Le grand lifting de Fès, ville impériale et capitale spirituelle du Maroc

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Une foule de visiteurs s’agglutine à l’entrée d’une tannerie fraîchement rénovée à Fès: entre grands chantiers de restauration et multiplication des liaisons aériennes, cette ville impériale du Maroc change de visage avec l’espoir de concurrencer Marrakech, la destination phare du royaume.

« C’est un musée à ciel ouvert, une des cités les plus anciennes du Maroc et un des espaces piétons les plus vastes au monde, avec ses 10.000 ruelles », vante Yassir Jawhar, le vice-président du comité du tourisme de Fès (nord).

Il a fallu un effort colossal pour sauver les trésors de Fès, dont la vieille ville (médina) est classée au Patrimoine mondial. Depuis 2013, plus d’un milliard de dirhams d’investissements (92 millions d’euros) ont été débloqués en deux programmes successifs pour restaurer ses édifices fragiles et relancer un tourisme moribond.

Il y avait urgence: plus de la moitié du bâti était « dégradé » et 10% « menaçait ruine » à la fin des années 1980, selon une étude publiée en 2013 par les autorités régionales.

Les hautes murailles crénelées de cette cité fondée au début du IXe siècle cachent un dédale de ruelles où l’on se serre pour laisser passer les ânes et les charrettes.

Considérée comme la capitale spirituelle du Maroc, Fès compte 9.000 demeures historiques, 11 anciennes medersas (écoles coraniques), 83 mausolées, 176 mosquées et 1.200 ateliers d’artisanat.

Sans oublier les palais abritant des terrasses et jardins secrets, les grands bazars, les sanctuaires, les échoppes minuscules encombrées de babouches, poteries en céramique bleue, tissages, broderies ou lampes en métal.

« Processus de dégradation »

Autres traces d’un passé prestigieux, les élégantes fontaines, les galeries de cèdre sculpté des anciens caravansérails ou les manuscrits de la bibliothèque de l’université al-Quaraouiyine, la plus ancienne au monde.

Mais le « must » des circuits touristiques reste les vieilles tanneries.

Faute d’entretien et de moyens publics, la vieille cité avait sombré dans « un lent mais puissant processus de dégradation physique, de paupérisation sociale et de marginalisation urbanistique », selon l’étude du schéma d’aménagement des autorités régionales.

« On a rénové des milliers de bâtiments, de maisons ou de monuments historiques, choisis en fonction (…) du degré d’urgence », souligne Fouad Serrhini, directeur de l’Agence pour la Dédensification et la Réhabilitation de la médina de Fès.

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Entre 2013 et 2018, 4.000 édifices menaçant ruine ont été rénovés et 27 monuments restaurés, selon les chiffres officiels.

Mi-avril, le roi Mohammed VI est venu lancer la seconde tranche des travaux. Mais le résultat parfois discutable des rénovations menées à marche forcée a provoqué un rappel à l’ordre: un comité national a préconisé des chantiers « sans altération », respectant « authenticité » et « architecture originale ».

« Trésor vivant »

« L’ancienne médina est un trésor vivant, caché et secret, qu’on ne peut pas traiter à la légère », argue Salim Belghazi, 33 ans.

Ce descendant d’une richissime famille de Fès, qui a transformé son riad du XIVe siècle en musée, espère que la cité gardera son âme.

Certains craignent l’effet de rénovations menées dans le but affiché d’attirer toujours plus de touristes, à l’instar de ce qu’a pu connaître Marrakech.

Première destination au Maroc, la médina de Marrakech a ainsi vécu dans les années 1980 une mutation liée à cet essor touristique qui l’a fait passer d’une « ville-atelier » à un « grand bazar », explique l’anthropologue français Michel Peraldi dans « Marrakech, le souk des possibles ».

Longtemps vue comme une simple étape sur le circuit des villes impériales du Maroc, Fès devient à son tour une destination de choix en vantant son authenticité.

L’aéroport régional a été agrandi, les liaisons à bas coûts se sont multipliées, le nombre de passagers a bondi de 108.000 en 2004 à 1,3 million en 2018 et celui des nuitées a dépassé le million l’an dernier, selon les chiffres officiels.

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« L’afflux des visiteurs profite à l’artisanat local », qui fait vivre directement ou indirectement trois quarts des habitants de la médina, assure Abderrahim Belkhayat, directeur de l’artisanat régional.

A terme, l’idée est de transformer le centre historique en « vitrine » de l’artisanat et les ateliers en lieux de « finition-vente », en déplaçant les activités comme la dinanderie et la poterie, génératrices d’importants désagréments (bruit, odeurs…), selon un document officiel publié en 2005.

« Vision »

« On a élaboré une vision, on sait où on va », assure M. Belkhayat, en vantant le « nouveau look » de Fès et son artisanat « haut de gamme ».

Quelque 6.000 potiers et dinandiers ont déjà quitté le centre historique pour deux nouveaux sites dotés d’infrastructures modernes, à l’extérieur des fortifications. Il est aussi prévu de déménager les activités polluantes du travail du cuir dans la zone industrielle abritant le marché des peaux brutes.

Pour l’instant, la transformation des peaux brutes en cuir se fait encore dans les tanneries traditionnelles où, comme autrefois, les hommes travaillent plongés jusqu’à mi-cuisse dans des bassins pleins de chaux, de fiente de pigeons et de colorants naturels.

« Les travaux de rénovation ont permis d’améliorer les conditions de travail, mais les salaires journaliers restent très bas, de 80 à 250 dirhams » (7 à 23 euros), sans « couverture santé », déplore Nabil Akroud, un ouvrier de 36 ans au visage fatigué qui oeuvre au sein de la tannerie Sidi Moussa, la plus ancienne de la ville.

Sur les terrasses aménagées en surplomb de la cour malodorante, les guides vantent ce « savoir-faire ancestral » aux touristes, avant de les conduire dans les boutiques de cuir.

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