Certains collectionnent les vêtements de créateurs, le vin, les livres ou l’art. D’autres ont jeté leur dévolu sur les dahlias, ces fleurs particulières qui, depuis quelque temps, s’épanouissent de plus belle. Visite d’un jardin de cueillette qui leur est dédié.
«Regardez ces coloris, cette délicatesse, cette forme stylisée», s’émerveille Riet De Vos devant un dahlia Café au lait, une variété dont le cœur est teinté de couleur café crémeuse et les extrémités pointues de rose pâle. Le diamètre de cette fleur enchanteresse peut atteindre 25 centimètres, soit la taille d’un plateau de service, d’où son autre nom anglais, Dinnerplate dahlia. Un seul exemplaire suffit pour remplir tout un vase.
Il a les faveurs de notre hôtesse du jour, c’est lui qui l’a incitée à commencer sa collection, à Kruisem. Cette fleur a beau être complètement inodore, elle ne manque pas de formes, de coloris ni de volumes. Ainsi, il existe le dahlia à fleur simple et celui à collerette, plus complexe et aux couleurs plus contrastées. Le dahlia anémone est plutôt duveteux et le nénuphar est très décoratif, alors que la variété cactus a un aspect épineux. Et puis il y a aussi le petit dahlia pompon et le dahlia balle, plus grand et parfaitement symétrique. On dénombre quarante-deux sortes dans le monde et plus de soixante mille variétés. Chaque année, de nouvelles voient le jour. Bref, les dahlias sont – à nouveau – dans le vent.
Cette fleur originaire du Mexique, de la famille du tournesol et de la pâquerette, était déjà appréciée des Aztèques. Elle servait de plante ornementale et était également utilisée en médecine et en cuisine, car ses tubercules sont comestibles, dit-on. Lorsqu’elle a été introduite en Europe au XVIIIe siècle, elle a été cultivée en tant que curiosité botanique pour l’aristocratie. Les reines Victoria et Marie-Antoinette l’adoraient. Selon la légende, pour conserver son monopole floral, la dernière reine de France aurait restreint la culture des dahlias aux jardins de Versailles.
La terre ad hoc
«Les fleurs sont le fil rouge de ma vie», s’exclame Riet, qui a grandi entre les pépinières d’azalées et les serres de bégonias de Lochristi et qui, enfant, était fan du festival de fleurs annuel du village et rêvait de devenir fleuriste. Mais la vie en a décidé autrement. «J’ai rapidement compris qu’être à la tête d’un magasin demande un trop grand investissement sur les plans technique et administratif. Très vite, le travail tourne davantage autour du commerce qu’autour des fleurs.»
L’intéressée a commencé à collectionner les dahlias en 2017. Lors d’une balade à vélo en Zélande, elle s’est retrouvée par hasard chez un horticulteur spécialisé après avoir raté le dernier bateau. Elle est rentrée dans son village de Flandre-Orientale avec une sélection de trente sortes de dahlias, dont sa variété préférée, le Café au lait. «J’ai retiré les tubercules de la terre avant le premier gel, les ai soumis à un hivernage dans la cave et les ai replantés au printemps suivant. A mon grand étonnement, mes efforts ont été payants.»
Pleine d’enthousiasme, elle est retournée chez l’horticulteur néerlandais à la fin de l’été suivant pour en acheter davantage, mais cette fois, elle a également prélevé des échantillons de terre sur place. «Je voulais savoir si le sol de mon jardin était adapté. En Zélande, la terre est nettement plus sableuse qu’ici.» Elle a fait analyser les deux types de terre par un laboratoire pour pouvoir enrichir son sol et se rapprocher le plus possible de celui des cultivateurs. «Ils ont été stupéfaits, car c’était la première fois qu’on leur faisait cette demande», sourit-elle.
Des surprises en perspective
Grâce au mélange de terre parfait, le potager de la collectionneuse est vite devenu trop petit pour son assortiment de dahlias en pleine expansion. Avec son partenaire, elle a acheté une ferme dans les environs, et une partie du terrain a immédiatement été aménagée en jardin de cueillette ouvert au public en été. Lors des ateliers qu’elle organise, les visiteurs peuvent repartir avec un bouquet de leur composition fait de fleurs fraîchement cueillies sur place. Contrairement à Marie-Antoinette ou au collectionneur classique, notre hôtesse partage réellement sa collection. «J’aime l’idée de partager ma passion de cette manière. Cela me fait plaisir que les gens repartent ravis et fiers d’avoir composé leurs bouquets.»
Actuellement, le jardin comporte environ 240 variétés de dahlias et il s’étend chaque année, parce que Riet sélectionne soigneusement des sortes particulières auprès d’horticulteurs. De plus, elle utilise ses propres semis car, depuis quelque temps, elle mène des expériences. Plutôt que se contenter de jeter les bouquets fanés, elle récolte les graines du cœur des fleurs séchées pour les semer dans une serre au printemps. En mai, elle repique les jeunes pousses dans le jardin de cueillette. «Et là, on n’a plus qu’à attendre les surprises. On ne sait jamais quelle fleur éclora de quelle semence», explique-t-elle. Elle nous montre un dahlia pompon Jowey rose pâle dont un tiers des pétales forme une tache orange vif. C’est une variété hybride exceptionnelle qui est le fruit de la pollinisation croisée assurée par les abeilles et les papillons. «De tels exemplaires sont introuvables dans le commerce», souligne-t-elle.
Avec une collection de cette ampleur, Riet De Vos pourrait cultiver ses fleurs de manière professionnelle, vendre sa production sur le marché local ou fournir des fleurs à l’occasion d’événements. Mais ce n’est pas son ambition. Son jardin doit rester avant tout un refuge. «A mon travail, en périodes de stress intense, je ressentais souvent une pression au niveau de la poitrine. Je suis même allée consulter un médecin à ce sujet parce que je redoutais un problème cardiaque. Mais dès que je replongeais mes mains dans la terre, la douleur disparaissait», raconte-t-elle. Une amie qui l’aide régulièrement dans son jardin de cueillette dit que les heures qu’elle passe au milieu de ses dahlias sont sa thérapie personnelle. «Beaucoup de gens revivent après une visite ici. Ils emmènent une chose, mais ils en laissent aussi toujours une autre derrière eux», conclut Riet en souriant.
Le jardin de cueillette de Riet De Vos à Kruisem est accessible les samedis en été. @jourdamelie
Dahlias, mode d’emploi
Vous aimeriez avoir, vous aussi, un petit parterre fleuri dans votre jardin? Vous trouverez des bulbes de dahlia chez des horticulteurs ou dans des jardineries. A planter idéalement en mai, sur une parcelle ensoleillée, dans un sol aéré et pas trop ferme.
Les dahlias fleurissent entre juillet et novembre, avec un pic en août et en septembre. Le fait de cueillir des fleurs fraîches et de retirer les fleurs fanées stimule la floraison et la prolonge.
Traditionnellement, il convient de déraciner les bulbes avant le premier gel et de les conserver dans un lieu sombre et sec pendant l’hiver, mais Riet De Vos ne procède que partiellement de la sorte; elle paille les parterres où ils peuvent passer l’hiver. Jusqu’à présent, avec succès.