Dans les cuisines de Thierry Marx, des réfugiés ukrainiens se mitonnent un nouvel avenir

Thierry Marx invite des réfugiés ukrainiens dans ses cuisines - Getty Images
Thierry Marx invite des réfugiés ukrainiens dans ses cuisines - Getty Images

Un peu de finesse dans un pays en guerre : douze Ukrainiens de Marioupol, ville dévastée par les bombes, s’apprêtent à retourner au pays avec, dans leurs valises, des munitions gastronomiques acquises en formation chez le chef étoilé Thierry Marx, à Toulouse, dans le sud-ouest de la France.

« La cuisine, c’est le seul moyen sérieux d’allumer le lien de confiance, ce pouvoir du lien social il est important, encore plus dans un pays en guerre », dit Thierry Marx, dans la cuisine d’un des dix instituts de formation baptisés « Cuisine, mode d’emploi » qu’il a créés en France « pour les accidentés de la vie ».

Sous les ordres de la cheffe formatrice Claude Resimont, Vitalli Aheiiev s’affaire à la préparation du cocktail clôturant deux mois de formation.

A 24 ans, dont six dans l’armée et deux de guerre, c’est le trublion de la « brigade Marik », le surnom de la cité portuaire de Marioupol, dans le sud-est de l’Ukraine. Bras tatoués, large sourire sous sa toque blanche, il charrie les autres stagiaires tout en restant concentré sur son tataki de boeuf.

« Ca m’a fait du bien ces deux mois à Toulouse, c’était presque comme des vacances, même si on a travaillé. On a découvert une autre culture. La cuisine française, il y a des associations d’ingrédients, c’est étrange, et puis à la fin, c’est très bon », lâche l’ancien militaire.

Recettes classiques

Après dix mois de captivité en Russie et de graves blessures – une balle dans le ventre et une autre dans une jambe – il vient d’être démobilisé et compte ainsi se reconvertir.

Autre membre de la brigade, Yuliya Kurnalyeyeva, 38 ans, travaille dans un restaurant d’Ivano-Frankivsk, dans l’ouest de l’Ukraine, depuis qu’elle a été chassée du port de Marioupol par les bombes russes.

Outre les recettes classiques, elle s’est découvert une passion pour les éclairs et les croissants. « La cuisine, c’est important, ça apporte de la joie ».

A l’heure d’évoquer l’avenir de l’Ukraine, son regard se trouble. Puis cette mère de deux enfants lance: « Je rêve que la guerre s’arrête et d’ouvrir un restaurant, dans un pays en paix ».

De retour à Dnipro, ville de l’est du pays où ils sont réfugiés, la plupart des stagiaires pourront mettre en pratique les recettes apprises à Toulouse dans la « Cantine de Marioupol », créée dans une cité universitaire rénovée et transformée en logements pour 1.400 déplacés de la ville.

« Cuisiner, reconstruire »

« On voulait créer quelque chose d’utile et de réconfortant. Pour rester en Ukraine, il faut de la sécurité, mais aussi un logement et un emploi », observe Edward Mayor, le président de l’ONG Stand with Ukraine, à l’origine de la création du restaurant et de cette formation à Toulouse.

« La cuisine, poursuit-il, c’est un moyen de reconstruire après un traumatisme ».

Dans « la Cantine de Marioupol » de Dnipro, lieu de restauration et de rassemblement, les stagiaires formés à Toulouse pourront cuisiner pour la communauté « et former d’autres Ukrainiens », se réjouit Thierry Marx qui ira y donner une masterclass.

Blanquette de veau, bœuf bourguignon, magret de canard, Paris-Brest, opéra ou macarons à la violette, les Ukrainiens ont passé en revue tous les classiques de la gastronomie française.

« Des recettes qui amènent à travailler les bases. L’idée, c’est de leur apprendre les 80 gestes techniques de la cuisine française », précise Claude Resimont, formatrice chez « Cuisine Mode d’emploi ».

Maintenant, assure-t-elle, « ils sont aptes à faire tourner la cantine de Marioupol. J’ai été impressionnée par leur motivation, leur assiduité, malgré tout ce qu’ils ont vécu. Ils ont la niaque. Ils vont me manquer ».

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