L’Espagne en a marre des touristes et le fait savoir
Des îles Baléares aux Canaries en passant par Barcelone et Málaga, les mouvements hostiles au surtourisme se multiplient en Espagne, deuxième destination mondiale, poussant les autorités à agir pour concilier le bien-être des habitants avec un secteur économique crucial.
« Les Canaries n’en peuvent plus »: sous ce mot d’ordre, un appel à manifester ce samedi 20 avril a été lancé dans les îles de cet archipel situé au large du nord-ouest de l’Afrique, prisé pour ses paysages volcaniques et son ensoleillement constant. Objectif: obtenir l’arrêt de la construction de deux complexes hôteliers à Tenerife, principale île de l’archipel, et une meilleure prise en compte des habitants et de l’environnement face à l’essor jugé incontrôlé de l’afflux de touristes dans certaines régions d’Espagne.
« Nos îles sont un trésor qui doit être défendu », assure « Canarias se agota » (« Les Canaries s’épuisent »), le collectif à l’origine de ce mouvement, dont certains membres ont entamé la semaine dernière une grève de la faim pour mettre la pression sur les autorités.
L’an dernier, les Canaries ont reçu 16 millions de visiteurs, soit sept fois plus que ses 2,2 millions d’habitants. Un chiffre extrêmement élevé au vu des « ressources » locales, a déploré, lors d’un point presse, le porte-parole du collectif, Victor Martin, en dénonçant un « développement suicidaire ».
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« Rentre chez toi »
Cette colère n’est pas isolée, plusieurs mouvements « anti-touristes », abondamment relayés sur les réseaux sociaux, ayant émergé ces dernières semaines ailleurs dans le pays. A Málaga, haut lieu du tourisme de « sol y playa » (soleil et plage) en Andalousie (sud), des autocollants aux slogans peu amènes ont fleuri sur les murs et les portes des logements touristiques (« Avant ici, c’était ma maison », « ça pue le touriste », « rentre chez toi »…).
Même chose à Barcelone ou aux Baléares, où des militants ont installé de faux panneaux à l’entrée de certaines plages faisant état, en anglais, de risques de « chute de pierres » ou de piqûres de « méduses dangereuses », afin de faire fuir les visiteurs.
Parmi les griefs mis en avant par les habitants figurent la pression immobilière, la multiplication des locations touristiques ayant contraint de nombreux habitants à fuir les centres-villes, ainsi que les nuisances sonores et environnementales.
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En Catalogne, confrontée depuis trois ans à une sécheresse historique, la pression exercée sur les réserves en eau par les hôtels de la Costa Brava suscite ainsi l’agacement, alors que les autorités ont placé la quasi-totalité de la région en état d’urgence début février.
Conscient de la « répulsion sociale » provoquée par la surfréquentation, José Luis Zoreda, vice-président de l’organisation patronale Exceltur, a assuré que le secteur « ne se délectait pas de battre des records » d’affluence et a plutôt appelé mardi, devant la presse, à « battre celui de la satisfaction des citoyens » afin que la « population [soit] bien plus bienveillante envers [leur] activité qu’elle ne l’a été jusqu’à présent ».
Les touristes, une manne financière pour l’Espagne
Dans les années 2010, déjà, des habitants s’étaient mobilisés contre le surtourisme, principalement à Barcelone. Mais après la pause due au Covid-19, l’exaspération semble avoir grimpé d’un cran, alors que l’Espagne a accueilli l’an dernier un record de 85,1 millions de visiteurs étrangers et que l’activité touristique devrait encore battre des records cette année, selon Exceltur.
Soucieuses d’éviter tout engorgement, plusieurs villes ont pris les devants, à l’image de Saint-Sébastien, au Pays basque (nord), qui a décidé fin mars de limiter à 25 personnes les groupes touristiques dans son hyper-centre après avoir interdit l’usage du haut-parleur lors des visites guidées.
Fin mars, Séville (sud) a, elle, annoncé qu’elle pourrait faire payer l’accès à sa célèbre Place d’Espagne pour les non-résidents. Barcelone a décidé de son côté de faire disparaître de Google Maps une ligne de bus très fréquentée par les touristes afin de la rendre aux habitants.
Pour les autorités, ces décisions ne sont pourtant pas simples à prendre. En Espagne, le tourisme pèse pour 12,8% du PIB et concentre 12,6% des emplois: d’innombrables familles dépendent donc de ce secteur et verraient d’un mauvais œil le pays se détourner de sa tradition d’accueil. Les conséquences du surtourisme sur l’immobilier impliquent d' »agir pour limiter le nombre d’appartements touristiques », mais le gouvernement est aussi « conscient de l’importance du secteur touristique », a ainsi assuré dimanche la ministre du Logement, Isabel Rodríguez, en défendant une approche équilibrée dans un entretien au quotidien El País.
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