Comment Marseille est devenue la Mecque du skate
« Ridé » par les légendes du skate international depuis sa création en 1991, vénéré par la nouvelle génération, comme Vincent Matheron, candidat français aux JO de Paris, le bowl de Marseille cultive le mythe californien.
Au coucher du soleil, au pied de la plage du Prado, une poignée de grands ados s’étreignent et se chambrent à leur arrivée en ordre dispersé devant les courbes creusées dans le béton du skatepark à la peinture écaillée. Pantalon baggy, basket, sweat large et bonnet vissé sur la tête, ils lancent leur corps dans l’arène en enchaînant les « tricks » (figures). Les planches à roulettes en bois qui heurtent le ciment résonnent et font oublier le bruit des vagues, la vitesse augmente, les rotations dans les airs aussi.
« Ici c’est le paradis, l’environnement est vraiment incroyable », commente le marseillais Vincent Matheron, 7e aux derniers jeux Olympiques de Tokyo, dont la sélection au JO de Paris se décidera en juin. « L’été tu skates puis tu vas te rafraîchir dans la mer, l’ambiance est très cool, c’est le Venice Beach français », s’enthousiasme le skateboarder en référence à ce quartier bohème de Los Angeles.
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.
Après quatre ans d’exil aux Etats-Unis, le champion français de 25 ans est revenu vivre fin 2022 dans la cité phocéenne pour retrouver le bowl de son enfance, découvert à l’âge de 4 ans, « l’endroit où il s’exprime le mieux »: « Même après 21 ans de skate je trouve toujours de nouvelles lignes (parcours) », commente admiratif Vincent Matheron, qui compare l’équipement à une « vague infinie ».
« Rubans de Möbius » et vague infinie au bowl de Marseille
« On peut rester dans le bowl éternellement », confirme sa collègue en équipe de France, Emilie Alexandre, marseillaise elle aussi. Et pour cause, son inventeur, Jean-Pierre Collinet, étudiant en architecture à Marseille à l’époque et toujours passionné de skate, l’a conçu comme « un équipement fluide, à l’image de l’eau qui se baladerait dans un évier », car « l’être humain est avant tout fait de liquide », explique-t-il à l’AFP.
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.
Le pratiquant de cette discipline underground, qui s’entraîne pendant ses études dans une ancienne mare aux canards des quartiers sud de Marseille, veut alors créer ce qu’il ne trouve pas encore en France. Inédit, l’équipement deviendra rapidement une légende adoubée par les plus grands noms de ce sport et sera même copié lors d’une compétition à Huntington Beach en Californie.
Lire aussi: Dans un skatepark d’Addis, les skateuses éthiopiennes défient les préjugés
Le futur architecte s’inspire des vidéos tournées aux Etats-Unis où le skate vertical s’est développé dans les années 70 dans les piscines vides de Californie suite aux épisodes de sécheresse. Il imagine un équipement « facile d’accès et accessible aux débutants », avec des virages qui permettent de prendre de la vitesse et de conserver l’énergie cinétique « sans se faire mal ». « J’ai pensé cela comme un enchaînement de rubans de Möbius (symbole de l’infini) », explique Jean-Pierre Collinet, qui dessinera un bowl avec une figure de trèfle en reprenant la forme de la coque d’un bateau.
Un monument historique
Le skate c’est aussi un esprit de liberté, un style de vie que cultive le bowl de Marseille dont les pelouses et les palmiers qui l’entourent vont séduire les pointures américaines de la discipline et décupler sa notoriété. « C’est un monument historique, beaucoup de grands skaters sont venus ici », rappelle Emilie Alexandre, 17 ans.
Les Américains John Cardiel, Wade Speyer ou encore Omar Hassan participent au premier Bowlrider organisé dans la cité phocéenne en 1999, dans une ambiance survoltée. Tony Hawk, figure de ce sport, prête son nom à un jeu vidéo extrêmement populaire dans lequel la compétition virtuelle se déroule au bowl marseillais, propulsant encore davantage l’équipement sur la scène mondiale. De nos jours, l’Australien Kiegan Palmer et le brésilien Pedro Barros, respectivement champion olympique et vice-champion olympique au Japon, viennent rider dans le bouillon de la cité phocéenne.
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.
« C’est l’endroit où j’ai passé le plus de temps, plus qu’à mon domicile. Le bowl avec ces rencontres m’ont tout appris, c’est grâce à lui que je suis là », estime Vincent Matheron, qui s’est fait tatouer le skatepark sur le bras. Les 6 et 7 août, ce sera sur la policée place de la Concorde à Paris, près de l’ambassade des Etats-Unis, pays où le skate est né, que les athlètes français s’élanceront. Celui de Marseille attend lui toujours une nouvelle rénovation pour retrouver son éclat.
Lire aussi:
– À Paris, les guides touristiques voient les JO d’un mauvais oeil