Pourquoi 3 Wallons sur 20 regrettent d’être devenus parents (et ce que ça dit de l’épuisement parental)
Pour son dernier baromètre, la caisse d’allocations familiales Camille a décidé d’explorer le sujet du stress et de la fatigue des parents en Wallonie. Plus de 2.200 familles avec enfants âgés de 0 à 18 ans ont répondu à une enquête qui révèle un malaise profond.
« Dans une autre vie, je crois que je ferais comme toi et que je n’aurais pas d’enfants ». La phrase, prononcée d’un ton badin lors d’une pause midi entre collègues, peut sembler d’autant plus innocente que la personne qui la prononce a plusieurs enfants qu’elle adore. Mais si, loin d’une projection somme toute assez saine dans une réalité autre que la sienne, elle dénotait en réalité d’un problème nettement plus préoccupant? Être parent à l’ère de la productivité effrénée serait donc une souffrance?
Tout dépend de la personne à qui on le demande. Mais ce qui est certain, c’est que pour près de la totalité des parents wallons interrogés (85%) la parentalité est une source de stress, avec 63% (!) d’entre eux déclarant que celle-ci leur cause un niveau de stress égal ou supérieur à 7 sur une échelle allant de 1 à 10.
Les raisons principales de cette angoisse?
- La gestion des tâches ménagères et l’organisation de la maison en parallèle à l’attention accordée aux enfants (61% des répondants).
- Les pressions financières liées aux besoins (éducation, activités, imprévus) des enfants (57%).
- Le manque de temps pour concilier temps pour soi et temps pour les enfants (57%).
- Les contraintes (intendance, temps, argent…) de la vie quotidienne (52%).
- Les préoccupations concernant la santé mentale et physique des enfants (44%).
Parmi les autres motifs de stress, on retrouve également le harcèlement scolaire, le manque de soutien ou encore la gestion de la communication avec les enfants.
Ajoutez à ça le fait que la majorité des parents (73%) estiment que le stress a un impact réel sur leur vie familiale, et parmi eux, qu’un parent sur trois estime que cet impact a des effets très clairs sur ses relations et son bien-être, et vous obtenez le résultat suivant: 3 parents wallons sur 20 confient regretter d’avoir fait un enfant, ou avouent à tout le moins qu’ils hésiteraient fortement à devenir parents s’ils avaient pleinement eu conscience de ce que cela implique.
Jongler avec les responsabilités
Plus surprenant, peut-être? Parmi les 5% de parents qui déclarent qu’ils ne referaient pas le choix de la parentalité si c’était à refaire, on retrouve des parents pour qui celle-ci correspond pourtant « exactement à ce qu’ils s’imaginaient » ou du moins, que leur rôle de parent correspond « globalement à leurs attentes ». Ce ne sont donc pas uniquement les pères et mères qui se sentent complètement dépassés par leur rôle qui regrettent d’avoir mis des enfants au monde.
Ce qui pose une autre question: pourquoi ces regrets?
À refaire, plus d’un tiers (33%) aurait opté pour une autre vie professionnelle avant d’avoir des enfants, tandis que 32% des parents qui ont participé à l’enquête de Camille confient que s’ils avaient su, ils auraient plus profité de leur vie personnelle (en sortant plus, en voyageant ou encore, en faisant plus souvent la grasse matinée) avant la naissance de leur progéniture. Un point de vue qui arrive à égalité avec « j’aurais économisé plus pour faire face aux coûts de la parentalité » et « j’aurais eu des enfants plutôt à un autre moment », soit plus tôt soit plus tard.
Contactée par Camille pour apporter son éclairage professionnel sur ces réponses qui dénotent d’un malaise bien présent parmi les parents du sud du pays, Catherine Choque, psychologue clinicienne et systémicienne spécialisée dans le stress et le burn-out confirme que le rôle de parent, avec toutes les responsabilités mais aussi les nouvelles compétences à acquérir qu’il implique, est non seulement stressant en tant que tel, mais il l’est d’autant plus qu’il est rarement le seul rôle qu’assume un adulte.
On n’est ainsi pas seulement le parent de X mais aussi le conjoint de Y, et en plus de ça, on est aussi un collègue, un frère ou une soeur, un fils ou une fille… Bref, une série de casquettes supplémentaires qui sont source d’autant de joie que de stress supplémentaire. Problème, met en garde Catherine Choque, « si l’état de stress perdure sur le long terme et devient chronique, nous épuisons au fur et à mesure nos ressources et pouvons craquer d’épuisement (physique, cognitif et émotionnel) ».
Plus d’argent et de temps
Et d’ajouter que « se préoccuper et prévenir le stress parental est d’autant plus essentiel et primordial que cela impacte directement les enfants et adolescents, adultes de demain, et notamment leur santé mentale ».
Certes. Mais dans les faits, comment s’en (pré)occuper quand on jongle déjà toute une série de rôles, d’impératifs et autres incendies à éteindre le plus vite possible? À l’heure d’écrire ces lignes, il ressort du baromètre Camille que les parents cherchent des solutions en adaptant leur carrière. Et que ce sont souvent les femmes qui en paient le prix, puisque 45 % des mères déclarent avoir réduit leur temps de travail pour mieux concilier vie professionnelle et vie familiale, contre seulement 26 % des pères – avec tout ce que ça implique pour l’avancement professionnel et la pension en fin de carrière.
Parmi les parents interrogés, 60% confient que « des moments de répit et un budget moins serré » seraient les deux éléments qui leur permettraient d’être moins stressés. Problème: à moins d’avoir un matelas financier confortable, les deux sont par définition antinomiques, et si on ressent le besoin de prendre plus de temps pour souffler, cela veut bien souvent dire qu’on accepte de travailler moins, et donc, de naviguer avec un budget encore plus serré…
Plus simple à mettre en place pour adoucir un peu la charge parentale? 91% des répondants estiment que la fatigue liée à la parentalité est sous-estimée par la société et les employeurs. Il n’y a pas de solution miracle, mais faire preuve d’un peu d’empathie et de bienveillance, c’est déjà (un peu) ça.
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