La région de Flims-Laax, en Suisse: un paradis montagnard au charme… tropical

Hauts sommets, forêts de pins odorantes, canyons vertigineux ou lacs tropicaux: la région de Flims-Laax, dans l’est de la Suisse, déploie des paysages magnifiques. Petit tour d’horizon(s), bonnes adresses comprises. Par Laura Claessens

«Vous voyez cette ligne horizontale dans les parois rocheuses?, nous demande notre guide en pointant du doigt les pics escarpés. Lorsque les continents africain et européen sont entrés en collision, cette ligne a été créée par le chevauchement de Glaris. Des couches de roches plus anciennes ont glissé sur des roches plus jeunes sur une longueur de 35 kilomètres. La couche supérieure est vieille de 250 millions d’années, la couche inférieure a 35 à 50 millions d’années.»

Nous nous trouvons dans le haut lieu tectonique de Sardona, classé au patrimoine mondial de l’Unesco. Un paysage unique qui s’étend sur les cantons de Saint-Gall, de Glaris et des Grisons et que nous explorons depuis Laax, dans les Grisons. «La particularité de cette chaîne de montagnes est que la roche la plus ancienne se trouve au sommet. Nulle part ailleurs la genèse des Alpes n’est aussi visible qu’ici. Je dis parfois à mes clients qu’il s’agit d’une route pour les camions de l’armée. Pendant la guerre, l’armée disposait d’un refuge dans les Alpes, plus haut, utilisé comme base, ce qui n’est pas complètement faux», explique Thomas Roth. Il est guide géologue et nous raconte les origines des montagnes d’une manière accessible. Après quelques pérégrinations internationales dans la vingtaine, grâce à sa carrière de mannequin pour Gap, il s’est retrouvé dans la région de Laax, où il réside depuis plus de trente ans. A pied, à vélo ou à ski, il guide les visiteurs à travers sa chère région. Il ne voyage plus au-delà de l’Italie: «Pourquoi aller à l’autre bout du monde quand j’ai tout ça au coin de la rue?»

Au fil de l’eau

Au loin, l’eau jaillit des flancs abrupts des montagnes, pour ensuite serpenter en un motif élégant. Un jeu d’ombres et de lumière peint les sommets arides en cinquante nuances de gris. Dans le Segnesboden inférieur, l’eau scintille dans ce qui, vu de plus haut, ressemblait à une simple plaine. «Ce que vous voyez ici est un marais, un biotope extrêmement rare. Il ne faut absolument pas quitter le sentier», explique notre guide. Ce paysage unique a été créé par un gigantesque glissement de terrain il y a environ 10 000 ans. «C’est le plus grand jamais observé dans les Alpes: quelque 10 kilomètres cubes de roches se sont déversés dans la vallée. Les débris ont endigué les torrents de montagne, créant ainsi ce paysage.» Le troupeau de vaches qui paît tranquillement un peu plus loin ne semble pas impressionné par les majestueuses montagnes qui l’entourent. Avec leur grande langue, elles attrapent l’herbe et la font entrer dans leur bouche. «Elles ont une fourrure très douce. Venez, caressez-la.

Il ne faut se méfier que quand il y a des veaux. Une vache peut réagir de manière agressive pour protéger ses petits.»

Nous poursuivons notre randonnée dans ce paysage atypique. Direction le Trutg dil Flem, qui signifie en romanche (l’une des trois langues officielles du canton, avec l’allemand et l’italien) «chemin de l’eau de Flims». Nous marchons jusqu’au village de Flims depuis la source de la rivière. Une randonnée de près de 9 km au cours de laquelle nous descendons de 2 100 à 1 080 mètres. En chemin, le paysage ne cesse de surprendre: gorges escarpées aux formations rocheuses étranges, forêts de conifères ombragées, vastes prairies et vieilles fermes. Notre compagnon de route, le Flem, au débit vif, se fraye un chemin dans la vallée. Nous empruntons sept ponts, dont certains ont été conçus par l’architecte suisse Jürg Conzett, pour traverser le ruisseau, qui claque et gicle bruyamment le long des rochers. Là, l’eau puissante façonne la roche en de fascinantes œuvres d’art. Un peu plus loin, l’eau coule et ondule paisiblement. La dernière étape nous fait traverser un décor tout droit sorti d’un film fantastique. La forêt y pousse sur des blocs colossaux tombés il y a 10 000 ans. Ils sont empilés comme dans un jeu de Jenga et bordés d’une végétation variée, entre mousse et grands pins. C’est avec un orage dans le dos que nous atteignons Flims.

Paradis du cyclisme

Le lendemain, nous explorons Flims sur un vélo électrique. «La région est idéale pour les cyclistes: freeride, cross-country et enduro, tout est possible», explique Martina Calonder, qui nous accompagne le long de gorges impressionnantes et de lacs magiques. Le VTT est inscrit dans l’ADN de la région, c’est indéniable. Pendant la saison estivale, les cyclistes sont plus nombreux que les randonneurs à s’arrêter aux remontées mécaniques, et les téléphériques sont équipés de supports spéciaux pour les vélos.

Avec 330 kilomètres de pistes cyclables, la région compte même plus de pistes cyclables que de pistes de randonnée (le compteur des pistes de randonnée affiche 250 km). «La Laax School propose des cours de cyclisme pour apprendre les techniques nécessaires pour rouler en montagne. J’ai moi-même un VTT enduro parce qu’il est polyvalent. Il est parfait pour les montées comme les descentes.» Martina vit à Flims et travaille pour le Weisse Arena Gruppe, l’organisation chargée du marketing de la destination, mais aussi propriétaire des remontées mécaniques et d’un grand nombre d’hôtels et de restaurants.

Du Grand Canyon aux Caraïbes

En traversant une pinède odorante, nous avançons vers Il Spir, une plate-forme architecturale surplombant les gorges du Rhin. «Le Ruinaulta est aussi appelé le Grand Canyon suisse, raconte Martina. Ce paysage impressionnant a été créé par l’eau qui s’est frayé un chemin à travers les immenses débris tombés dans la vallée pendant des milliers d’années. On peut y faire de la randonnée, du vélo, du rafting et du canoë. L’eau semble calme d’ici, mais le courant est très puissant.» Depuis la plate-forme, nous flottons à 400 mètres au-dessus du Rhin, comme le martinet qui a inspiré l’œuvre de l’architecte suisse Corinna Menn. Un endroit spectaculaire pour s’émerveiller de la nature s’étalant sous nos pieds, même s’il est préférable de ne pas avoir le vertige.

Avec ses lacs cristallins aux nuances de turquoise, la région offre également des eaux plus calmes. A la frontière de Flims et de Trin, nous découvrons le mystique Crestasee (cresta signifie «lisière de la forêt»), entouré d’une dense forêt. Le Caumasee («sieste») nous immerge dans une atmosphère presque tropicale. Quand il fait beau, les pelouses sont envahies de baigneurs. Nous dégottons néanmoins un endroit caché au bord du lac relativement peu fréquenté. Rien de mieux pour se détendre.

Autrefois, on pensait que l’eau avait des vertus curatives exceptionnelles. Au XIXe siècle, les gens venaient ici spécialement pour ce lac, et c’est ainsi que Flims est devenu une destination de bien-être très prisée. Ce n’est que plus tard que le ski s’est imposé. Aujourd’hui encore, certains ne jurent que par une baignade matinale dans le Crestasee, d’autres optent pour une marche hebdomadaire autour du Caumasee et d’autres encore nous conseillent des lacs moins connus comme le Prau Tuleritg et le Prau Pulté. Quoi qu’il en soit, l’idée est toujours de vivre le plus possible en plein air. Comment pourrait-il en être autrement quand on vit au milieu de toute cette beauté naturelle?

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