Dierendonck, les bouchers de sang bleu
L’ouvrage « Boucher Dierendonck » retrace l’histoire de la célèbre famille de bouchers de Saint-Idesbald. Quartiers de noblesse et exercice du métier à l’ancienne, ce très beau livre se lit comme une défense et illustration de la viande de qualité. Rencontre avec René Sépul, co-auteurs du projet et éditeur de la version francophone.
Comment s’est déroulée la rencontre avec Hendrik Dierendonck ? Et comment est né ce projet ?
René Sépul : J’ai rencontré Hendrik il y a 3 ans, lors d’un festival Omnivore. Il y avait fait une démonstration époustouflante. Un truc vraiment rough, pas intellectualisé pour un sous, mais ça avait bluffé tout le monde.
J’étais moi-même fasciné par le bonhomme. On a un peu discuté. Par la suite, j’ai fait appel à lui chaque fois que je devais écrire un papier qui concernait la viande. C’est une mine d’informations. Le contact est très bien passé entre lui et moi, au point qu’il me dise : « le jour où je fais un bouquin, ce sera avec toi ». C’est arrivé. Un jour, il m’a appelé pour me dire qu’il avait un projet avec la maison d’édition néerlandophone Kannibaal fondée par Jan Maes, Stephan Vanfleteren et Karl Vannieuwkerke. Il m’a quasiment imposé pour assurer une grande partie des textes ainsi que la partie reportage du livre. J’ai oeuvré en tant qu’auteur pour Cannibale et j’ai racheté les droits du livre en français pour ma maison d’éditions SH-OP. C’est assez rare une collaboration néerlandophone-francophone qui ne soit pas institutionnelle.
La viande connaît des moments difficiles. Elle est attaquée de toute part, qu’il s’agisse de santé ou d’écologie…
Personnellement, je ne suis pas un grand mangeur de viande. Je préfère en manger peu, une fois par mois, mais qu’elle soit de qualité irréprochable. Le Blanc bleu belge ne me satisfait pas. Hendrik a également cette philosophie-là, il pense que dans l’avenir, les gens achèteront un morceau de viande comme ils achètent un grand cru aujourd’hui. Cela dit, il ne faudrait pas croire pour autant que Dierendonck est un boucher impayable. On lui a fait cette réputation en raison des viandes maturées. Il ne vend pas que cela, il propose aussi des bas morceaux de grande qualité qui sont tout-à-fait accessibles. Tant le père, Raymond, que le fils, Hendrick, les Direndonck ont une mentalité de paysans, ils ont les pieds sur terre et ne sont pas du genre à vendre n’importe quoi à n’importe quel prix.
Beaucoup de boucheries disparaissent aujourd’hui… comment les Dierendonck tiennent-ils le coup ?
Cela tient à plusieurs raisons. D’abord, parce que c’est une histoire qui remonte au père. Raymond Dierendonck est un bosseur qui a une haute idée du métier de boucher. Dans les années 70, les bouchers de la Côte ne travaillaient que l’été. Pas lui. Il était éleveur en hiver et boucher pendant les beaux jours. Cela lui a donné une connaissance pointue du métier. Hendrick qui a repris le flambeau est également un bosseur mais en plus un excellent communicateur. Il a su profiter de la food mania ambiante en allant à la rencontre des chefs et en discutant avec eux. Il est hyperactif, il se lève tous les jours à 5h du matin. Autre élément, il a su prendre le train des viandes venues de l’étranger. Jusqu’en 2000, les viandes ne voyageaient quasi pas. Hendrick s’est intéressé aux différentes provenances, cela lui a permis d’étoffer son offre et de la crédibiliser. Enfin, il a su se recentrer sur son métier de base, par exemple en limitant l’offre traiteur… Beaucoup de bouchers ont fait l’inverse, quitte à perdre leur âme.
Certaines images du livre sont assez dures, on reconnaît la signature de Stephan Vanfleteren…
Oui, elles peuvent être choquantes pour certains mais c’est un parti-pris radical assumé. Vanfleteren a opté pour des natures mortes dignes de la tradition des grands maîtres flamands de la peinture. Il y a une volonté de ne pas occulter le sujet, de ne pas édulcorer la réalité.
Quel est votre meilleur souvenir lié à la réalisation de cet ouvrage ?
C’est un projet qui me correspond car il découle d’une rencontre, c’est cela que je cherche à mettre en avant, l’humain. Avec Hendrick, son bras droit, le photographe et moi, on est parti à la rencontre des producteurs avec lesquels la boucherie travaille. On a pris son mobile-home pour faire le trajet jusque dans les Pyrénées. Une fin de journée, dans les premiers contreforts, on a campé et mangé de l’agneau cuit au feu de bois. Un moment inoubliable avec les étoiles au-dessus de notre tête et, au loin, les lumières des maisons dans la vallée. En revanche, quand on est allé se coucher, le vent s’est levé. Je n’ai pas réussi à dormir, j’étais sûr que l’on allait finir en bas du ravin. Je n’ai rien osé dire à mes compagnons de route… jusqu’à ce que je comprenne qu’en fait personne n’avait fermé l’oeil de la nuit.
Propos recueillis par Michel Verlinden
Boucher Dierendonck, SH-OP Editions, 225 pages, 35 euros. p>
Disponible en librairie. www.sh-opeditions.com p>
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