Pourquoi tous les branchés de votre entourage se passionnent pour l’Union Saint-Gilloise
Qu’il semble loin, le temps où le foot appartenait officieusement au côté beauf’ de la force. Depuis plusieurs années, les tribunes de l’Union Saint-Gilloise accueillent toujours plus de supporters, dont pas mal de branchés qui ne viennent pas tant pour le sport que pour l’aura de ce club qui suscite un enthousiasme croissant.
Si les dates concordaient, on pourrait presque parler d’effet Ted Lasso. La série Apple TV+, qui a tiré sa révérence après trois saisons acclamées, suivait en effet les pérégrinations d’un coach de football américain catapulté de l’autre côté de l’Atlantique pour entraîner une équipe de joueurs de soccer (ce qu’on qualifie de football, donc). Et son côté ultra feel good, ainsi que son approche novatrice de la discipline, avaient contribué à redorer un blason noirci par une succession de scandales et polémiques. Soudain, le foot, et plus particulièrement, les équipes « modestes », perçues comme plus authentiques que les grands clubs dont les joueurs ont des salaires à 7 ou 8 chiffres, étaient cool. Mais à l’Union Saint-Gilloise, on n’a pas attendu que Jason Sudeikis et son équipe de scénaristes scriptent les (més)aventures du club de Richmond pour devenir ultra hype.
Depuis quelques années, avec un pic au moment du retour en première division en 2021 après 48 ans d’absence, l’USG n’en finit pas de déchaîner les passions. Sa remontée dans le classement s’accompagne ainsi de la hausse de sa cote de popularité, tant et si bien qu’il est désormais de bon ton dans certains milieux d’affirmer « j’aime pas le foot, j’aime l’Union », ainsi que ses fans (de la première heure, comme les plus récents) la désignent. Et si, malgré les succès de ces dernières années, le club garde un côté « underdog » qui ne fait qu’ajouter à son attrait, il ne s’agirait pas d’oublier qu’à l’origine, il était tout sauf un outsider.
Grandeur et décadence
Fondé en novembre 1897, l’USG vit son (premier) âge d’or avant la Seconde Guerre mondiale, époque où il gagne le surnom d’Union 60 après une impressionnante série de soixante rencontres sans défaite d’affilée entre 1933 et 1935. Trente ans plus tôt, lors de la création de la FIFA, le club bruxellois, fondé par une bande de copains, s’était déjà offert le luxe d’une victoire contre la France au match de gala organisé au stade du Vivier d’Oie.
Sept fois champion de Belgique avant la Première Guerre mondiale, quatre fois durant l’Entre-deux guerres, et détenteur de ce fameux record de soixante victoires toujours pas égalé en Division 1, le club, que certains fans récents n’ont été que trop contents de voir comme un Petit Poucet en mal de (leur) soutien, fait partie des plus titrés de Belgique. Et ce alors même que la professionnalisation du football dans le royaume, à l’aube des années 60, ne lui fut pas favorable, l’Union basculant en Division 2 en 1965 et passant les décennies suivantes à faire le grand écart entre quatrième et première division.
Jusqu’au rachat en 2018 par le Britannique Tony Bloom, déjà propriétaire du club de Brighton et Hove Albion, et bien décidé à restaurer la gloire d’antan de sa nouvelle acquisition bruxelloise. Dont acte: au cours des années qui suivent l’Union est tour à tour demi-finaliste de la coupe de Belgique, puis championne en division 1B, ce qui marque son retour dans « la cour des grands ».
Dès le printemps 2019, l’analyste Jan Mulder affirme que la plus grande menace pour Anderlecht n’est ni Bruges, ni Genk ni le Standard mais bien l’USG, laquelle ainsi que le rappelle le journaliste sportif François Garitte, est pourtant alors vue comme un « petit club qui végète dans les divisions inférieures depuis 40 ans ». Mais les fans, eux, veulent y croire, et ils sont toujours plus nombreux à manifester leur enthousiasme dans les gradins du stade Joseph Marien.
Voir et être vu
Des tribunes dans lesquelles on est désormais aussi susceptible de croiser des vieux de la vieille que de jeunes familles, des bandes de potes venus ici pour passer du bon temps ensemble ou encore des branché·e·s en jaune et bleu qui ne comprennent pas forcément le hors-jeu mais ont bien intégré ce qui se jouait ici. C’est que les jours de match, surtout les décisifs, ne pas être au stade Marien, c’est presque ne pas « en être » pour les Bruxellois tendance.
Un engouement que Guillaume Gautier, journaliste pour Sport/Foot Magazine, a été aux premières loges pour voir grandir ces dernières années. De son propre aveu, il est devenu expert de l’USG malgré lui « à force de voir des matches au Parc Duden et de parler un peu avec les gens qui y ont leurs quartiers ». Qu’ils soient supporters de longue date ou qu’ils aient récemment rejoint leurs rangs.
« Généralement, si ce n’est pas un héritage familial, on devient supporter d’un club parce qu’il gagne et/ou qu’il dégage une image positive. L’Union coche actuellement les deux cases et attire donc forcément de plus en plus de monde. Par ricochet, ça devient un peu « the place to be », un endroit où il est bon d’être vu, avec par exemple Angèle qui était dans les gradins l’année dernière »
Guillaume Gautier
« À la base, la hype a forcément énormément gonflé suite aux excellents résultats que connaît le club depuis trois saisons maintenant, avec un titre en D2 puis deux luttes consécutives pour le titre en D1 et une très belle campagne européenne. Je pense aussi qu’elle s’explique par le fait qu’elle est le reflet d’un monde qui est assez proche de celui de ceux qui sont amenés à le raconter, à savoir les journalistes, sportifs ou non : un public bruxellois, aisé, plutôt de gauche, caricaturé « bobo ». Le cadre du stade crée aussi de la sympathie pour ceux qui sont nostalgiques du football ‘à l’ancienne' » avance encore le journaliste. Mais comment ces derniers cohabitent-ils avec leurs nouveaux compagnons de gradins?
Du neuf avec du vieux
« Ils cohabitent bien ensemble, même si parfois c’est un vrai défi pour nous » concède Maarten Verdoodt, chargé de communication à l’Union Saint-Gilloise. « On a des gens qui viennent au stade depuis des dizaines d’années, qui connaissent les joueurs des équipes précédentes, et qui se retrouvent désormais en tribune avec un tout nouveau public, donc on essaie de marier harmonieusement les deux ». Notamment, en veillant à rappeler aux supporters de longue date la valeur qu’ils ont pour le club, « parce que c’est leur fidélité au gré des années qui a contribué à faire de l’Union ce qu’elle est aujourd’hui ». Une fidélité mise en avant au travers d’une série de portraits de supporters de longue haleine, entre autres, explique le communicant qui souligne l’importance de cette mise à l’honneur. Sans négliger les nouveaux fans pour autant.
« Ces nouveaux supporters n’étaient pas forcément fans de foot avant, donc on essaie d’avoir une démarche pédagogique et de les fidéliser. Il y a toute une génération de fans qui est en train de se créer, des gens qui n’ont pas forcément assisté à des matches dans d’autres stades avant, mais qui sont venus pour l’ambiance, nous sont restés fidèles et ont commencé à s’intéresser au foot dans la foulée »
Maarten Verdoodt
Ou du moins à une certaine idée du foot, disons, car ce qui fait le charme de l’Union Saint-Gilloise est aussi son approche unique du stade et de l’ambiance qui y règne. Une singularité qu’il s’agit parfois de rappeler aux nouveaux arrivés. « Notre succès est clairement bâti sur les valeurs du club, notre ouverture et notre convivialité, mais aussi le fait que c’est plus que du football. Une bonne partie de nos supporters viennent presque plus pour l’ambiance en tribunes que pour les matches, sourit Maarten Verdoodt. Ce n’est pas comme dans les autres stades de foot où il règne parfois une atmosphère très agressive entre les joueurs ou les supporters, ici, on veille à être inclusifs et fair-play ».
« Quelques réglages se sont faits au fil de l’arrivée des nouveaux supporters, notamment l’habitude de ne pas huer ou insulter les adversaires. Certains « nouveaux » supporters le font parfois, et sont rappelés à l’ordre par les leaders des tribunes. La cohabitation est bonne, même si les plus anciens aiment rappeler qu’ils sont là depuis plus longtemps et ainsi se qualifier de « vrais supporters » ».
Guillaume Gautier
« Le sport, surtout collectif, fonctionne beaucoup avec un bon flow. Ça peut te permettre de te sublimer dans des moments plus difficiles, et de créer une énergie qui dépasse le cadre de chaque individu, voire du groupe. Du coup, je pense que l’image positive de l’Union, mais aussi l’engouement qu’elle suscite dans les tribunes et dans les médias, contribuent clairement à rendre l’histoire encore plus belle et à surmotiver ses joueurs » avance encore notre confrère. Et face à l’engouement populaire, ce n’était qu’une question de temps avant que la mode ne s’empare du phénomène.
Forever loyaux to the Royale Union Saint-Gilloise
À l’automne 2022, Bellerose a ainsi dévoilé une collab’ bleue et jaune avec le club le plus branché du royaume. Une rencontre « 100% brusseleir » que les créateurs de la marque belge, qui se revendiquent « fans depuis toujours » du club qualifient d’évidence, soulignant les valeurs qu’ils partagent avec les occupants du stade Marien, entre humilité, passion, loyauté et créativité.
Mais aussi un positionnement futé, à l’heure où les collections mode de LIDL et Zeeman s’arrachent et où rien n’est plus cool que de revendiquer une forme de beaufitude? « L’image popu’ est un peu tronquée. OK c’est populaire, mais c’est quand même du populaire assez aisé. Je ne trouve pas l’idée déconnante donc, d’autant plus que quand on creuse un peu le fonctionnement du club, on se rend compte que derrière la façade de « club sympa », c’est une entreprise footballistique comme les autres, avec des fonds étrangers derrière qui n’ont pas grand-chose à voir avec le côté rustique du stade, par exemple » pointe Guillaume Gautier.
« La beaufitude c’est la coolitude » rit quant à elle Sophie Carrée, fondatrice du bureau de presse homonyme et fine analyste des tendances. Avant de partager sa vision du pourquoi du comment de cette hype qui ne fait pas mine de faiblir. « C’est un club assez central, installé dans une partie un peu branchée de la ville. Suite à la pandémie, les gens n’ont plus eu envie de choses impersonnelles, ils ont ressenti le besoin de retourner à quelque chose de plus petit, de plus humain, au coeur de leur quartier ». Et si la mode en a pris note, c’est logique: « elle s’est toujours inspirée de la rue ». Ou des gradins, donc.
Et pourtant, quand on lui demande si selon lui, l’Union est de facto le club le plus tendance de la capitale, Maarten Verdoodt botte en touche. « Chaque club bruxellois a son propre ADN, et il y a de la place pour chacun d’entre nous, parce qu’on attire chacun notre propre public. Je n’aime pas dire qu’on est le plus ceci ou le plus cela, on n’est pas des dikkeneks ». Peut-être, mais Guillaume Gautier, lui, est plus franc du collier.
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L’USG, reine de la hype? « Actuellement, c’est incontestable. Supporter l’Union, c’est devenu bien plus tendance que supporter Anderlecht, sauf aux yeux des supporters historiques ou des fans de longue date de foot, qui voient souvent le nouveau fan de l’Union comme un opportuniste ».
Et pourtant, lui aussi porte l’emblème de Bruxelles, sa « ville qu’il aime », ainsi que ses couleurs dans son coeur. Et quand vient l’heure de gagner les tribunes du stade Marien, d’entonner tous en choeur « Allez l’Union, Ohohohohohohooooo, and forever loyal to the Royale Union Saint-Gilloise! ».
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