La magie de La Havane: 500 ans mais « intacte »
Parée de ses plus beaux atours après des mois de chantiers, La Havane, capitale dont l’air figé dans le temps séduit chaque année des millions de touristes, célèbre vendredi et samedi ses 500 ans. Visite en images et en quelques avant-après surprenants.
Le Malecon, célèbre boulevard de bord de mer longé de bâtiments coloniaux colorés, sera l’une des principales scènes de ces festivités, avec des concerts et un spectacle de 16.000 feux d’artifice vendredi à minuit, après le tir de 21 salves de canon.
Avant cela, à 21H00 (02H00 GMT samedi), aura lieu la traditionnelle cérémonie qui consiste, à chaque date-anniversaire de la ville, à tourner trois fois autour d’un arbre, le ceiba (fromager), en formulant le même nombre de voeux.
Chaque année, une foule d’habitants respectent ce rituel censé apporter chance. Le 16 novembre 1519, c’est à l’ombre d’un fromager qu’avaient été organisés la première messe et le premier conseil municipal de San Cristobal de La Havane. Pour les spécialistes, c’est l’acte fondateur de cette cité de 2,1 millions d’habitants, créée par des colons espagnols, l’île étant ensuite restée dans le giron de Madrid jusqu’en 1898. Le roi d’Espagne Felipe VI est venu en début de semaine lancer les festivités.
Berlines américaines des années 1950, absence de gratte-ciels, centre historique parsemé de rues pavées, de palais et de forteresses: c’est ce charme désuet qui fascine les touristes, qui ont été 4,75 millions à visiter l’île en 2018.
Le modèle d’autogestion imaginé par Eusebio Leal a justement permis d’utiliser une partie des recettes touristiques pour la restauration du quartier historique, où de nombreux édifices tombaient en ruines.
La ville a donné un coup d’accélérateur aux chantiers en prévision de son anniversaire d’un demi-millénaire, avec la rénovation de bâtiments anciens et la construction de plusieurs hôtels de luxe, puis plus récemment la réfection de la chaussée du Malecon et d’une partie des rues du centre.
Oeuvre-phare de cet anniversaire, le Capitole, réplique de celui de Washington, a été rénové et sa coupole recouverte d’or, offert par la Russie: le reflet du climat diplomatique du moment, alors que Cuba est soumis à une pluie de sanctions américaines et cherche le soutien de ses alliés traditionnels, Moscou et Caracas.
« Les yankees continuent de nous étrangler, mais nous résistons », a lancé jeudi le président Miguel Diaz-Canel lors d’un déplacement dans la province de Guantanamo (sud-est), où se trouve une base militaire américaine. Les Etats-Unis « veulent asphyxier l’économie, en pensant que ce peuple va se rendre », a-t-il ajouté.
C’est justement la population qui souffre le plus directement des sanctions, qui ont provoqué notamment des pénuries d’essence sur l’île.
Mais Roberto Molina, pêcheur de 69 ans installé chaque jour sur le Malecon, garde le sourire face à ce quotidien compliqué: « Le Havanais est joyeux. Si tu trouves une solution aujourd’hui, tant mieux, si tu n’en trouves pas demain, tant pis. »
« C’est vrai, on a des difficultés, parfois c’est dur de rentrer à la maison, avoir une conversation intime avec mon réfrigérateur, quand je l’ouvre et je dis +qu’est-ce que je vais cuisiner aujourd’hui+ », confie aussi Alina Gonzalez, gériatre de 57 ans. Cela n’entame pas son amour pour La Havane, dit-elle, assurant vouloir « continuer à marcher dans ses beaux parcs, sur le Malecon, profiter de sa splendeur encore longtemps ».
Il est considéré comme l’homme qui a « sauvé » La Havane : l’historien officiel de la ville, Eusebio Leal, raconte à l’AFP comment la capitale cubaine, qui fête ses 500 ans, est restée « intacte » par magie… mais aussi grâce à un ambitieux travail de conservation et restauration. A la tête du Bureau de l’historien de La Havane, il a donné à son poste, qu’il occupe depuis plus de 50 ans, une envergure inédite en se lançant dans un vaste chantier de reconstruction de palais, forteresses, demeures et places de la vieille Havane, classée au patrimoine de l’Humanité de l’Unesco en 1982.
« Cela me fait vraiment plaisir de voir que la ville est restée dans l’attente de temps meilleurs, et je crois que ces temps approchent », confie cet homme de 77 ans, figure publique incontournable de l’île – chaque visite de dignitaire étranger inclut une balade de la ville avec lui – et très connue des Cubains.
La belle capitale, longée par l’océan Atlantique, attire chaque année des millions de touristes, fascinés par son apparence figée dans le temps, entre bâtiments anciens aux couleurs orange, jaune ou vert, et berlines américaines rutilantes des années 50.
« Par magie ou par une série de phénomènes politiques, économiques et sociaux, (La Havane) est restée intacte, elle attendait son moment », estime Eusebio Leal, en référence au coup d’arrêt urbanistique provoqué par la révolution socialiste de 1959, menée par Fidel Castro, puis l’embargo américain imposé à partir de 1962.
Amoureux de sa ville, mais chagriné d’y voir des édifices délabrés – selon les chiffres officiels, 39% des habitations sont endommagées -, l’historien a mis en place, dans les années 1990, un ingénieux système pour pouvoir la restaurer. Son idée a été de créer un modèle d’autogestion, à travers la chaîne d’hôtels Habaguanex, dont les recettes touristiques ont permis de restaurer le quartier historique tout en développant des programmes sociaux en faveur des habitants.
Peu à peu, il a aussi convaincu les Havanais de s’intéresser de plus près à leur ville et à son architecture. « Aujourd’hui il y a une meilleure prise de conscience, on se rend peut-être plus compte de la beauté, de la culture, de ce qui est important », se félicite cet homme à l’éternelle chemisette grise.
Mais si la capitale a gardé son charme suranné, il vante la « surprenante modernité » de ses habitants et veut voir cet anniversaire des 500 ans, sur lequel il dit avoir travaillé « si longtemps », comme le début d’une nouvelle histoire: « pour moi, ce n’est pas un objectif, mais un point de départ » vers un meilleur avenir.
Ces dernières années déjà, les grues ont été omniprésentes dans le paysage de La Havane, permettant la construction d’hôtels de luxe, la refonte de vieux bâtiments, des canalisations et, plus récemment, de la chaussée en bord de mer.
Le coin entre la 23ème rue et le boulevard Malecon en 1959 et aujourd’hui.
El Templete au début du 20ème siècle et aujourd’hui
Le 685 de la rue Neptuno dans les années 1950 et aujourd’hui
Le Sears store taken dans les années 1950 qui est aujourd’hui devenu le Computer Palace
El Lucero Cafe au début du 20ème siècele et aujourd’hui
Le cinéma Actualidades dans les années 1940 et aujourd’hui
Le musée de la révolution dans les années 1950 et aujourd’hui
L’entrée de la rue Obispo en 1928 et aujourdhui
La Malecon Avenue en 1959 et aujourd’hui
L’ Ultra store dans la rue Reina dans les années 1950 et aujourd’hui
Le Payret bar dans les années 1940 et aujourd’hui
Le Saratoga Hotel dans les années 1930 et aujourdhui
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La Havane est par endroit comme figée dans le temps
On y voit de nombreuses voitures des années 1950
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