Le « sapin moche » sur Trafalgar Square, cadeau d’Oslo aux Anglais
Des paisibles collines enneigées de Norvège à une place animée de centre-ville: chaque année, la ville d’Oslo fait don d’un sapin de Noël à Londres pour remercier le Royaume-Uni de son aide pendant la Seconde Guerre mondiale, un cadeau souvent diversement apprécié.
Après l’invasion nazie en 1940, le roi Haakon avait trouvé refuge dans la capitale britannique, laquelle est gratifiée en retour, depuis 1947, d’un conifère prélevé dans la ceinture verte d’Oslo. « C’est un geste de gratitude pour l’assistance que nous avons reçue pendant la Seconde Guerre mondiale », explique à l’AFP la maire, Anne Lindboe, après avoir porté les premiers coups de scie à un vénérable épicéa fin novembre. « Mais cela a aussi pris une portée bien plus grande. Nous vivons dans une période vraiment sombre et je pense qu’aujourd’hui, l’arbre de Noël symbolise la paix, l’unité, l’amitié entre villes ». Une amitié solidement ancrée mais parfois un peu vache car le cadeau n’a pas toujours l’heur de plaire à ses destinataires.
Hirsute, famélique, anémique… Au fil des années, les sapins ont reçu tous les qualificatifs dont on peut affubler un végétal. En 2021, les internautes britanniques avaient fait feu de tout bois. « On est entré en guerre avec la Norvège? » raillait l’un, un autre fustigeait « une de ces tours 5G déguisée en arbre » tandis qu’un troisième moquait « un poulet à moitié plumé ». Au point qu’Oslo avait envisagé d’envoyer un autre sapin, plus touffu.
« Concombre »
Le conifère – qui a son propre compte sur X – perd parfois de sa superbe à cause des péripéties du voyage. Avant de trôner sur Trafalgar Square, il est balloté pendant plusieurs jours de camion en bateau puis de nouveau en camion, passant d’un froid sec nordique à un air marin salé puis au climat anglais, humide et tempéré.
Avec, immanquablement, quelques branches cassées et des épines dévitalisées. « Les arbres sont généralement impeccables là où ils poussent, mais beaucoup de choses peuvent se passer pendant le trajet », assure le sylviculteur Knut Johansson, chargé de la gestion des forêts municipales. « Une fois, on a reçu des plaintes comme quoi l’arbre ressemblait à un concombre », se souvient-il. « On dirait que critiquer, c’est un peu devenu un sport ».
Pourtant, chaque sapin envoyé traverser la mer du Nord est soigneusement sélectionné et entretenu, avec un trajet aussi court que possible. Et quelques dizaines de branches supplémentaires sont aussi du voyage pour remplumer le tronc à l’arrivée. Le conifère doit mesurer entre 19 et 21 mètres, explique M. Johansson: ni trop grand pour pouvoir être convoyé, ni trop petit pour ne pas être totalement éclipsé par la colonne de l’amiral Nelson qui trône à 52 m au-dessus de la célèbre place londonienne.
« Pas un arbre Disney »
L’ambassadrice britannique à Oslo balaie les moqueries occasionnelles de ses compatriotes. « L’idée, c’est que ce n’est pas un arbre Disney », souligne Jan Thompson. « Il ne sera pas 100% parfait, mais c’est ce qui le rend si spécial. C’est un vrai arbre qui a poussé dans une forêt norvégienne ». « Noël n’est pas vraiment Noël avant que le sapin soit illuminé sur Trafalgar Square », confie-t-elle.
La municipalité d’Oslo s’interroge toutefois sur le maintien de cette tradition en raison de son coût environnemental. La question sera remise sur la table l’an prochain. En attendant, le sapin de cette année, quasi-septuagénaire, a pris place lundi dans le centre de Londres. « Fantastique, très festif, ça apporte l’esprit de Noël », commente un couple, Becky et Gareth Wood. « Un geste adorable. Et c’est gratuit! », s’enthousiasment de leur côté Betty et Kevin Saunders, touristes venus du nord de l’Angleterre.
Mais, sur les réseaux sociaux, des esprits plus chagrins ont une nouvelle fois cassé l’ambiance. « Où est l’autre moitié?! », demande ainsi une utilisatrice de X, après avoir vu des photos de l’arbre encore groggy par le voyage.
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