Psycho | Cancer du sein: le guide anti-bourdes pour amis désemparés
Rescapée du cancer, Charlotte Pascal propose des clés pour aider l’entourage de la malade à trouver les bons mots, au bon moment.
« Un cancer du sein ? C’est pris à temps au moins ?« . Cette phrase entendue mille et une fois, Charlotte Pascal l’a en horreur. Souvent, l’envie lui prend de renvoyer un cinglant « non, c’est pas pris à temps, d’ailleurs je vais mourir ».
Aujourd’hui en rémission d’un cancer qui l’a frappée à 38 ans, la jeune femme veut aider l’entourage de ces Wonder Women à mieux les soutenir dans cette épreuve. Elle publie « Ma meilleure amie a un cancer du sein » (éd. Flammarion), un guide pratique au ton décalé, truffé d’anecdotes et de conseils à l’attention des Wonder Friends.
C’est en constatant le désarroi de votre entourage que vous est venue l’envie d’écrire ce livre ?
Ce qui me motivait, c’était d’aider les malades. Beaucoup de choses sont faites autour d’eux pour les accompagner, et c’est vraiment super, mais quand on les écoute, on se rend compte qu’elles ont toutes été blessées par des bourdes ou agacées par des phrases « bateau ». Quand vous annoncez à vos proches que vous avez un cancer et qu’ils vous répondent : « ah bon… j’espère que c’est pris à temps », vous avez envie de répondre « Non, c’est pas pris à temps et je vais mourir ». Après, on sait que ce ne sont que des maladresses et que ce n’est jamais méchant. Je ne ressens d’ailleurs aucune amertume envers qui que ce soit. C’est un sentiment plus global. C’est pour cette raison que j’ai voulu m’adresser aux accompagnants qui ne savent pas quoi dire ou quoi faire, qui ont peur d’être trop intrusifs ou d’envoyer un message au mauvais moment. J’avais envie de leur donner quelques clés.
Avant votre cancer, vous aviez été confrontée à la maladie d’un proche ?
Oui, ma mère. Et c’est vrai que je n’ai pas été une bonne accompagnante pour elle. Si j’avais lu ce livre, j’aurais certainement agi différemment
.
Quand on pense cancer, on pense fatigue, nausée et perte de cheveux. Or, la liste des effets secondaires du traitement est bien plus longue. Pourquoi n’en parle-t-on pas plus ouvertement ?
On a une image assez limitée des effets de la maladie et du traitement. Ce n’est que lorsqu’une personne de notre entourage est touchée qu’on commence à se renseigner sur le sujet. C’est comme pour la ménopause, on n’aime pas trop en parler. Depuis que je suis ménopausée à cause des traitements, je ne regarde plus les femmes mûres de la même façon… Quand une femme atteinte d’un cancer dit qu’elle a des nausées comme si elle était enceinte ou qu’elle se sent mal comme si elle avait la grippe, son entourage risque de se dire que ce n’est pas bien grave. Mais en réalité, c’est très difficile pour nous de dire ce qu’on ressent parce que tous ces symptômes arrivent en même temps. On n’a pas juste une petite grippe, on est en train de mourir dans notre lit ! J’espère que mon livre aidera les proches des malades à comprendre ça.
J’ai voulu m’adresser aux accompagnants qui ne savent pas quoi dire ou quoi faire, qui ont peur d’être trop intrusifs ou d’envoyer un message au mauvais moment. J’avais envie de leur donner quelques clé
Votre livre se présente en effet comme un guide pratique. On est aussi dans le registre du témoignage mais avec un ton décalé…
En effet, je ne voulais pas que mon ouvrage soit larmoyant, ni qu’il soit trop médical. Mon entourage n’arrêtait pas de me dire que j’étais forte, même si j’ai dû me plaindre de temps en temps. On me disait que je devais garder le moral et rester de bonne humeur. C’était très difficile à concevoir et même énervant parfois. Quand vous avez une maladie mortelle et que les médicaments que vous prenez pour la combattre vous rendent malade, vous faites juste ce que vous pouvez.
Ça explique aussi pourquoi beaucoup de femmes renoncent à la reconstruction mammaire. Elles préfèrent vivre en amazone plutôt que de repasser sur le billard. Elles veulent juste qu’on les laisse tranquille.
Cette injonction à aller bien, à positiver, trahit nos propres angoisses face à la maladie et à la mort…
Les raisons peuvent être différentes d’une personne à l’autre mais il est vrai que le cancer est une maladie qu’on peut tous avoir. Avant tout cela, je n’avais jamais imaginé que ça puisse me tomber dessus. Et encore moins que mes filles puissent un jour dire que leur mère est morte d’un cancer du sein à 38 ans. Donc je pense qu’il y a un mélange des deux : l’envie chez le malade de cacher sa maladie et, chez l’autre, de préserver son confort personnel.
Je donne un exemple : un proche vous dit qu’il a vu des produits « spécial cancer » dans un magasin mais il ne vous les a pas achetés. Or vous, vous êtes au fond de votre lit, incapable de vous lever. Dans ce cas, mieux vaut encore ne rien dire que de faire quelque chose pour se sentir utile… A côté de cela, il y a tellement de petites choses qu’une personne peut faire pour son amie : un petit message pour la soutenir, c’est déjà énorme. J’ai rencontré beaucoup de femmes qui étaient seules, notamment des retraitées. Je me demandais : n’ont-elles pas des amies, elles aussi retraitées, qui pourraient les accompagner à leur chimio ? Peut-être que leur entourage ne sait pas qu’elles aimeraient l’être, d’autant qu’après elles seront trop malades pour recevoir qui que ce soit. Heureusement, le personnel soignant fait preuve d’un dévouement extraordinaire. Le Covid a mis en lumière son travail mais c’est vrai que tout ce qu’il fait pour vous c’est un petit rayon de soleil dans votre vie de merde
.
Le cancer du sein est l’un de ceux qui se soignent le mieux. Mais pour vous, il n’y a pas de « petits » cancers…
Parce qu’on ne sait jamais comment ça va se passer. On a peur de la mort aujourd’hui mais aussi de la récidive après. On n’a pas envie d’entendre les gens minimiser la situation. Je conseille d’éviter les phrases du genre « tu vas t’en sortir, ça se soigne bien maintenant » ou « on sait d’où ça vient ? ». Je sais que le cancer fait peur et qu’on a besoin de se rassurer. Mais il faut vraiment abolir ces petites phrases qui sont autant de maladresses.
Comment savoir de quoi la malade a besoin et surtout à quel moment ?
Il est important de respecter ses envies et ses besoins. Il y a des moments où il a envie de parler, d’autres pas. Si c’est le cas, parlez de vous, de vos projets ou montrez vos photos de vacances…
En plus, ça lui donnera des idées de voyage pour plus tard. On l’ignore souvent mais n’importe quel pays ayant un système de santé assez développé peut prendre en charge votre chimio. Or, la plupart des patientes n’osent pas demander à ces médecins qui annoncent des choses tellement graves si elles peuvent tout simplement partir en vacances. Alors que si, c’est possible !
Certains proches se montrent admirables, d’autres s’effacent complètement et ne sont pas là pour vous soutenir… Comment vit-on cet abandon ?
On ne sait jamais comment on réagirait à leur place. Moi, j’ai eu la chance d’être très bien entourée. Recevoir des mots de la part de personnes que je n’avais pas vues depuis dix ans a été une incroyable surprise. A contrario, je n’ai eu aucune nouvelle de très bonnes copines. Plus tard, je leur ai demandé la raison de ce silence. Elles m’ont confié que la maladie les mettait mal à l’aise, qu’elles avaient ressenti le besoin de se protéger. On ne connait pas la peur des gens, leur ressenti. Eux aussi ont leurs problèmes et leur quotidien à gérer… Néanmoins, je me dis que mettre sa vie entre parenthèses pour une amie une fois toutes les trois semaines, ce n’est pourtant pas grand-chose…
On m’avait dit qu’être entouré de sa famille et de ses amis c’était primordial. Moi je n’étais pas du genre à demander, plutôt à donner, mais j’ai réalisé à quel point c’était vrai. Les gens ne se rendent pas compte qu’ils sont importants et qu’ils peuvent être utiles à plusieurs niveaux
.
Ces précieux soutiens ont-ils joué un rôle dans votre guérison ?
Bien sûr, entendre qu’on est extraordinaire c’est plus sympa qu’un simple « allez, il faut te battre ». Le positif entraîne le positif, même si ce sont clairement les médicaments qui m’ont soignée. Les médecins m’ont dit qu’il y a dix ans d’ici, je serais morte de mon cancer du sein. C’est la recherche qui a permis de trouver le bon traitement. (NDLR, une partie des recettes du livre sera reversée à la recherche contre le cancer)
Ludivine Ponciau
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici