Yalla ! On est allé méditer dans le Sahara
Les voyages entre filles cartonnent. Nous l’avons testé, à travers monts et vallées, pour découvrir le Sahara. 1.500 km pour le bonheur des yeux, au rythme des éléments : neige, vent, pluie, sable… et émotions à foison.
Texte: Laura Claessens
Nous sommes en cercle sur le toit de notre palais en argile où nous passerons la nuit, avec les montagnes aux teintes de rouge comme tribune et la lune comme phare rassurant. «Ancrez vos pieds fermement sur le sol, gardez vos bras le long du corps et fermez les yeux. Maintenant, ouvrez-vous au voyage que nous allons entreprendre ensemble», nous invitent Elke, Marleen et Suzanne de l’organisation néerlandaise Eiyani.
Pendant les douze prochains jours, elles nous guideront avec amour à travers le Maroc, avec l’aide de Toufik, qui connaît le pays comme sa poche et veille à ce que notre traversée se fasse en toute sécurité. Les trois femmes nous conduiront dans des lieux naturels vierges où nous pourrons méditer, respirer et nous détendre. Des sites qui invitent à grandir en conscience. Les yeux fermés, nous nous sentons immédiatement en connexion avec la terre. Il n’y a pas de doute: nous sommes sur le point de vivre une aventure extraordinaire à travers le Maroc, qui nous laissera à jamais transformées.
Première étape: Marrakech – Ouzoud 163 km
Notre périple commence dans un paysage montagneux aux cinquante nuances de terre cuite et de vert. Au programme: oliviers gigantesques, figuiers lourds de fruits, singes espiègles et cascades frémissantes. Les premières séances de méditation et de respiration nous plongent immédiatement dans un délicieux état de calme. Ce n’est que le premier jour et nous avons l’impression d’être parties depuis déjà une semaine. L’effet apaisant de cet endroit n’échappe à personne. Annabel, une autre voyageuse, s’endort comme une souche la nuit et se réveille en pleine forme. «C’est comme si j’avais dormi sur un de ces chargeurs sans fil la nuit dernière», explique-t-elle. Willeke, elle, ressent une paix profonde: «Cela faisait longtemps que je n’avais pas eu l’occasion d’en faire l’expérience.»
Seconde étape: Ouzoud – Aït Bouguemez 104 km
Lors de l’étape suivante, des sentiers de montagne sinueux et des virages en épingle ardus mettent notre équilibre à l’épreuve. Nous traversons un paysage accidenté de montagnes couleur rouille avec, au loin, de hauts sommets recouverts d’une couche de neige blanche immaculée. Une fois dans la Happy Valley, une vallée du Haut Atlas, nous nous sentons loin de tout ce que nous connaissions. Les maisons en terre sont belles dans leur simplicité, les Amazighs hospitaliers sont autosuffisants et libres. Le paysage est d’une beauté touchante, si sauvage et si magistralement mystique. Les nombreux arbres fruitiers, aujourd’hui dénudés mais qui, dans quelques semaines, se couvriront de vestes fleuries et, à l’automne, de fruits mûrs qui feront ployer les branches, appellent à la contemplation.
La nuit, un vent intense fait battre violemment les fenêtres des chambres. La tempête semble volontaire, comme si le vent venait purifier notre bâtisse, et ses habitants. C’est le moment d’un peu d’introspection: que ferons-nous à notre retour? Pourquoi ne pas aller vivre ailleurs? Les cartes sont rebattues quand on prend le temps de regarder sa vie calmement. Lorsque le vent se calme enfin dans la vallée, la pluie tombe à verse et les montagnes blanchissent.
Troisième étape: Aït Bouguemez – Vallée du Ziz 560 km
Depuis la Happy Valley, la caravane Eiyani met le cap sur le désert. Un voyage qui nous mène de la Mongolie au Texas, ou du moins c’est ce que nous ressentons. Pendant des kilomètres, nous glissons dans le blizzard. Dans le bus, nous retenons un peu notre souffle et nous fermons les yeux de temps en temps. Après dix heures de route, nous retrouvons le soleil dans un décor de western: la vallée du Ziz avec ses falaises rouges, ses gorges vertigineuses et ses palmiers dattiers qui ondulent dans le vent. Le soir venu, Marleen déclare: «C’est un bel abandon au voyage. Pas une seule fois je ne me suis demandé quand nous allions arriver.»
Toutes ces émotions pèsent lourd, et nous accueillons une séance de méditation avec bonheur. «Votre conscience ne peut pas tout traiter en même temps et stocke les infos dans votre subconscient. Il est important de prendre régulièrement le temps d’assimiler tout ce que vous vivez», souligne Elke.
Quatrième étape: Ziz – Merzouga 120 km
Ça y est, nous l’avons fait! Nous sommes arrivées au bout du monde, à quelques kilomètres de la frontière algérienne. Nous accompagnons les Touaregs et leurs jeeps à travers d’interminables dunes dorées, prenons le thé avec de vrais nomades et vivons une nuit transformatrice dans le désert. Le lendemain matin, au cours d’un cercle de parole, nous découvrons que tout comme nous, le reste du groupe est en proie à de troublantes émotions. «Vous avez fait de nombreux choix ces derniers jours. Votre conscience doit s’y habituer, précise Elke. Vous pouvez vous ressentir de l’agitation, ou un grand calme. Permettez-vous de continuer à choisir le renouveau avec abandon.»
Cinquième étape: Merzouga – Skoura 329 km
Lors de notre départ, les dunes de sable sont dans notre dos, un vent vif souffle dans nos écharpes colorées et un nuage de poussière impénétrable remplit le ciel. Au son monotone du moteur, nos pensées s’ordonnent et les émotions se font sentir. Pour notre comparse Annabel, «le voyage en bus est l’occasion de digérer ce qui s’est passé à l’endroit précédent et de s’ouvrir à l’endroit vers lequel on se dirige». Alors que nous sortons lentement du brouillard de sable, le soleil fait son apparition et nos pensées s’éclaircissent également. Notre caravane se remplit de rires, de conversations et de Whitney Houston.
En arrivant dans la vallée verdoyante de Skoura, nous découvrons l’abondance: oiseaux, eau, arbres, légumes, fruits et autres cultures. Dans un palais éclectique au milieu de cette oasis, nous profitons du calme avant de replonger dans l’agitation de Marrakech.
Notre ultime étape: Skoura – Marrakech 224 km
Pour notre dernière ligne droite, nous essayons de profiter au maximum de tout ce qui nous entoure: les écoliers qui traversent la rue en courant, cartable sur le dos, les garçons à vélo, les hommes avec des ânes chargés, les femmes aux paniers remplis d’herbes fraîchement cueillies, les maisons aux arcs ornés et aux portes colorées, les vendeurs ambulants aux oranges plus grosses que ma main. Une boule au goût doux-amer d’un adieu imminent se forme au fond de notre gorge, jusqu’à Marrakech, l’épingle qui vient percer notre bulle. Le doux cocon dans lequel nous avons pu nous épanouir pendant les 1.500 km de notre périple.
Nous sommes tellement reconnaissantes pour tout ce que nous avons pu voir, ressentir et vivre. Pour la connexion, le développement et le renouvellement. Pour la chaleur de ces femmes, qui nous ont offert ces moments de partage intense. Nous sommes reconnaissantes de nous être senties «chez nous» tout au long du voyage, à chaque endroit visité, auprès des personnes avec lesquelles nous avons partagé cette aventure, et en nous. Comme si les douze derniers jours avaient activé la nomade en nous et que le concept de «retour à la maison» n’existait plus. Au lieu d’embarquer sur le vol de retour prévu pour Charleroi, nous décidons de sauter dans une camionnette pour nous rendre sur la côte marocaine. Yalla, anywhere the wind blows.
En pratique
Nous avons voyagé avec Eiyani, une Cosmic Earth School établie à Eindhoven. Outre des formations et des événements, Eiyani organise des voyages dans des lieux puissants au Maroc. Plus d’informations sur eiyani.nl.
D’autres organismes proposent des voyages introspectifs, en français cette fois:
- Walk your mind. Des randonnées à la rencontre de soi-même dans le désert mais aussi en Corse, sur l’île de Skye… avec le psychologue bruxellois Dimitri Haikin. walkyourmind.com
- Nomad Soul Rebels. L’instagrammeuse @greet.ontherocks, qui habite en Corse, propose des retraites autour du yoga.
À proximité
- Ouzoud. Un sentier permet de descendre jusqu’au pied de ses célèbres cascades, hautes de 110 mètres.
- Le massif de Djebel M’goun. Avec ses sommets flirtant avec les 4.000 mètres, c’est le paradis des randonneurs.
- Avant d’atteindre Merzouga, vous traversez la région d’Erfoud connue pour ses fossiles, notamment les ammonites.
- Près de Skoura, sur la Route des 1000 Kasbahs, se trouve Kella M’Gnoua ou la Vallée des Roses. Au printemps, toute la vallée est recouverte de ces fleurs au parfum éclatant qui sont cueillies et distillées en une précieuse huile de rose.
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