Rencontre avec Guy Savoy, élu Meilleur chef au monde pour la 6e fois
« Je suis sans concession », lance Guy Savoy, élu pour la sixième fois meilleur chef au monde par le classement La Liste, qu’il s’agisse du goût, de la promotion de l’art de vivre à la française ou de la gestion de ses équipes.
Indétrônable dans cet agrégateur qui établit son palmarès à partir des critiques de la presse internationale et des guides gastronomiques, certains expliquent ce succès par le côté « consensuel » de sa cuisine.
« Plaire à tout le monde? Ce n’est pas le but. Je suis sans concession, je veux être unique », déclare à l’AFP le chef triplement étoilé de 69 ans dans son restaurant à la Monnaie de Paris sur les quais de Seine.
Mais « la gourmandise, c’est primaire pour moi. Je n’ai pas envie d’intellectualiser. Je me régale ou je ne me régale pas ».
Un jus tiède de champignons et de cresson précède le champagne, et l’apéritif commence par un chou de Bruxelles, l’un des aliments les plus mal-aimés, en tempura.
L’épinard d’un vert éclatant, « légume préféré » de Guy Savoy, « juste tombé, cuit en quelques secondes » ponctue le repas dans des plats de langues d’oursins au caviar, homard aux carottes ou wellington végétal à la truffe.
« Le chou de Bruxelles, je ne l’aime que ratatiné et les épinards couleur treillis, je ne les mange pas », dit Guy Savoy qui ose proposer des produits qui, mal préparés, auraient pu entraîner des expériences traumatisantes.
Défendre le vin
Cassant « toutes les règles académiques », il accompagne cet automne le lièvre à la royale d’un sauternes, vin liquoreux qui souffre d’une image ringarde.
Il dit « ne pas adhérer » à la mode des accords mets-boissons sans alcool, venue des pays anglo-saxons et scandinaves et qui s’installe en France.
« On exporte pour 14 milliards d’euros de vins et spiritueux. C’est directement lié au tourisme. Les gens qui ont bu et mangé des produits français chez nous, ont envie de reboire ce qui leur a procuré des sensations ».
« Les Airbus, c’est fabriqué partout. Les vins, ce sont des paysages, des emplois qui ne seront jamais délocalisés, des savoir-faire uniques », abonde-t-il.
Il reconnaît avoir appris chez les Anglo-Saxons que le décor était important et qu’il fallait des « lieux rock and roll » pour réussir tandis que les Français « pensaient que l’accueil et la cuisine suffisaient ».
Mais « l’ADN de la cuisine française, c’est le mariage idéal entre la cuisine et le vin et on est une vitrine de l’art de vivre à la française ».
« Dès 08H30 »
Ayant connu sa meilleure année en 2019, le restaurant reprend des couleurs après la crise sanitaire, mal vécue par le chef à cause des décisions « imposées » à la profession.
Il vient de publier un livre, « Le geste et la manière, vive la cuisine française » sur cette période pour « évacuer les relents » des confinements.
Le restaurant « est plein midi et soir », les Asiatiques sont revenus – Coréens, mais aussi des Thaïlandais, Malaisiens et Indonésiens ainsi qu’Américains et Canadiens.
Si le milieu a du mal à recruter, avec des restaurants fermant à midi ou réduisant les jours d’ouverture, Guy Savoy n’est pas dans cette configuration. Après la réouverture post-Covid, « tout le monde était là, du dernier stagiaire aux plus anciens. Il y a des gens qui ont 30 ans de maison ».
« Je les paie et je les aime. Si vous ne faites que les aimer, ils auront l’impression que vous les prenez pour des idiots. Si vous ne faites que les payez- d’un montant sur une fiche de paie. Je suis au milieu d’eux dès 8H30 ».
Il refuse de se sentir de nouveau en crise alors qu' »on entend des chiffres absolument loufoques sur l’augmentation de l’énergie ».
« Je ne peux pas me réveiller le matin et me disant quelle va être ma facture d’électricité. Je suis habitué aux aléas, le poisson prend 50% de hausse s’il y a une tempête ».