Bienvenue à Grootbos, à la fois hôtel de luxe et fascinante réserve naturelle sud-africaine

Grootbos Afrique du Sud
Grootbos Afrique du Sud

De l’extérieur, Grootbos ressemble à un complexe 5-étoiles traditionnel. Mais son fondateur Michael Lutzeyer mise aussi sur la protection des plantes sauvages et des insectes, ainsi que sur l’émancipation des jeunes des bidonvilles.

« Qu’est-ce que vous aimeriez faire ? De la plongée, en cage, au milieu des requins blancs? Ou un safari marin pour voir les baleines, les pingouins et les dauphins ? » Ruaan, le sympathique guide qui nous accueille à l’entrée de l’hôtel, tente de trouver comment rendre notre première journée en Afrique du Sud la plus mémorable possible. Mais nos yeux s’attardent sur ce qui se passe derrière lui, soit une immense baie vitrée offrant une vue panoramique sur le fynbos, « buisson fin » en afrikaans, un type de végétation que l’on trouve à l’extrémité sud du continent. Derrière, les montagnes et l’océan Atlantique. « Si vous regardez bien, vous pouvez voir des baleines remonter à la surface », précise notre guide, tandis qu’à côté de nous, un autre homme allume la cheminée avec un sourire chaleureux. Nous sommes au début du mois d’octobre et le printemps est arrivé en Afrique du Sud, mais les matins sont encore frais. Le canapé s’avère être stratégiquement placé: au loin, nous apercevons, en effet, une baleine…

Notre fils de quatre ans, lui, a disparu dans une salle de jeux et s’amuse sous les yeux bienveillants d’un moniteur. Nous sommes là depuis soixante secondes à peine dans ce Garden Lodge de Grootbos, un domaine naturel cinq étoiles avec des éco-lodges, et nous sommes déjà convaincus que les prochains jours seront spéciaux. Une belle manière de célébrer un anniversaire particulier – le quarantième en ce qui nous concerne. « Vous pouvez également participer à un safari floral, faire de l’équitation ou profiter de notre spa », ajoute Ruaan.

Un lieu de renommée internationale

L’hôtel est situé dans le village de pêcheurs de Gansbaai sur la côte sud, à deux heures du Cap, où 220 membres du personnel sont aux petits soins pour que les belles suites soient soigneusement entretenues, que du délicieux vin africain soit servi lors du dîner en cinq services et que les clients reçoivent sans cesse de petites surprises. Comme une fenêtre ouverte discrètement après un massage, pour que le chant des oiseaux et le clapotis d’une petite fontaine vous ramènent lentement à la réalité.

Mais Grootbos est bien plus qu’un simple complexe hôtelier. C’est aussi une réserve naturelle privée gérée par la Grootbos Foundation, une fondation à but non lucratif qui emploie 45 personnes à plein temps pour protéger et conserver la faune et la flore locales, mais aussi pour aider les jeunes vulnérables des bidonvilles des villes voisines de Stanford et de Gansbaai à s’émanciper.

Pour comprendre à quel point ce qui se fait ici est extraordinaire, un petit voyage dans le temps s’impose. En 1991, lors d’un séjour en camping, la famille Lutzeyer aperçoit un panneau indiquant « ferme à vendre ». Pour 375 000 rands, soit environ 20 000 euros, ils achètent un terrain de 123 hectares. Heiner et Eva Lutzeyer, un couple d’Allemands ayant émigré en Afrique du Sud au début des années 50, sont séduits par la vue magnifique et veulent y construire une maison de vacances. Ils souhaitent passer leurs week-ends entre les chevaux, les cochons et les champs d’étamine rose en fleurs avec leurs deux fils, nés en Afrique du Sud. Ils ne se doutent pas qu’ils viennent de faire le premier pas vers la création d’une réserve naturelle privée qui couvre aujourd’hui 3 500 hectares, désormais dirigée par leur fils Michael et désignée comme l’un des meilleurs resorts d’Afrique du Sud par des magazines internationaux tels que Condé Nast Traveller.

« Nous n’avions pas de projet particulier lorsque nous avons créé notre première maison d’hôtes en 1995, explique Michael (71 ans). Notre concept de maison de vacances où les gens pourraient cuisiner eux-mêmes n’a pas eu de succès. Dans les années 90, les gens ne voyageaient pas non plus pour plonger avec les requins. Jusqu’à ce que quelqu’un de mon réseau me dise : ‘Je peux vous envoyer des clients du Royaume-Uni, mais vous devez leur offrir un service tout compris’. Ma femme a cuisiné pour les invités. A force d’essais et d’erreurs, grâce à un travail acharné et une certaine dose de chance, nous avons toujours gardé une longueur d’avance. Mais dès le départ, nous avions l’intention de rendre quelque chose à la nature et à la population locale ».

Aujourd’hui, deux magnifiques bâtiments se dressent dans le paysage, le Garden Lodge et le Forest Lodge, qui abritent un restaurant, un hall et un spa. Autour de ces bâtiments, sont disposées des suites indépendantes offrant chacune une vue imprenable. « Nos premiers pas dans le tourisme durable ont eu lieu en 1997, lorsque j’ai engagé un botaniste qui a passé trois mois à cartographier tous les sentiers de Grootbos et à les intégrer dans un système d’information géographique, explique Michael. Ensuite, avec mon père qui était également botaniste, nous avons développé un herbier, une collection de plantes séchées et de données associées utilisées pour la recherche scientifique. C’est ainsi que tout a commencé. Tous les guides qui accompagnent aujourd’hui nos activités dans la nature s’appuient sur ces connaissances. »

Ici, la chasse aux moustiques est abolie

Deux jeunes femmes sont assises dans une jolie maisonnette qui n’a rien du glamour de la station balnéaire. Maisie rédige un rapport sur l’abeille domestique. Sur de fines aiguilles, Happiness pique des insectes qu’elle a ramassés la veille à l’aide d’un filet. Chaque aiguille est piquée sur un petit tampon blanc, ce qui est très pratique sous le microscope. « Voici deux de nos quatre entomologistes, explique Michael. Elles étudient les insectes de Grootbos. »

« Les insectes sont de vrais super-héros, même s’ils sont minuscules », explique Maisie avec des étoiles dans les yeux. « Ils peuvent sauter sur des distances incroyables, soulever leur propre poids, grimper le long des murs et communiquer par le son. Ils constituent également un bon baromètre pour savoir comment se porte notre écosystème. Par exemple, s’il y a beaucoup de libellules, ce qui est le cas ici, la nature va bien. En revanche, dans les pays densément urbanisés comme la Belgique, on encourage les actions visant à laisser pousser les mauvaises herbes, car une grande partie de la biodiversité est en train de disparaître. »

Maisie continue et explique qu’il existe 22 000 espèces d’abeilles dans le monde, mais que la plupart des gens ne connaissent que l’abeille domestique. Elle ajoute que 45 espèces de fourmis vivent dans les environs, et qu’elles disposent d’assez d’espace pour s’épanouir. « Je ne pense pas qu’un autre hôtel 5-étoiles aime autant les insectes, déclare Michael. En 2003, nous avons créé la Grootbos Foundation, qui emploie aujourd’hui 45 personnes. Cela fait vingt-cinq ans que nous étudions notre faune et notre flore. »

Quant aux 32 000 insectes épinglés, ils sont rangés dans les tiroirs du laboratoire sur des blocs de papier blanc. Pour chaque insecte, les entomologistes ont noté où il a été trouvé et en quelle année. Idem pour toutes les plantes, fleurs et herbes qui poussent sur le domaine. « Lorsque nous avons acheté ce terrain, les scientifiques pensaient que nous y trouverions 450 espèces de plantes, explique Michael. Aujourd’hui, nous en sommes à 945, dont sept espèces inédites et 123 espèces menacées. Pourquoi faisons-nous cela ? Parce que nous voulons conserver et protéger toute cette beauté. Mais pour savoir ce qu’on veut protéger, il faut d’abord savoir ce qu’on a. Supposons qu’un promoteur me fasse une offre généreuse pour installer un terrain de golf sur le domaine. Un expert devrait alors parcourir les lieux pendant cinq jours pour évaluer l’impact sur la nature. Mais que sait-on en cinq jours ? Rien du tout ! Quelqu’un de non-averti dirait : vendu ! Alors que nous pouvons affirmer : pas question de construire un terrain de golf ici, parce que des grenouilles qui ne vivent nulle part ailleurs dans le monde disparaîtront ! Et qu’en serait-il des mammifères comme les babouins et les léopards qui vivent également ici ? »

A la mode, l’écologie dans le tourisme?

La durabilité est un concept à la mode dans l’industrie du tourisme aujourd’hui, mais avec sa fondation, Michael Lutzeyer montre depuis 2003 qu’il est toujours possible de faire mieux. « Lorsque je faisais la promotion de mon établissement lors de salons internationaux, les clients disaient : ‘Laissez d’abord Michael parler de sa fondation pendant dix minutes, puis il vous parlera des nouveautés de son hôtel’ (rires). Aujourd’hui, tout le secteur essaie de promouvoir le voyage responsable. »

Alors, pourquoi autoriser des visiteurs à pénétrer dans cette réserve naturelle ? Les humains ne sont-ils pas les plus gros pollueurs? « Parce qu’il faut bien que quelqu’un finance toutes ces recherches et que les visiteurs qui ont de l’argent sont intéressants, répond Michael en riant. Grootbos tire ses revenus des séjours et des donations, qu’ils proviennent d’entreprises ou de nos hôtes. Chaque client qui séjourne ici a droit à une visite guidée de notre fondation. La plupart des gens ne connaissent des insectes que le nom. Une fois qu’ils ont découvert notre projet, ils sont ravis de pouvoir y contribuer. Grootbos, c’est bien plus que dormir dans de belles chambres. Récemment, une dame de 67 ans m’a envoyé un mail après son séjour : ‘Qu’il me morde, qu’il me pique ou qu’il vienne voler ma nourriture, je ne tuerai plus jamais un insecte. Et voici encore trois mille euros pour votre fondation’ ».

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Une école pour ceux qui en ont besoin

Nous avons finalement accepté la proposition d’un safari floral. Et acheté un livre reprenant toutes les fleurs qui poussent à Grootbos, parce que ses ventes vont à la Grootbos Foundation soutenant de nombreuses familles dans la région. Car malgré sa beauté naturelle écrasante, plus de 30 ans après l’abolition du régime de l’apartheid, l’Afrique du Sud reste un pays aux profonds contrastes, avec beaucoup de pauvreté et d’inégalités.

C’est pourquoi, chaque année, un appel est lancé dans les églises, les magasins et les bibliothèques des bidonvilles pour que des jeunes viennent suivre une formation gratuite à Grootbos. Ils y apprennent le métier de jardinier, de réceptionniste, d’aide ménagère ou de serveur. Sur 200 candidats, 20 seront retenus. Outre les sujets tels que le jardinage ou l’entretien, les jeunes apprennent à travailler avec des ordinateurs, à gérer leur premier salaire ou même à se défendre.

Quatre-vingts pour cent du personnel de Grootbos – des guides au barman – ont suivi une telle formation. « Qu’est-ce qui vous plaît le plus dans les travaux ménagers ? », demande Michael lorsque nous entrons dans une salle de classe. « Le résultat final », répond une étudiante. « Tout est en désordre quand on arrive, mais tout est parfaitement rangé quand on part. »

La Grootbos Foundation a déployé des dizaines d’autres projets pour les jeunes défavorisés. Un projet a notamment été mis en place au sein de dix écoles visant à distribuer gratuitement des serviettes hygiéniques aux jeunes filles et à les éduquer à l’hygiène personnelle. Il existe aussi un programme où des entraîneurs de football échangent avec des garçons au sujet de thèmes tels que la violence domestique. Le sport occupe d’ailleurs une place prépondérante dans les projets de la fondation. Des terrains de football ont été construits, grâce au soutien de la Premier League anglaise, permettant aux enfants de la région de jouer au football, au hockey ou au rugby chaque semaine.

On apprend également aux jeunes à faire du canoë, un sport onéreux habituellement réservé aux blancs. « Chaque année, on entend de nombreuses histoires tristes d’enfants des quartiers pauvres qui se noient dans nos rivières et nos mers pendant les longs étés chauds parce qu’ils ne savent pas nager. La sécurité aquatique est un sujet très important pour nous », explique Philippa, collaboratrice passionnée de la Grootbos Foundation.

Après trois jours, notre verdict est clair: Grootbos est un merveilleux exemple de ce à quoi le tourisme peut ressembler au XXIe siècle. Certes, le domaine est géré par un Sud-Africain blanc qui a pu s’acheter un lopin de terre au début des années 90 alors que ses compatriotes noirs n’avaient pas droit à une telle liberté en plein apartheid. Mais Michael Lutzeyer accepte d’en parler: « Ma mère a eu une grande influence sur nous et nous a fait comprendre, lorsque nous étions enfants, à quel point l’apartheid était injuste. Une grande partie de notre engagement envers la communauté locale vient de là.

EN PRATIQUE

Y aller

Nous avons pris un vol de nuit de Bruxelles au Cap, avec escale à Francfort, avec Lufthansa. Dès 750 euros par personne. lufthansa.com

Formalités

L’Afrique du Sud demande un passeport international, et certains vaccins sont recommandés. diplomatie.belgium.be

S’organiser

Pour ce voyage hors d’Europe, avec un enfant en bas âge, nous avons été accompagnés par le tour-opérateur belge Sur La Iri, spécialisé dans les voyages durables en Afrique. La visite de Grootbos était l’une des nombreuses étapes de notre circuit, qui a été entièrement personnalisé en fonction de nos besoins et de notre budget. surlairi.com

Se loger

Garden Lodge. Nous avons logé ici pour 1 243 euros par nuit pour 2 personnes (lit d’enfant inclus). Sont inclus le petit-déjeuner, un lunch 3 services, un dîner 5 services et des activités telles que le safari floral et l’équitation. grootbos.com

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