Cap sur la Costa Verde, la plus sauvage (et la plus belle?) des Costas espagnoles

Brava, Blanca, Dorada, Tropical… L’Espagne regorge de Costas populaires. Mais la plus captivante de toutes – et étonnamment la moins prisée – est la Costa Verde, spectaculaire bande côtière de la principauté des Asturies.

Les Asturiens, aussi aimables qu’ils puissent paraître, sont des cachotiers. Parce qu’ils gardent bien pour eux leur littoral magnifique, leurs montagnes verdoyantes, leurs villes à l’architecture soignée, leurs villages pittoresques et leur excellente gastronomie. Entourés de splendeurs, ils semblent bien contents de laisser le reste du monde dans l’ignorance. «En fait, en matière de tourisme, nous n’avons jamais eu la confiance que les régions de l’est et du sud du pays, c’est-à-dire celles qui bordent la Méditerranée, affichent depuis des décennies», nuance notre guide Ernesto.

Dans le classement de nos contrées autonomes les plus populaires, les Asturies se trouvent quelque part dans la moitié inférieure. Même les Espagnols n’y venaient jamais en vacances autrefois. Trop froid et trop humide, disait-on. Mais depuis la pandémie, le tourisme connaît tout de même un certain essor. Fuyant la chaleur et l’agitation des côtes trop fréquentées, les gens découvrent peu à peu ce que nous savons depuis longtemps: c’est une destination fantastique. Où il ne pleut d’ailleurs pas autant qu’on le pense.»

Un paradis sauvage long de 400 kilomètres

On pourrait parler de «coolcation» à l’espagnole. C’est en tout cas notre constat en marchant sur la plage déserte de San Pedro de la Ribera tôt le matin. Au loin, un surfeur solitaire semble d’accord avec nous. Les vacanciers lassés des littoraux surchauffés recherchent de nouveaux horizons. Et ici, sur cette Costa Verde, le mercure dépasse rarement les 30 degrés en été, tandis que les vagues de l’océan Atlantique viennent se briser contre les falaises escarpées pour y apporter leur fraîcheur.

Le soleil se lève lentement et teinte notre playa d’une couleur dorée. Nous ne pouvons pas encore le voir, mais derrière chaque langue de terre – et il y en a beaucoup sur cette «côte verte» longue de 400 kilomètres – se cache une petite baie éblouissante avec sa plage de sable. «La nature est sauvage et capricieuse, les plages sont souvent bordées de falaises abruptes, et la mer peut être impitoyable. Ce n’est pas l’endroit idéal pour une famille qui souhaite se baigner tranquillement avec ses enfants. Mais pour ceux qui aiment le calme et la beauté infinie, c’est un petit paradis.»

Le silence le plus parfait

Les mots d’Ernesto résonnent encore trois kilomètres plus loin, à Cabo Vidio, quand une côte incurvée s’étend devant nos yeux, avec des montagnes d’un côté et une mer bleu émeraude de l’autre. Au loin, une plage avec un pêcheur et un troupeau de chèvres qui picorent des baies dans les buissons. Le soleil a désormais laissé place aux nuages. Ici, tout va très vite: on est allongé au soleil sur la plage, et l’instant d’après, on enfile rapidement un imperméable.

Nous roulons à travers le paysage du nord de l’Espagne, de baie en baie, pour finalement faire une pause à Playa del Silencio. Nous essayons, tant bien que mal, de ne pas perdre une seule miette de ce décor épique. Devant nous, s’étend la plus belle plage qu’il nous ait été donné de voir, en nous demandant si les Asturiens en sont conscients. Le lieu a quelque chose de spécial: pas de bar ni de transats à l’horizon, mais un long sentier escarpé qui serpente jusqu’à la plage. Accessible uniquement aux courageux, ce morceau de sable est l’antidote parfait au tourisme de masse.

Un peu plus loin, la station balnéaire de Cudillero, un peu plus fréquentée, n’a rien à envier aux Cinque Terre italiennes. Les restaurants de poisson de ce charmant village de pêcheurs profitent paisiblement du calme de la basse-saison… en attendant l’été. «Les Asturies ont énormément à offrir, mais nous sommes en retard en matière d’hébergement. Nous ne sommes pas prêts pour du tourisme de masse, il n’y a tout simplement pas assez d’hôtels. Même dans ce village, réputé en Espagne, il n’y a qu’une poignée de possibilités.» Après le déjeuner, Ernesto nous emmène faire une petite promenade dans le village pittoresque et piéton de Cudillero, qui nous convainc définitivement que les Asturies sont un secret soigneusement gardé… et difficile à ne pas partager.

La beauté d’Oviedo, capitale historique des Asturies

Le lendemain, nous nous réveillons dans le centre d’Oviedo, l’élégante capitale historique des Asturies et le magnifique point de départ du Camino Primitivo, le plus ancien de tous les chemins de pèlerinage vers Saint-Jacques-de-Compostelle. Aujourd’hui, le Camino Francés, qui attire des randonneurs du monde entier depuis la France vers la Galice, est beaucoup plus populaire, mais il contourne les Asturies. Dommage pour tous ces pauvres pèlerins. Car Oviedo, une ville d’à peine 220.000 habitants (la deuxième plus grande des Asturies), peut aisément rivaliser avec des villes ibériques plus illustres.

A nos yeux, Oviedo vaut à elle seule une escapade en Asturies. Son centre-ville coloré abrite une cathédrale impressionnante, un hôtel de ville séculaire, un magnifique couvent, plus d’une centaine de statues et d’autres édifices magnifiques qui se cachent dans un labyrinthe de ruelles cuivrées. La pluie battante n’altère en rien la splendeur des lieux, ni notre bonne humeur. Sous un parapluie, nous contemplons la diversité des styles architecturaux, du roman au baroque en passant par le rococo et l’Art nouveau.

«C’est un ensemble éclectique qui, d’une manière ou d’une autre, fonctionne plutôt bien, confirme Ernesto. Ici, on n’a jamais rien démoli, on a seulement construit. Comme nous n’avons jamais dû faire de place à de grands hôtels ou à des immeubles bon marché pour une population en forte croissance, Oviedo est très bien préservée. La seule chose qui nous manque, ce sont des bâtiments de la Renaissance. Nous ne savons pas exactement pourquoi. Peut-être parce que les artistes gothiques étaient si talentueux ici que nous avons simplement sauté cette période. Ou peut-être n’y avait-il pas assez d’argent à l’époque pour construire de nouveaux bâtiments…»

Casas de Indianos: des maisons pas comme les autres

Pas assez d’argent: la remarque s’avère pertinente lorsque nous arrivons dans la petite ville côtière de Ribadesella. Ici aussi, pendant longtemps, le budget était insuffisant pour construire quelque chose de beau. Jusqu’à ce que les «Indianos» – les riches Indiens – transforment la station balnéaire en une sorte de décor de film de Wes Anderson. Sur la longue promenade qui longe la plage, nous découvrons des dizaines de maisons colorées datant du début du modernisme, certaines en meilleur état que d’autres. Ce sont les typiques Casas de Indianos qui jalonnent les Asturies mais dont la plus forte concentration se trouve ici, à Ribadesella.

«Elles ont été construites par les descendants d’Asturiens qui sont partis tenter leur chance en Amérique du Sud et en Amérique centrale et y ont fait fortune. Au tournant du siècle, entre le XIXe et le XXe siècle, beaucoup sont revenus à leurs racines pour construire ici des maisons à la fois spectaculaires et décadentes. C’était une vraie compétition: il fallait que le résultat soit le plus exubérant possible. A Ribadesella, beaucoup de ces maisons sont aujourd’hui des hôtels, car elles sont trop chères à entretenir pour les habitants.»

Nous restons ainsi, fascinés, à contempler la Villa Rosario avec sa façade bleu clair, son toit vert et ses fenêtres rouge orangé. Le coup de foudre pour cette petite cité est immédiat. Les joyaux modernistes s’y succèdent, avec au nord la puissante mer Cantabrique et au sud les cimes acérées des Picos de Europa, la célèbre chaîne de montagnes des Asturies. Difficile d’imaginer plus belle station balnéaire…

Le charme de l’architecture

Le lendemain matin, nous réglons notre GPS sur Lagos, le nom collectif des deux lacs glaciaires éblouissants de Covadonga, au cœur des Picos de Europa. Pendant le court trajet – tout est très proche en Asturies –, on se dit que, pour les autres Espagnols, surtout ceux de l’est, du sud ou du centre du pays, tout doit paraître extrêmement exotique ici: avec ses montagnes verdoyantes, sa musique de cornemuse et ses nombreux bars à cidre, la région a plus en commun avec l’Ecosse qu’avec l’Andalousie. Pour la première fois, nous ressentons une minuscule agitation: autour des lacs, des dizaines des touristes se pressent, avec des yeux aussi ébahis que les nôtres.

Plus loin, c’est Gijón qui nous accueille. Dans cette métropole asturienne de 280.000 habitants, c’est l’abondance d’architecture moderniste qui nous fait rêver. On a beau être allé trois fois à Grenade, deux fois à Cadix, beaucoup trop souvent à Barcelone, Madrid, Séville et Valence, et même une fois à Saragosse, on est littéralement émerveillés par le charme de l’endroit.

Enfin, il y a Avilés, notre dernière étape dans les Asturies, à deux pas de l’aéroport. Une spectaculaire petite ville de province que l’on a pu admirer dans le film Vicky Cristina Barcelona et qui abrite le Centro Niemeyer, l’un des derniers complexes réalisés par l’architecte brésilien Oscar Niemeyer. Avec ses palais médiévaux, ses maisons colorées et ses places animées, la cité nous apporte ni plus ni moins que le coup de grâce…

EN PRATIQUE

Pour en savoir plus sur les Asturies: turismoasturias.es

Pour y aller: Ryanair propose trois vols directs par semaine entre Charleroi et les Asturies.

Pour se loger: La Villa Rosario, 4-étoiles, est entourée par les montagnes et la plage. Elle dispose de sept chambres et d’un joli jardin. hotelvillarosario.com

Lire aussi: Les 10 plus belles plages méconnues d’Europe.

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