La Nouvelle-Zélande, une contrée enchantée
Aotearoa, c’est le nom maori de ce pays sauvage constitué de deux îles contiguës, l’une volcanique, l’autre montagneuse, posé sur la ceinture de feu du Pacifique. Rendu mythique par ses All Blacks et la saga du Seigneur des Anneaux, dont il forme l’époustouflant décor, le lieu a un parfum d’eldorado.
Le soir tombe sur la Waipoua Kauri Forest. « Ne faites pas trop de bruit, avertit notre guide Billy Boy Thompson. C’est l’heure où les kiwis sortent de leur tanière pour se nourrir. Avec un peu de chance, on pourra en apercevoir. »
Mais ce symbole de la Nouvelle-Zélande ne se laisse pas facilement approcher, même dans les forêts où il est encore protégé. Dans la pénombre, on n’aura droit qu’à une vision fugitive de l’oiseau sacré du peuple maori, qu’un dieu a condamné à vivre la nuit sans pouvoir voler.
Nous ne sommes d’ailleurs pas seulement là pour lui, mais pour une autre curiosité locale, plus rare et majestueuse : le kauri, cet arbre endémique qui, jadis, couvrait toute la surface des deux grandes îles formant le pays du long nuage blanc. C’est ainsi que l’ont baptisé les Polynésiens qui le découvrirent voici à peine 800 ans. Puis sont venus les Blancs. « Dès le XIXe siècle, les colons européens ont tellement défriché pour l’agriculture que les forêts de Kauri ne s’étendent plus que sur 2 % du territoire », regrette Billy Boy.
Soudain, lui et sa femme Merepaea s’arrêtent net dans l’obscurité et, du fond des tripes, lancent une envoûtante mélopée qui nous submerge d’émotion. Dans le faisceau de nos lampes, se dresse un géant plus que deux fois millénaire, haut de 50 m et rond de 13 – il nous faudra revenir de jour pour le voir en entier. Au pays des Kiwis (le mot désigne aussi bien l’oiseau que les autochtones), le peuple tout entier vénère Tane Mahuta, le seigneur de la forêt. Mais pour les Maoris, c’est l’équivalent d’un dieu : celui qui a séparé le Ciel et la Terre, son père et sa mère. Quelques centaines de mètres plus loin, règne son cousin Te Matua Ngahere, moins haut mais plus large encore. Du haut de ses 3 500 ans, c’est l’arbre le plus vieux du monde.
Après leur avoir rendu hommage en immersion dans la culture maorie, le temps d’une promenade nocturne aux antipodes, nous voilà prêts à entamer notre long périple sur les routes d’Aotearoa, ce pays mythique, grand comme l’Italie mais peuplé d’à peine 4 millions d’habitants. L’un des derniers territoires découverts par l’homme, dont les trois quarts des espèces animales et végétales sont encore endémiques. Et l’on ne parle pas des Hobbits qui l’ont rendu célèbre aux yeux de millions de cinéphiles. Leur village existe, on peut le visiter.
Auckland, la cité des voiles
C’est sur l’île du Nord que sont arrivés les premiers habitants, venus en pirogue à voile des îles de la Société (Tahiti) voici environ 800 ans en suivant les baleines et les oiseaux migrateurs. Ils ne se désigneront eux-mêmes comme » maoris » (autochtones) qu’à l’arrivée des colons européens à partir du XVIIIe siècle, dont ils appellent toujours les descendants » pakehas « . Les deux communautés vivent en bonne intelligence mais conservent leurs spécificités, on le vérifiera souvent.
Notre voyage commence à Auckland, la capitale économique avec son 1,5 million d’habitants, ses gratte-ciel, son port, ses parcs et ses quartiers branchés où l’on boit le café debout dans la rue.
Bâtie sur cinquante volcans endormis offrant autant de points de vue sur la superbe baie d’Auckland et sa cinquantaine d’îlots plus ou moins sauvages, c’est la cité qui compte le plus de voiliers par tête au monde. Ses équipages s’illustrent dans l’America’s Cup ou la Whitbread, et on ne se lasse pas d’admirer les fins monocoques au repos dans le port de plaisance en dégustant un plat de moules. De savoureuses géantes vertes, élevées dans l’île du Sud, à faire pâlir leurs cousines… de Zélande.
En catamaran ou en ferry, des excursions s’organisent à la journée dans les îles de la baie. Avec ses vignobles réputés, ses oliveraies soignées et ses plages préservées, celle de Waiheke se découvre langoureusement. Accrochées à flanc de colline et tournées vers l’océan, les secondes résidences s’y échangent au-delà du million d’euros. De nombreuses stars y ont un pied-à-terre. Fondé voici plus d’un siècle par des colons belges, le village d’Ostende prospère toujours au coeur de l’île.
Retour à Auckland pour enfiler la route du nord jusqu’à la province de Northland. Passé le pays des kauris et le ravissant musée qui leur rend hommage, le paysage moutonne autant que les nuages. Une succession de collines verdoyantes évoque la Comté du Seigneur des Anneaux sauf qu’ici, les moutons pâturent par milliers. Les baies se succèdent. Celle d’Hokianga, lunaire et entourée de dunes, abrite fréquemment des baleines ; celle dite des îles (Bay of Islands) attire les adeptes d’activités nautiques. Ou aériennes : c’est un spot très couru pour une initiation à la chute libre, la côte éclatée en toile de fond. Dans le sillage des bateaux, ce sont les dauphins qui jouent à saute-mouton. Tandis que les phoques et les lions de mer paressent sur les rochers.
Plus au sud et nettement plus sauvage, on s’attarde sur la péninsule de Coromandel où la forêt pluviale plonge ses racines dans la mer, luxuriant mélange d’essences tropicales et septentrionales, des palmiers aux épicéas en passant par les préhistoriques fougères géantes. L’un des nombreux endroits du pays qui invitent à d’inoubliables randonnées, qu’on achève sur d’interminables plages désertes peuplées d’oiseaux remarquables et de mammifères marins. Sur l’une d’elles (Hot Water Beach), on apporte sa pelle : sous une fine couche de sable, affleurent des sources d’eau chaude qu’on emprisonne dans des bassins privés à marée basse, au pied des vagues, comme autant de Jacuzzis naturels. En Nouvelle-Zélande, posée sur la ceinture de feu du Pacifique, l’activité volcanique n’est jamais loin. En témoignent de fréquents tremblements de terre, parfois destructeurs.
Rotorua, au-dessous des volcans
Tel est l’objet de notre nouvelle étape. La région de Rotorua cumule deux atouts incontournables : elle concentre le plus grand nombre de phénomènes géothermiques remarquables issus des entrailles de la Terre et reste le principal foyer des traditions maories. Nous y goûtons à la table d’une famille d’agriculteurs qui nous accueille à déjeuner pour évoquer sa culture.
» L’accueil de visiteurs étrangers à dîner est une coutume que les Maoris perpétuent depuis 170 ans à Rotorua, explique Renée Nathan en nous servant une délicieuse venaison de cerf à la purée de patate douce, une spécialité du cru. Chaque famille hôte est bien ancrée dans la communauté autochtone et fourmille d’anecdotes sur notre histoire et notre culture. » Justine, Puppi et leur maman octogénaire nous parlent des esprits du lac qu’on aperçoit au loin et des légendes qui les entourent. Ou du combat des leurs pour préserver leur langue et leurs traditions. Sans oublier le haka, ce rituel des guerriers maoris rendu célèbre par les rugbymans des All Blacks. Et sans la moindre acrimonie.
Deux jours ne suffisent pas à explorer toutes les merveilles volcaniques que cachent les environs. Les sites bien balisés de Te Puia ou Wai-o-Tapu n’ont rien à envier au Yellowstone américain, avec leur palette de couleurs vives, de geysers, sources chaudes, lacs d’acide émeraude ou turquoise, mares de boue bouillonnante, gouffres fumants et terres sulfureuses orange et jaune. Quant au paisible lac Tarawera où l’on pêche les plus grosses truites arc-en-ciel de la région, on peine à imaginer qu’il couvre le cratère d’un volcan dont l’éruption de 1886 reste, à ce jour, la plus meurtrière de l’histoire du pays. Sauf quand notre hors-bord fend les fumerolles qui volettent à la surface. Sur la berge, des bassins d’eau chaude invitent à la baignade. Même en plein hiver.
Plus au sud, trois volcans toujours très actifs forment le Tongariro National Park. L’un d’eux, cône parfait couronné de neiges éternelles, a prêté sa silhouette à la Montagne du Destin imaginée par le cinéaste Peter Jackson, celle où l’anneau unique a été forgé puis finalement détruit. Un autre accueille la station de sports d’hiver la plus haute de Nouvelle-Zélande, où l’on skie littéralement entre les blocs de lave. Une randonnée légendaire permet d’en faire le tour en un jour, dans un paysage apocalyptique. On l’achève en prenant le » high tea » (thé gourmand) de 17 heures dans les salons feutrés du seul hôtel du parc, le Château Tongariro, un manoir d’un autre temps pour le moins incongru.
Queenstown, entre glaciers et fjords
Un ferry suffit pour rallier l’île du Sud au départ de la capitale Wellington, où l’on n’échappe pas au formidable musée national Te Papa, basé sur l’interactivité, sans tabou sur les ravages de la colonisation dans ce paradis si longtemps préservé. C’est l’île la plus sauvage, très peu peuplée, traversée par la chaîne des Alpes du Sud, ses sommets de plus de 3 000 m, son mont Cook et ses innombrables glaciers. Côtes déchiquetées, plages immaculées, forêts primaires, fjords insondables… C’est une terre d’aventure où les adeptes de solitude et d’une nature peu violée côtoient les amateurs de sports extrêmes dont on vous épargne la liste.
Du côté de Marlborough, les plaines du nord abritent les vignobles dont on extrait les meilleurs crus néo-zélandais. La côte ouest, battue par les vents, fut au XIXe siècle le théâtre d’une ruée vers l’or dont il subsiste de nombreux vestiges. A Ross, on peut louer tamis et batée pour jouer les orpailleurs en herbe dans les rivières des environs. Nous en avons extrait quelques paillettes sans valeur et un plaisir hors de prix. La seule richesse minérale qui subsiste est celle du jade, incontournable dans les boutiques de la région.
On suit la côte en traversant parcs nationaux – l’Abel Tasman est à ne pas manquer – et curiosités géologiques pour arriver aux deux glaciers les plus spectaculaires, Fox et Franz Josef, dont la moraine rejoint presque le niveau de la mer, au coeur de la forêt pluviale, ce qui est unique au monde. La promenade mène au pied de gigantesques murs de glace bleue qu’on peut survoler en hélico et sur lesquels il est possible de randonner.
Une via ferrata sur la paroi surplombant le lac Wanaka plus loin, nous voici à Queenstown, la destination préférée de nombreux voyageurs… et étudiants européens sous contrat » vacances-travail « . Entourée de montagnes et de lacs, c’est la capitale des sports de plein air, été comme hiver. C’est aussi le point de départ des excursions vers le pays des fjords, dont le célèbre Milford Sound jadis découvert par le capitaine Cook, avec ses falaises vertigineuses d’où jaillissent des centaines de cascades. On s’y attarde en bateau mais des treks s’organisent aussi au coeur de paysages parmi les plus spectaculaires au monde.
A son extrémité sud, nous passons 24 heures sur la troisième île du pays, la minuscule Stewart Island, classée réserve ornithologique, où les rares véhicules doivent veiller à ne pas écraser de kiwis pendant la nuit. Puis l’on repart à l’assaut de la côte est, ses paysages grandioses et ses péninsules découpées. A Dunedin, la petite Ecosse de Nouvelle-Zélande, celle d’Otago abrite à la fois le seul château du pays et des colonies d’albatros, l’oiseau géant dont elle est un sanctuaire. A Christchurch, qui se remet lentement du séisme dévastateur de 2010, celle de Banks est formée d’un volcan dont le cratère abrite une baie translucide où l’on batifole avec les dauphins Hector, la plus petite espèce recensée. Au pays des superlatifs, on en prend plein la vue à chaque tournant.
En pratique p>
Se renseigner p>
Passeport obligatoire, mais pas de visa pour les Belges. Attention : si vous transitez via les USA, vous devez néanmoins avoir un visa ESTA. p>
Ambassade de Nouvelle-Zélande. 31, avenue des Nerviens, à 1040 Bruxelles. Tél. : 02 512 10 40. www.nzembassy.com/belgium p>
Y aller p>
Antipodes Voyages propose notamment un circuit self-drive en hébergement de charme à travers les deux îles, adaptable à vos souhaits. p>
A partir de 2 295 euros par personne pour 19 jours, hors vols. Tél. : 02 640 23 23. www.antipodesvoyages.travel p>
Classée 2e compagnie la plus sûre au monde, Air New Zealand propose des vols via Londres dès 1 200 euros. En couple ? L’option Skycouch offre un espace modulable pour dormir allongé, y compris avec un petit enfant. p>
Se loger p>
À Rotorua (Lac Tarawera) p>
Solitaire Lodge. Posé sur une péninsule qui s’avance dans le lac avec vue imprenable sur le volcan, ce luxueux boutique-hôtel de charme enchante. Cuisine divine. p>
À Motueka (Abel Tasman National Park) p>
The Resurgence. Un magnifique écolodge caché en pleine nature, près d’un lieu sacré maori et envahi d’oiseaux rares. Charme, intimité et accueil chaleureux. p>
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