Balade fluviale dans la Vallée de la Seine, de Paris à Honfleur
Inéluctablement associée à la carte postale de la capitale française, la Seine est moins connue pour la beauté sauvage de sa vallée. De Paris à Honfleur, sur près de 350 km, suivre son itinéraire permet pourtant de découvrir un fleuve fascinant.
Naviguer à travers Paris fait partie des incontournables d’une visite de la Ville lumière mais parcourir la Seine en soirée, sous trente-huit ponts, lorsque tout s’illumine, puis dormir sur l’eau à quelques brasses de la tour Eiffel… cela devient carrément magique. C’est la belle surprise qui attend les passagers de cette croisière sur le plus mythique des fleuves de l’Hexagone. Tôt le lendemain matin, le MS Seine Princess largue les amarres, direction la Normandie et la Manche. Lentement, la capitale s’éloigne. Défilent ensuite les tours de la Défense et les quartiers denses qui l’entourent. Puis voici Asnières, fréquentée au xixe siècle par les citadins qui venaient s’encanailler dans les guinguettes posées en bord de fleuve. Mais aussi par les impressionnistes qui y peignaient le mélange des mondes. Sur la rive, impossible de manquer la monumentale entrée Art nouveau du plus ancien cimetière animalier du continent. Depuis 1899, plus de 100 000 compagnons sur pattes y ont trouvé leur dernière demeure – ceux des personnalités, surtout – mais aussi, plus insolite, une gazelle, un singe, des lions ou encore le célèbre Rintintin. Comme à Paris, les péniches habitations, sagement rangées le long des quais, forment de surprenants villages flottants.
La Seine ? Non, l’Yonne
Durant toute la navigation, un conférencier emmène les passagers dans la grande et la petite histoire de ce fleuve qui naît tout à l’est du pays, sur le plateau de Langres, et parcourt 776 kilomètres jusqu’à la Manche. Saviez-vous, d’ailleurs, que sa source est propriété de la mairie de Paris ? De villes en villages, de ponts en écluses, l’itinéraire embarque le passager de surprise en surprise. Dont la moindre n’est pas cette découverte faite au cours des années 70, lorsque des scientifiques constatent que le débit de l’Yonne affluente est bien plus important que celui de la Seine. Techniquement, on navigue donc sur… l’Yonne ! Un changement toponymique qui serait bien sûr vécu comme une révolution, trop compliqué à appliquer à tous les niveaux. La Seine devrait ainsi poursuivre sa relation intime avec la capitale. Les barrages construits dès le xixe siècle sur son cours capricieux, en aval de Paris, ont permis de réguler son débit qui descendait jadis naturellement à un demi-mètre de profondeur l’été, ce qui représentait une catastrophe pour la navigation. Le barrage de Chatou, par exemple, était fort fréquenté par un certain Renoir qui passait du bon temps dans ses guinguettes où, disait-il, il trouvait les plus belles filles à peindre. On longe ici les chemins de halage où jadis, des norias d’hommes et de bêtes tractaient les péniches chargées du charbon puisé dans les mines du Nord. Cela à la vitesse de 700 mètres à l’heure pour les humains et de 3 kilomètres pour les animaux !
Le paysage change, tantôt sauvage, tantôt urbain.
La visite à ne pas manquer au sortir de Paris, c’est celle du château de Versailles et de ses jardins. Joyau du xviie siècle, l’un des monuments les plus visités de France entretient lui aussi un lien étroit avec la Seine. Déjà au temps de Louis xiv, toutes les eaux de Versailles étaient en effet captées dans le fleuve. Des machines et des rouages les faisaient remonter sur plusieurs kilomètres afin d’irriguer les jardins dessinés par Lenôtre et par Louis xiv. Il faut se rappeler qu’à l’époque, le domaine était douze fois plus vaste qu’aujourd’hui. Idem pour le château puisque des 2 700 pièces d’origine, il en subsiste à peine 700, les plus petites ayant notamment été phagocytées pour agrandir les couloirs. On ignore également souvent que, sous le règne du Roi-Soleil, Versailles était ouvert à tous : les jardins étaient accessibles 24 heures sur 24 et le peuple pouvait se promener en journée tout à loisir dans le palais afin d’y admirer la puissance royale. A l’époque, les allées et les cours étaient encombrées d’orangers, pour une simple raison : on se lavait peu mais on se parfumait beaucoup et le roi était, semble-t-il, allergique à de nombreuses fragrances, mais pas aux effluves de l’agrume.
Curieux mascaret
Les excursionnistes réembarquent à Mantes-la-Jolie, réputée pour sa collégiale aux tuiles, vernissées à la manière d’une tapisserie flamande. Direction Vernon et son insolite moulin suspendu au-dessus de la Seine. Non loin, se trouve Giverny, célèbre demeure de Claude Monet qui lui inspira la série des Nymphéas. Un rien en aval, Les Andelys et son Château-Gaillard réveillent le souvenir de Richard Coeur de Lion, duc de Normandie et roi d’Angleterre au xiie siècle. Le fleuve se fait ici sinueux, le paysage change, tantôt sauvage et escarpé, tantôt urbain. Le navire longe la ravissante Normande qu’est Amfreville, puis voici Rouen. Ville d’art et d’histoire, elle regorge de bâtiments à pans de bois (plus de deux cents), de clochers et d’édifices médiévaux. Arrêts incontournables à la cathédrale, la plus haute de France, à l’horloge astronomique ou encore place du Vieux Marché où fut brûlée Jeanne d’Arc…
A partir d’ici, la navigation se calquera sur les cycles des marées qui influencent une partie du parcours fluvial. Un pilote se joint donc à l’équipage. En passant devant Caudebec-en-Caux, qui s’étire en terrasse en bordure de Seine, le guide relate une étonnante anecdote : jusqu’au xixe siècle, les rousses étaient par superstition interdites de monter à bord des bateaux. Un peu en aval encore, on commence à ressentir les effets du mascaret, cette vague puissante qui remonte subitement le fleuve lors des grandes marées. Aussi spectaculaire que dangereux, le phénomène fut notamment fatal à Léopoldine, la fille de Victor Hugo, alors âgée de 19 ans. Le MS Seine Princess passe ensuite sous le pont de Tancarville, ouvrage suspendu dont les câbles, soutenus par des haubans, sont ancrés dans les berges. Avant de s’élargir, la Seine salue encore le Marais-Vernier, vaste zone humide ponctuée de charmantes chaumières et de vergers. Le fleuve n’en finit pas de s’élargir : plus d’un kilomètre à la hauteur du pont de Normandie ! Ce monstre de béton et d’acier, véritable défi à la pesanteur, est pourtant d’une extrême légèreté, et d’une grande sûreté, calculé pour résister à des vents de 440 km/heure ! Il est même paré contre les chocs des plus gros cargos, qui ne pourraient d’ailleurs heurter qu’un seul des pylônes… protégés par 9 mètres de béton.
L’autre Québec
En approchant de Honfleur, la Seine se fait encore un peu plus large. Atout des petits navires, le MS s’amarre directement dans le port, à quelques dizaines de mètres du Vieux Bassin, de ses maisons pittoresques et de cette étonnante église en bois dont la voûte semble inspirée directement des plans des drakkars. Pays de marins au long cours, Honfleur fut la base de départ de plusieurs expéditions vers le Nouveau Monde. Nostalgiques de leur terre, les Normands donnèrent à la Belle Province le nom d’un ruisseau qui coule sur les hauteurs de la petite cité : le Québec. Honfleur, avec sa lumière si particulière, a aussi attiré et continue de drainer une foule de peintres, écrivains ou musiciens, qui puisent leur inspiration sur les quais du Vieux Bassin. Monet, Flaubert, Boudin ou Satie y ont laissé une empreinte indélébile.
De Honfleur, c’est toute la côte fleurie et sa plus célèbre station balnéaire, Deauville, qui sont à notre portée. Cette dernière, pure création du xixe siècle, est le fruit d’une opération immobilière facilitée par les nouvelles lignes de chemin de fer. Aux premiers temps des bains de mer, les riches Parisiens venaient s’y soigner et, rapidement, artistes et vedettes leurs emboîtèrent le pas. Avant Paris, Coco Chanel ouvre ici sa première boutique… Depuis 1923, les célèbres Planches qui permettent d’arpenter la plage sans s’enfoncer dans le sable sont un peu la promenade des Anglais deauvilloise. Le must : les parcourir début septembre, lorsque le Festival du Cinéma américain enflamme la belle Normande.
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On ne quitte pas le Calvados ou le pays d’Auge sans visiter l’une de ses distilleries. Celle du château du Breuil occupe des bâtiments historiques typiquement normands et trône au milieu de 42 hectares de vergers. Sa visite guidée interactive permet de voir, toucher, sentir, écouter… et déguster. p>
L’appellation » calvados pays d’auge » qui caractérise la production de cette adresse – l’une des trois AOC du département – signifie qu’il a subi une double distillation à partir de cidre du pays d’Auge. Le calvados obtenu est ensuite mis à reposer en tonneau de bois neuf, afin qu’il capte les tanins, puis transvasé vers un fût plus ancien, rempli aux trois-quarts, et portera finalement différents noms en fonction de son âge (avec un minimum de deux ans de vieillissement). p>
www.chateau-breuil.fr p>
Spécialiste de la croisière fluviale, CroisiEurope propose cet itinéraire en formule tout inclus, y compris certaines excursions et la plupart des boissons. Le MS Seine Princess est un petit navire, à dimension humaine. Long de 110 mètres pour une largeur de 11,40 mètres, il peut héberger jusqu’à 138 passagers répartis dans 67 cabines, toutes avec vue extérieure. La cuisine soignée concourt à la réputation de la compagnie. Un menu 3 ou 4 services est proposé à chaque repas.
Croisière musicale du 23 au 28 mai, incluant une soirée à l’opéra Bastille, la visite des coulisses de l’opéra Garnier, des musiciens de renommée à bord, et les interventions signées Alain Duault, spécialiste de Radio Classique…
Tél. : 02 514 11 54. www.croisieurope.be
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