À Oman, Bahla, l’oasis hantée par des croyances surnaturelles
En plein désert d’Oman, se dresse Bahla’, une oasis hantée par des croyances magiques, où se racontent encore des histoires de hyènes mangeuses de chameaux et d’hommes transformés en ânes.
En plein désert d’Oman, se dresse Bahla’, une oasis hantée par des croyances magiques, où se racontent encore des histoires de hyènes mangeuses de chameaux et d’hommes transformés en ânes.
Les plus superstitieux évitent cette ville aux allures de cité abandonnée, située à quelque 200 kilomètres de Mascate, la capitale du sultanat du Golfe, et connue pour abriter des « djinns », des créatures surnaturelles issues de la mythologie arabe préislamique et mentionnées plus tard dans le Coran.
Ici, on croit fermement à ces esprits vivant auprès des hommes. « Les djinns font partie des créations de Dieu (…) ce n’est donc pas étrange », explique Hamad Al Rabaani, guide touristique dans le fort médiéval de Bahla’, classé au patrimoine mondial de l’Unesco.
L’histoire de la ville est façonnée par des mythes populaires, comme celui selon lequel le rempart de 13 kilomètres qui l’entoure aurait été construit en une seule nuit par des forces surnaturelles.
« La légende parle de deux sœurs, toutes deux djinns, dont l’une a construit le mur pour se protéger (…) et l’autre a créé un système d’irrigation pour l’agriculture », raconte M. Rabaani, 55 ans.
« On ne voit jamais »
Les djinns sont très présents dans la culture arabe mais rares sont les villes qui y sont aussi associées que Bahla’, où l’on raconte « des histoires d’hommes qui se transforment soudainement en ânes et autres animaux », poursuit-il.
Le guide cite le cas d’une vieille femme qui entendait souvent quelqu’un traire sa vache après minuit. « On entend mais on ne voit jamais, car on ne pourrait pas le supporter », dit-il.
Dans le vieux souk, où règne le silence après les prières de la mi-journée, certains habitants refusent d’aborder le sujet, tandis que d’autres comme Mohammad al-Hashemi, évoquent volontiers leurs souvenirs d’enfance.
A 70 ans, il affirme avoir été bercé par les histoires de hyènes cracheuses de flammes, parcourant le désert à la recherche de chameaux à manger. « On nous disait de ne pas sortir après le coucher du soleil à cause de la magie ».
« Des histoires »
Selon Ali A Olomi, professeur d’histoire islamique à l’université Loyola Marymount de Los Angeles, la tradition orale et des textes anciens témoignent de l’étendue de ces croyances dans les confins de la péninsule arabique, surtout à Oman et au Yémen voisin.
Ces deux pays ont la réputation « d’être non seulement des lieux d’une grande importance historique, mais aussi des terres de djinns », rappelle-t-il.
« A Bahla’, on raconte des histoires de flammes et d’incendies fantômes, de folles tempêtes dans le désert et même d’édifices construits par des forces surnaturelles », affirme ce spécialiste de l’ésotérisme islamique et de l’astrologie.
Le fait que la localité ait longtemps été isolée, entourée de désert et des spectaculaires montagnes de Hajar, n’est pas étranger à ces croyances.
« C’est l’histoire d’un peuple qui vit dans une région reculée, ayant peu de contacts avec d’autres humains, et qui ressent intensément la présence de la nature qui l’entoure », dit Ali A Olomi.
Bahla’ compte aussi des sceptiques, comme Mazen Al Khaterri, un professeur de mathématiques de 24 ans. « Ce ne sont que des histoires racontées par nos grands-parents » dit-il, assis dans un café du centre-ville. « Nous ne savons pas si elles sont vraies ou fausses ».
Mais la réputation de la ville est difficile à défaire, jusque dans la capitale où les jeunes en ont souvent entendu parler. « Ma famille ne me laisserait jamais y aller », affirme Hassan, un trentenaire de Mascate, qui n’a pas souhaité donner son nom. « Les rumeurs disent que c’est une ville de djinns, et qu’ils y vivent en toute liberté ».