Le musée Yves Saint Laurent de Marrakech, mémoire de la couleur
C’est l’ébullition dans les salles fraîches du musée Yves Saint Laurent à Marrakech: après trois ans de travaux, tout le monde s’affaire avant l’inauguration samedi de ce lieu dédié au grand couturier français inspiré par les couleurs du Maroc.
« Marrakech était un lieu d’inspiration pour Yves Saint Laurent. Paris, c’était la maison de couture historique. Ce sont ses deux facettes, le classicisme et le baroque, la ligne et l’arabesque », explique Bjorn Dahlstrom, le directeur du musée, en arpentant la salle d’exposition.
La cour circulaire qui abrite le célèbre logo YSL enchâssé sur un carré de béton brut s’ouvrira au public le 19 octobre, à deux pas du Jardin Majorelle, oasis de verdure sauvée par le créateur français et son compagnon Pierre Bergé au début des années 80.
Marrakech, « c’est le lieu de notre rencontre, de notre amour, de notre travail en commun », disait Pierre Bergé qui a consacré les dernières années de sa vie à « transformer ses souvenirs en projets ».
Les deux hommes avaient découvert la cité ocre et les cimes enneigées de l’Atlas en 1966, « à une époque où les moeurs étaient libres et la sexualité plus débridée », selon les mots de Pierre Bergé. Ils ont vécu là leurs « belles années ».
Très affaibli par une myopathie, l’homme d’affaires s’est éteint début septembre à l’âge de 86 ans.
– Mur de photographies –
« La dernière fois qu’il est venu à Marrakech, c’était au mois de mai, le bâtiment était fini, on était en phase de tester toutes les installations, les collections n’étaient pas encore là, mais il a tout vu, il avait tout suivi depuis le début », explique Madison Cox, qui préside la Fondation Pierre Bergé-Yves Saint Laurent depuis le décès du mécène, son compagnon devenu son époux en mai dernier.
« C’était une première pour Pierre Bergé de construire quelque chose à partir de rien. Il a réhabilité des lieux, des bureaux, des résidences, mais ici, c’était autre chose, il n’y avait rien, juste un terrain vague à côté du jardin Majorelle », explique le paysagiste américain.
Mises en lumière comme des bijoux dans une salle d’un noir profond, 50 créations tirées des collections Yves Saint Laurent – les premiers smokings noirs, la cape Bougainvillier inspirée par le jardin Majorelle, les vestes brodées Van Gogh, la célébrissime robe Mondrian…- déclinent différents thèmes: le masculin-féminin, l’Afrique, les voyages imaginaires ou les jardins extraordinaires.
Un mur de photographies retrace la carrière du grand couturier, depuis la lettre de recommandation adressée par le directeur du magazine Vogue en 1954 – il avait 17 ans-, jusqu’à ses adieux à la haute couture en 2002, six ans avant sa mort.
La voix de Catherine Deneuve, une de ses plus fidèles égéries qui était présente pour l’inauguration du musée parisien Yves Saint Laurent le 3 octobre, accompagne les visiteurs.
On retrouve le visage de l’actrice française dans une salle du musée de Marrakech, avec une série de portraits dans la désormais ultra-touristique médina, au début des années 90.
– ‘Lieu vivant’ –
Le musée Saint-Laurent n’a pas été conçu comme un mausolée à la mémoire d’un géant défunt. Il se veut un « lieu vivant », avec un programme riche d’expositions temporaires, un auditorium, une bibliothèque, une librairie.
Aux peintures orientalistes de Jacques Majorelle succèderont des modèles de Nourredine Amir, un jeune créateur marocain, puis des sculptures de Simone Fattal avec une mise en scène de Robert Wilson.
Le musée espère attirer 300.000 visiteurs la première année. Le jardin Majorelle, un des sites les plus fréquentés de Marrakech, en accueille environ 800.000 par an.
Le bâtiment de briques ocre rose que Pierre Bergé voulait « à la fois marocain et contemporain » avec ses lignes épurées et ses courbes élégantes, a coûté 15 millions d’euros, financés par les ventes aux enchères des oeuvres amassées par le couple.
Dans les prochains mois, la Fondation espère ouvrir au public la villa Oasis, la résidence privée du créateur et de son mentor, havre de paix où Saint Laurent dessinait les premiers croquis de ses collections.
A ses débuts, le grand couturier ne jurait que par le noir. C’est à Marrakech qu’il disait avoir « découvert la couleur », dans les rues, les habits traditionnels des femmes, les foulards, les sarouels et les djelabbas.
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