La folie des escape rooms: quand les jeux d’évasion déplacent les foules, à travers le monde

Tokyo Lab, une salle de l'Escape Rush ouverte il y a moins d'un an à Bruxelles.
L’incroyable Tokyo Lab, ouvert récemment à Bruxelles. © SDP
Nicolas Balmet
Nicolas Balmet Journaliste

En Belgique comme ailleurs, les fameuses escape rooms séduisent une génération très jouette qui les place désormais sur sa to-do list en allant visiter telle ou telle ville. Pourquoi ça cartonne? Où trouver les salles les plus dingues? Enfermez-vous avec nous, on vous dit tout.

L’objectif du tourisme n’est-il pas de… s’échapper? Les férus d’escape game s’approprient en tous cas cette philosophie au pied de la lettre pour justifier une passion qui les amène à revoir la liste de leurs priorités avant de plier bagage. Oui, ils iront toujours se promener le long des canaux d’Amsterdam, visiteront le Prado à Madrid et feront semblant de retenir la tour à Pise. Mais entre les évidences, beaucoup ajouteront une petite virée dans l’une de ces escape rooms remplies d’énigmes dont il faut s’extraire en groupe, en 60 minutes et zéro poussière.

Le concept vient du Japon. Et plus précisément de l’univers du jeu vidéo, premier à concevoir des lieux virtuels dont on s’évade à la seule force de ses neurones. De l’écran au monde réel, le voyage est court. Ainsi, l’escape game a décroché son diplôme de «loisir le plus innovant de ce début de siècle» quand il s’est mis à semer un peu partout des décors plus vrais que nature: prison, sous-marin, hôpital, maison hantée, ville futuriste…

Un divertissement tellement épatant qu’il a fini par gagner l’Europe en séduisant d’abord les pays de l’Est. La Hongrie – considérée comme la «capitale européenne du jeu d’évasion» – a ainsi élaboré la première salle du Vieux Continent en 2011 et compte désormais plus de 100 scénarios jouables dans ses entrailles.

1/1

1/1

VERS LA BELGIQUE ET AU-DELÀ

En Belgique, toutes les grandes villes possèdent plusieurs salles… aux ambiances très variées. Des virées sur les traces de personnages célèbres, comme Sherlock Holmes (à Bruxelles), Harry Potter (à Louvain) ou Pablo Escobar (à Namur). Mais aussi des plongées dans le Chicago des années 30 (à Liège), les coulisses de la Maison-Blanche (à Bruxelles) ou les méandres d’une forêt magique (à Charleroi).

Des lieux étranges qui n’attirent pas uniquement les mordus du plat pays, mais aussi des touristes étrangers qui se déplacent parfois jusqu’ici dans l’unique but de découvrir ce que nos créateurs d’escape rooms ont dans le ventre. Etape incontournable pour ces fans: l’Escape Rush, à Ixelles, qui possède trois salles figurant parmi les plus grandes d’Europe, dont l’incroyable Tokyo Lab qui a ouvert ses portes il y a moins d’un an et qui embarque ses hôtes dans une ville japonaise en proie à un virus mortel – la réalité n’est jamais bien loin quand il s’agit de pousser les joueurs à agir vite, très vite.

L’incroyable Tokyo Lab, ouvert récemment à Bruxelles.
L’incroyable escape room Tokyo Lab, ouvert récemment à Bruxelles. © SDP

«On reçoit beaucoup de Français, parce que notre escape room est répertoriée sur de nombreux blogs qui classent les meilleures salles à faire un peu partout, explique Pierre Baglin, l’un des trois cofondateurs de l’Escape Rush. Mais on accueille aussi des Allemands, des Néerlandais ou des Italiens. En fait, c’est une grande communauté, très investie et qui grandit chaque jour un peu plus. Les gens viennent entre passionnés ou en famille, pour vivre une expérience intense qui ne leur coûte qu’une bonne heure de temps. Ça cartonne parce que c’est très différent du karting ou du laser-game. On est dans un loisir qui ne cesse jamais d’innover et, donc, de surprendre ses adeptes.»

C’est l’une des raisons qui fait courir les joueurs d’une contrée à l’autre: varier les plaisirs dans des villes qui déploient parfois de véritables pépites d’inventivité, de réalisme ou de technologie. «Nous-mêmes, en tant que concepteurs, on voyage souvent pour aller voir ce qui se fait aux Pays-Bas, aux Etats-Unis, en Grèce ou au Japon…»

Les concepteurs de l’Escape Rush ont imaginé une réplique de la Maison-Blanche, pour une immersion aussi réaliste que haletante.
Les concepteurs de l’Escape Rush ont imaginé une réplique de la Maison-Blanche, pour une immersion haletante. © Photos: SDP

POUR (QUASI) TOUT LE MONDE

Autre raison qui provoque un engouement planétaire et un inévitable «tourisme de l’escape room»: ces jeux-là ne se jouent qu’une seule fois. On peut se rendre deux fois sur le même site d’accrobranche, mais pas dans une salle dont on connaît chaque secret. Alors on va de ville de ville, puis de pays en pays. C’est le cas de Barbara Moniotte, une Belge de 56 ans qui n’imagine plus élaborer un city-trip sans y prévoir une évasion. «Ça fait plus d’une dizaine d’années qu’on le fait, en famille ou entre amis. J’ai de la chance: j’ai des enfants de 26, 25, 19 et 15 ans qui adorent ça. C’est même la force du concept, dans le fond: qui n’aime pas jouer? La première fois, c’était à Varsovie, où on s’est laissé appâter par notre aînée. Puis c’est très vite devenu une habitude. Parfois, si le choix est vaste, on en fait plusieurs par jour. Je sais qu’il y a des gens qui choisissent leur ville en fonction des escape rooms qui s’y trouvent, mais pour nous, c’est d’abord la ville qui doit nous attirer… Quoi qu’il en soit, il y a des possibilités partout. On s’est rendus à Varsovie, à Bordeaux, à Copenhague et même en Russie il y a quelques années. Notre souvenir le plus fou, c’était une morgue où un joueur de l’équipe devait s’enfermer dans l’un des tiroirs pour faire progresser la partie… J’ai aussi entendu que, dans les pays de l’Est, on trouvait des escape rooms érotiques ou des trucs vraiment bizarres. Bref, parfois, il faut quand même vérifier les âges conseillés pour jouer…»

‘C’est vraiment une petite cour de récré entre deux visites.’

The Dome, aux Pays-Bas.
The Dome, aux Pays-Bas: la meilleure escape room du monde? © Photos: SDP

Généralement, pas de panique: si les jeunes enfants n’ont pas grand-chose à y faire, on peut s’y délecter dès qu’on atteint le statut de «grand enfant» – allez, disons 8 ans. D’ailleurs, pour attirer un public toujours plus large, les concepteurs ont aujourd’hui tout compris, n’hésitant pas à façonner des univers qui tapent forcément dans l’œil d’un ou plusieurs membres d’une même tribu. La société française Team Break, par exemple, a imaginé des jeux estampillés Koh-Lanta ou Fort Boyard, ou à l’effigie de séries ultrapopulaires comme Lost ou The Walking Dead.

«Tout existe!, poursuit notre interlocutrice. Et franchement, quand on voyage, ‘y a rien de tel comme petite cour de récré entre deux visites ou deux siestes. Ça réveille les neurones, mais surtout, ça fait appel aux différentes compétences de chacun. L’un va s’occuper des énigmes plus visuelles, l’autre va utiliser son sens de la déduction ou de la logique, un autre va briller lors des passages plus sportifs ou plus mathématiques, etc.» Atout majeur de la plupart des jeux, peu importe l’endroit du globe où on s’y adonne? Quelques notions d’anglais sont suffisantes pour avancer… et même sortir.

Le Blockhaus, en Normandie.
Le Blockhaus, en Normandie, ou quand l’Histoire s’invite au jeu. © Photos: SDP

CHAMBRE AVEC GAME

Seul défaut, a priori: les personnes seules ou les couples qui désirent assouvir leur soif d’échappées belles. «Cela se joue difficilement à deux. Pour moi, il faut être minimum trois, et quatre, c’est encore mieux, explique Pierre Baglin. La bonne nouvelle, c’est qu’il existe plein de pages Facebook où il est possible de dire «Tiens, je serai à Milan la semaine prochaine, y a-t-il des joueurs disponibles dans le coin?». C’est un loisir qui provoque des rencontres et un vrai enthousiasme.»

En tandem, mais pas envie de rejoindre un groupe d’inconnus? Le bonheur se trouve près de chez vous, dans un lieu qui démontre à lui seul l’ampleur de l’engouement «touristique» pour ce loisir des temps modernes: la maison d’hôtes Au Plaisir, située à Hastière, qui propose à ses visiteurs de transformer leur chambre classique en… Enigma room! Le concept, unique en Belgique, permet de s’immerger dans la vie de personnages ayant réellement existé, tout en vivant une expérience dans son propre hébergement. Pour l’avoir testé, on peut vous dire que ça vaut le détour. Bien sûr, ici, il n’y a ni micro, ni vidéo, et l’aspect «on se grouille!» est gommé afin de laisser place au pur plaisir de jouer, sans contrainte de temps.

L’excellente salle De Gouden Kooi, à Malines.
L’excellente salle De Gouden Kooi, à Malines. © Photos: SDP

JOUER AVEC L’HISTOIRE

Autre tendance qui met des étoiles dans les yeux du secteur touristique: la manière dont les escape rooms se sont mis en tête de réhabiliter des lieux endormis ou de mettre en valeur des lieux historiques (à relire: notre article sur les jeux qui s’invitent dans les lieux d’Histoire) . Là non plus, il ne faut pas aller bien loin: par exemple au château de Moha, à Wanze, où le chrono démarre en 1380 et demande aux visiteurs de faire la lumière sur une sombre affaire afin d’innocenter un jeune orphelin. Le Blockhaus, lui, est souvent cité comme l’une des adresses les plus émérites de Normandie, et pour cause: ses trois salles relatent des événements liés à la Seconde Guerre mondiale ou au D-Day.

De leur côté, les musées sont particulièrement friands de cette manière ludique de rameuter les générations. C’est notamment le cas à Liège, où un jeu d’évasion peut s’organiser, sur réservation, au Musée des Transports en Commun. Idem à l’Africa Museum de Tervuren, où une quête emmène les joueurs à travers les salles de l’exposition permanente. La ville de Namur, elle, organise des escape games dits «urbains» pour visiter la ville en y résolvant des énigmes via son smartphone – la frontière avec la chasse aux trésors ou le jeu de piste est parfois un peu floue.

Pour faire monter le niveau d’un cran, et tant qu’à prendre les expressions au pied de la lettre, ceux qui ont une furieuse envie de s’échapper peuvent se rendre à Stockholm. Rendez-vous à l’escape room baptisée Prison Break – Head to Head, où il ne s’agit pas seulement de s’évader de prison, mais aussi de le faire plus rapidement… qu’une équipe adverse. Un excellent entraînement pour les Championnats du monde d’escape room – oui, ça existe – où se réunissent les neurones les mieux connectés de la planète. Début de votre mission dans 4, 3, 2, 1…

Deep Inside, à Paris, qui se joue 30 mètres sous terre.
Deep Inside, à Paris, qui se joue 30 mètres sous terre. © Photos: SDP

Le top du top

Vous avez joué à tous les jeux de plateau de style Unlock? Regardé les films d’horreur Escape Game 1 et 2 sur Netflix? Triomphé au Championnat du monde organisé par Red Bull? Vous reprendrez bien une petite dose d’adrénaline en allant découvrir ces 5 chambres (très) fortes, toutes situées en Europe.

The Dome, à Utrecht. Beaucoup affirment qu’il s’agit de l’une des meilleures salles… du monde, et elle se trouve à deux pas de chez nous, aux Pays-Bas. Au menu: une plongée dans l’espace-temps, entre illusions et réalité, qui débute dans un centre de recherche à l’ambiance froide. Effets saisissants, surprises à la pelle et rythme effréné. Un blockbuster du genre.

escaperoom.nl

De Gouden Kooi, à Malines. Quatre salles, quatre ambiances. Entre la cabane dans les bois, la planète hostile, la jungle mexicaine ou la maison d’un célèbre millionnaire malinois, notre cœur balance. Le lieu a déjà été récompensé par plusieurs prix internationaux – dont les Escape Room Awards – et présentera sa nouvelle salle… cet automne.

degoudenkooi.be

Deep Inside, à Paris. Une mystérieuse cité souterraine, puis un scénario qui, petit à petit, s’aventure dans l’obscure histoire de la magie à travers les âges… Décor, histoire et immersion ont été particulièrement peaufinés dans l’aventure Le Magicien de Paris. Jouable au même endroit, toujours 30 mètres sous terre: Le Palais de l’Horreur – tout est dans le titre.

deepinsideparis.fr

Alien Origin, à Barcelone. Magnifique exemple de la façon dont les univers du cinéma, du jeu vidéo ou de l’art en général influencent beaucoup les créateurs d’escape rooms. Ici, c’est le célèbre film de Ridley Scott qui a inspiré le décor de cette histoire pleine de rebondissements et d’énigmes très bien ficelées. Frissons garantis.

escapebarcelona.com

La chambre de Tante Hilda, à Genève. Primé au prestigieux Terpeca (qui récompense chaque année les meilleures salles du globe), ce conte fantastique emmène le joueur en 1837, dans un étrange hôtel peuplé de souvenirs et de créatures. Décors fabuleux et atmosphère envoûtante, au cœur d’un Grand Trip Trap Hotel où petits et grands sont les bienvenus.

triptrapescape.ch

Un site Web pour aller (encore) plus loin: serial-escapers.com, qui répertorie les meilleures salles d’Europe et du monde, avec des avis détaillés en français.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content