Bienvenue dans un ancien bunker de Hambourg transformé en spectaculaire hébergement avec escalier panoramique, arbres perchés et toit-terrasse. Une tanière pas comme les autres, où l’on a dormi à poings fermés.
Dès qu’on sort du métro sur la Feldstraße, il apparaît, dominant le paysage urbain. Un géant de béton, tout en nuances de gris, qui capte forcément l’attention avec ses 60 mètres de hauteur et ses 70 mètres de largeur. Le Hochbunker – littéralement «le haut bunker» – est l’un des plus grands bunkers jamais construits. C’est au sommet de ce mastodonte que nous allons passer la nuit, et plus précisément dans l’hôtel REVERB by Hard Rock Hamburg.
Le chemin vers notre chambre dégage un parfum de mystère. L’ascenseur refuse de bouger sans la carte magnétique, et un collaborateur chargé de la sécurité aide les voyageurs qui n’ont pas encore fait leur check-in à monter. L’entrée est recouverte de jolis graffitis d’un street artist local, Rebelzer. Hambourg a toute une histoire avec l’art de rue, et les artistes locaux ont eu carte blanche pour laisser libre cours à leur inspiration dans différents lieux de l’hôtel. Malgré cet accueil ludique, on sent le poids du passé comme un écho lointain, des chuchotements dans les couloirs. Rien de menaçant, mais une sorte d’aura qui ne veut pas s’enfuir…
Un jardin suspendu abritant 20.000 arbres
C’est en 2013 que l’urbaniste visionnaire hambourgeois Mathias Müller-Using a eu l’idée de «verdir» le bunker. Avec son bureau INTER+POL Studios, il a conçu la structure qui sera réalisée plus de dix ans plus tard, après un long processus de demande de permis de bâtir. Les architectes ont ajouté cinq étages et un spectaculaire «escalier-promenade» qui s’enroule autour du bâtiment comme un paysage verdoyant en forme de terrasse. De nombreuses sociétés hambourgeoises ont été impliquées dans ce projet titanesque, comme le bailleur de fonds Matzen Immobilien, le bureau d’architectes-paysagistes L+ ou le pépiniériste Lorenz von Ehren.
«Ce qui était autrefois une laide cicatrice dans la ville est aujourd’hui devenu une jungle urbaine. Arbres fruitiers, sapins, érables sycomores, lauriers-cerises, houx, érables champêtres, lierre, rosiers… Plus de 20.000 arbres, arbustes et plantes ont pris place sur le toit», explique notre guide, Tomas Kaiser, expert en architecture, avant de nous emmener aux quatre coins du bunker. En été, les habitants peuvent même venir y cueillir des pommes.»
Ce sentier perché long de 560 mètres est accessible à tous gratuitement et constitue un formidable ajout. On se balade tout autour du bâtiment et, une fois au sommet, on reprend son souffle dans le jardin du toit. La ville s’étale sous nos pieds et on découvre Hambourg sous son meilleur jour, avec l’iconique Elbphilharmonie, les grues bleues du port dans la skyline ou même les terrains du FC St. Pauli, le légendaire club de foot qui donne son nom au quartier. «Dans combien de lieux au monde peut-on regarder à flanc de bunker des gamins jouer au foot?», s’enthousiasme Tomas Kaiser.
Un peu d’histoire, beaucoup de créativité
«Si la volonté était de conserver un pan d’histoire, il ne fallait pas que cela devienne un monument dédié à une quelconque glorification, ni une relique statique», poursuit-il. Au lieu d’opter pour un mémorial ou un musée, Hambourg a donc opté pour une reconversion… avec un léger aspect muséal. A 39 mètres de hauteur, on peut faire un arrêt dans l’ancien toit du bunker, où une exposition nous transporte dans les racines historiques du colosse.
Le bunker a été construit en 1943 et servait à protéger la ville contre les attaques aériennes. Immédiatement après la guerre, des appartements y ont été aménagés, suivis par des studios d’enregistrement et des sièges d’entreprises de médias. Aujourd’hui? On y trouve notamment la salle d’escalade Urban Apes ou un club de musique classique. Un lieu qui grouille de créativité, où l’on peut venir déguster une bière sur fond de piano…
Et bien sûr, de la musique partout
On peut dormir à l’hôtel pour 140 euros. Mais on peut aussi se contenter de jeter un coup d’œil dans l’entrée, en admirant le lobby formant une plateforme surélevée au-dessus de la réception. Les fauteuils lounge offrent une vue panoramique sur la ville – le lieu idéal pour acheter un en-cas ou une boisson. REVERB, rejeton de la fameuse chaîne Hard Rock Hotel, souhaite ici se positionner sur un marché jeune. Au programme: restaurant, bar à cocktails, boutique et café Constant Grind avec vue sur la ville.
Un peu partout dans l’hôtel, sont dissimulés des clins d’œil musicaux. Dans les chambres? Des toilettes avec du papier peint fourmillant de pochettes de CD mythiques. Dans le lobby? Des posters de Rihanna ou Bryan Adams. L’histoire d’Hambourg est enracinée dans la musique. La légendaire Reeperbahn, à un jet de pierre du bunker, a notamment accueilli l’un des premiers grands concerts des Beatles dans les années 1960.
Les quartiers autour de l’hôtel, St. Pauli et Karolinenviertel, sont tout aussi avant-gardistes. Les rues dégagent une agréable ambiance underground. Trouver une façade de magasin sans graffitis ou stickers est impossible. Disquaires, boutiques de mode insolites, cafés cosmopolites… Il y a de quoi faire, et il suffit de s’asseoir à la terrasse d’un café – au hasard, le Teikei – pour assister à un véritable défilé de mode sans catwalk.
L’antre des marginaux
Notre guide Tomas Kaiser raconte avec passion la ville et ses habitants: «Ce qu’il faut absolument savoir sur Hambourg, c’est que nous sommes un peu des marginaux. Nous avons toujours eu une tradition très indépendante, comme si nous étions en train de regarder l’Allemagne depuis la ligne de touche. Nous sommes rebelles, excentriques et, en substance, nous nous rapprochons plus des pays scandinaves. Hambourg est aussi connue pour être un bastion «de gauche»: le parti d’extrême droite AfD remporte peu de voix ici, tandis que le parti social-démocrate SPD a atteint plus de 30% aux dernières élections.»
Le paysage urbain affiche notamment des autocollants «refugees welcome» ou des slogans antifascistes. Des détails faussement anodins. Au premier abord, on peut se dire qu’il est irrespectueux de transformer un monument nazi en lieu attractif pour les touristes, odeur de café frais et merchandising Hard Rock compris.
Etrange gestion du patrimoine? Oubli de l’histoire? En réalité, les Hambourgeois semblent avoir bien réfléchi à ce paradoxe. Ils ont envisagé la reconversion du bunker comme un lieu qui continue à vivre et à changer de mentalité. Un endroit de contrastes: l’histoire et le renouvellement, le béton et la végétation, le souvenir et le commerce. Quand on connaît Hambourg, sa philosophie et ses valeurs, on sait que ce bunker traduit surtout une manière d’accorder une seconde chance aux gens, aux histoires et aux bâtiments.
EN PRATIQUE
Y aller
Nous avons pris le train aller-retour: Hambourg est accessible depuis Bruxelles avec une seule correspondance. Depuis la Gare centrale, on rejoint le bunker par la ligne de métro U3. b-europe.com
Se loger
On peut séjourner au REVERB by Hard Rock Hotel dès 140 euros la nuit. Le petit déjeuner est royal, avec des spécialités locales et des pâtisseries maison. hamburgbunker.com
Lire aussi: 3 hotspots chics où dormir à la montagne.