve olympique. Après, pour être tout à fait honnête, je ne sais pas si j’aurais été qualifié malgré tout. Il faut rendre à César ce qui appartient à César. Actuellement, les deux autres triathlètes qui représenteront la Belgique sont plus forts que moi…»

Un autre chemin

«Je savais que cette décision allait me mettre des bâtons dans les roues parce que j’étais employé par la Défense (NDLR : le système Topsport Défence permet à une trentaine de sportifs de haut niveau de poursuivre leurs objectifs). Je me suis retrouvé sans emploi et sans rentrées d’argent directes du jour au lendemain en mars dernier… Aujourd’hui, je vis grâce aux primes de courses, mais c’est une situation un peu bancale. Heureusement, on a la chance en Europe d’avoir énormément de courses de proximité, que ce soit en France, en Allemagne, en Espagne… Je continue donc le triathlon en respectant mes valeurs.»

Copyright: @Theo Gomez/Puur Film

«C’est vrai que j’ai vécu cet épisode en partie comme un échec. Cela faisait quatre ou cinq ans que je visais l’objectif final non pas de participer aux JO mais surtout d’y performer. J’avais l’impression d’abandonner mon «moi petit» qui rêvait de ces jeux. Mais en même temps, c’était une sorte de libération. Cela faisait finalement des années que je me mettais de œillères, que je m’empêchais de réfléchir. J’étais assez fier d’avoir pu prendre cette décision et que mes valeurs aient pris le dessus.»

Vers un activisme sportif

«Mes proches m’ont soutenu car ils savent que l’environnement compte énormément pour moi. Mais je sais bien qu’il y a certaines personnes qui étaient déçues que je n’aille pas chercher le Saint Graal. Cela dit, les réactions les plus négatives sont surtout venues de climato-sceptiques… J’ai aussi eu pas mal de retours d’athlètes internationaux qui me disaient qu’ils me soutenaient. Par contre, je pense qu’entre leurs messages et le passage à l’acte, il y a encore un gouffre. Mais je n’en veux à personne.»

«A ma connaissance, je suis le seul triathlète à avoir fait ce choix. Cela dit, je sais que c’est une décision un peu naïve. Je ne pense pas que je vais sauver la planète à moi tout seul. J’aimerais néanmoins continuer à performer, titiller les meilleurs mondiaux et pouvoir montrer que même avec une vision locale on peut y arriver. A côté de l’avion, il y a des tas d’efforts à faire dans les déplacements en général, dans l’alimentation ; etc.»

Copyright: Stijn Vandecapelle

«Pour l’instant, mon activisme est personnel, je ne le partage pas trop. Mais il y a de plus en plus de personnes qui me demandent de communiquer là-dessus et d’ouvrir mes réseaux sociaux à ce genre de choses. De base, je suis quelqu’un de plutôt réservé et je pense que chacun vit comme il le veut. Mais finalement pourquoi pas, ce sera peut-être la prochaine étape de mon parcours? Je ne veux rien imposer mais pourquoi pas inspirer d’autres… Si je retiens quelque chose de tout ça, c’est qu’il faut toujours écouter son cœur. Je pense que c’est une des meilleures façons d’apprécier la vie à sa juste valeur.»

Retrouvez d’autres témoignages dans notre dossier Mes JO manqués

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