À l’heure du polyamour, la monogamie serait-elle devenue plus osée que jamais?

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La monogamie n'est plus la norme... Et c'est sexy - Getty Images
Kathleen Wuyard-Jadot
Kathleen Wuyard-Jadot Journaliste

Hier encore apanage de couple considéré volontiers comme rangé, la monogamie se raréfie tellement qu’elle en deviendrait presque un parti pris osé, voire même, incroyable mais vrai, une forme de déviance sexuelle.

C’est qu’on oublierait presque, à trop associer le concept à des définitions toujours plus scabreuses, qu’une déviance sexuelle n’est jamais qu’un comportement qui dévie de la norme acceptée. Or ces dernières années, la monogamie a progressivement perdu son statut de compas relationnel pour laisser la place aux relations ouvertes et à la revendication du polyamour. Finie, l’époque où on pensait le couple comme un duo: aujourd’hui, on parle de relations libres ou de trouples et aller voir ailleurs n’est plus synonyme d’infidélité mais bien, dans toujours plus de cas, d’ouverture.

Tant et si bien qu’on en finirait presque par se demander si la monogamie n’est pas une relique du passé. Un parti pris qui en ravit certains et en amuse d’autres, à l’image de Louis, la petite trentaine, qui se sent comme « le dernier des Mohicans ». Et de raconter comment, parmi ses pairs, il a vu en quatre ans de célibat les relations ouvertes passer de « truc un peu louche » à une forme de norme: « avant, ça évoquait des gens de la génération de nos parents qui allaient à des soirées échangistes dans des endroits ringards. Maintenant, tout le monde ou presque se revendique d’une approche plus ou moins ouverte de la fidélité, et c’est presque devenu réac’ de dire que toi, tu es monogame ».

Un point de vue que partage Janet W. Hardy, auteure de The incorruptible slut, ouvrage devenu culte parmi les adeptes du polyamour. « Le public qui assiste à mes conférences est de plus en plus nombreux et diversifié, remarque-t-elle. Il est clair pour la plupart des gens que la famille nucléaire classique, qui nous a été présentée comme l’idéal pendant longtemps, n’est pas tenable. Les gens cherchent donc d’autres formes de relations. Le polyamour est l’un d’entre eux. Le tabou qui l’entoure disparaît lentement mais sûrement, même s’il est difficile de l’étayer par des chiffres ».

« La communauté poly, que je fréquente depuis plus de trente ans, ne fait que croître, et les jeunes ont une vision moins rigide de ce que peuvent être les relations ».

Janet W. Hardy

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Et même sans se revendiquer de cette communauté, il semblerait que parmi nos compatriotes, la fidélité soit-elle aussi une notion en passe d’appartenir au passé: selon les derniers chiffres recueillis par l’Ifop sur le sujet, en Belgique, un homme sur deux et une femme sur trois sont infidèles.

Signe des temps, lors de l’entretien accompagnant sa couverture de Vogue, en février dernier, Angèle, l’idole des jeunes herself, affirmait ne plus percevoir le couple comme « un lien essentiellement exclusif. Je suis plus en phase avec l’idée du polyamour ». La monogamie serait-elle donc devenue une préférence sexuelle en voie de disparition, et de facto, une forme de déviance?

L’amour flou et le frisson de la monogamie

Une chose est certaine, de norme, elle a rejoint le rang des préférences atypiques: se jurer fidélité et exclusivité pour la vie ne va plus forcément de soi, et il semble désormais tout aussi nécessaire de préciser en début de relation qu’on se revendique monogame qu’il pouvait l’être il y a quelques années de ça de prévenir sa moitié qu’on ne concevait pas l’amour avec deux participants seulement.

Dans un essai s’interrogeant sur la question pour Coveteur (« Est-ce que la monogamie est tellement dépassée qu’elle en devient coquine? »), l’Américaine Andie Eisen avance que « bien que le concept semble appartenir à une époque révolue, à l’heure actuelle, il figure aux côtés des autres choix relationnels alternatifs ». Et d’aller plus loin, pointant que si on prend en compte le risque de trahison inhérent à la promesse de rester fidèle à l’autre, « la monogamie a quelque chose de dangereux, et semble même plus transgressive que le choix de l’amour libre. Or qu’est-ce qui est plus excitant que le frisson de la transgression? ».

À l’inverse, pour les simples curieux, l’attrait d’une relation ouverte n’est-il pas terni par le fait que celles-ci soient si répandues aujourd’hui? Sur les réseaux sociaux, les memes décriant le fait que ce choix de vie semble irréaliste parce qu’avoir une seule personne dans sa vie est déjà suffisamment fatigant comme ça se multiplient. Du côté de la plateforme Relation Libre, si on épingle le cliché qui veut que les polyamoureux soient d’éternels insatisfaits, on rappelle toutefois que faire ce choix n’est pas la garantie d’une vie sexuelle et amoureuse stimulante ou épanouie.

« Si vous expérimentez le célibat, la monogamie en série, le polyamour ou le libertinage, et que vous enchaînez ou cumulez les relations, ce n’est pas bien ou mal, il faut juste être conscient de pourquoi vous le faites. Si c’est pour combler un manque, par ego ou pour rechercher le ou la partenaire « idéal(e) » par exemple, vous serez peut-être toujours insatisfait. Que vous viviez de manière exclusive ou non, vous serez confronté exactement aux mêmes problèmes d’insatisfaction. Et cumuler les relations ne permettra pas de vous satisfaire durablement ».

Relation Libre

La psychothérapeute américaine Mary Jo Rapini, va même plus loin, affirmant que la monogamie exalte les relations sexuelles, notamment parce que « partager ses fantasmes et s’essayer aux jeux de rôles est plus simples quand on fait confiance à son partenaire, or la confiance est la fondation des relations monogames ».

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Pour vivre heureux, vivons… à deux? Si la rime est facile, le raccourci, lui, est carrément simpliste. Car si la monogamie fait aujourd’hui figure de préférence aussi minoritaire que le libertinage hier, c’est avant tout simplement parce que le contexte sociétal et l’avènement des réseaux sociaux ont permis une libération de la parole. Autrement dit, si les témoignages (et les essais) de couples polyamoureux se multiplient au rythme que la notion de fidélité se redéfinit, ce n’est pas tant le résultat d’un phénomène de mode que de l’acceptation saine de la diversité des incarnations d’une relation. Pour vivre heureux, aimons comme on veut.

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