Nos favoris de l’été: l’épopée du cornet de glace
On en fantasme des quantités entières quand l’été est brûlant (les autres années, donc). Avec une, deux ou trois boules, selon le degré de chaleur ou de gourmandise. Mais qui a donc eu l’étrange idée de façonner un cône pour y mettre de la glace ?
Pour commencer, une petite légende urbaine. Nous sommes en 1904, à l’Exposition universelle de Saint-Louis, aux Etats-Unis, lorsque le stand d’un glacier est victime de son succès et se retrouve soudainement à cours de récipient pour servir ses délices rafraîchissants.
A côté, le pâtissier syrien Ernest Hamwi se montre solidaire, proposant au glacier de verser ses préparations dans des gaufrettes roulées et transformées en cônes. Eurêka, comme dirait l’autre. Ainsi jaillit le mythe du » cornet de glace » et de son aura fraternaliste bien emballée, qui finira par être racontée de plage en plage, de génération en génération, et d’été en été… avant que le fameux Ernest Hamwi n’admette avoir complètement inventé ce truculent récit afin de faire sa publicité dans une revue culinaire américaine. Caramba, comme dirait quelqu’un d’autre.
Des pères à la pelle
La vraie histoire ? Selon toute vraisemblance, elle est plutôt écrite en 1896 du côté de New York, où un émigré italien baptisé Italo Marchioni invente la première machine à fabriquer des moules en pâte dans son usine du New Jersey et obtient un brevet en 1903.
Certes, avant lui, le cône gaufré est déjà évoqué par quelques spécialistes en desserts dans l’un ou l’autre ouvrage. Mais Italo Marchioni est le premier à y croire vraiment, convaincu par le potentiel de cette merveilleuse petite pyramide dans laquelle peuvent cohabiter la glace en elle-même, mais aussi les fruits, les amandes, la crème Chantilly ou les pépites de noisette.
Une fois encore, la vérité a pourtant du mal à triompher, puisque une dizaine d’années plus tard, Italo Marchioni est accusé de contrefaçon par son propre cousin, dont il fut jadis le partenaire et qui avait justement déposé un brevet très similaire… quelques mois avant l’autre. Il y a des hasards que la justice a du mal à avaler, et les jurés ne feront qu’une bouchée de ce sacripant d’Italo.
Bien essayé quand même. Surtout qu’à l’époque, la crème glacée est en train de devenir une friandise adulée : les marchands ambulants, partis d’Italie, ont déjà séduit l’Europe et s’apprêtent à faire fondre l’Amérique. Comme par magie, de nombreux glaciers se mettent alors à revendiquer la paternité du cornet…
De la main à la machine
Arrive donc ce qui doit arriver : la demande devient tellement importante que la production artisanale ne suit plus la cadence. Le cône gaufré n’a pas le choix : il doit être produit de façon industrielle s’il veut continuer à faire grossir… sa notoriété. Dès les années 20, les fabricants inventent donc des machines afin de faciliter sa fabrication et son stockage. On parvient même à imaginer l’aliment suprême : le cornet et la glace qui tiennent ensemble pour être vendus en une seule pièce.
Oui, comme le fameux Cornetto qui sera officiellement lancé en l’an de grâce 1960, après qu’un fabricant de Naples ait réussi à faire en sorte que le cornet soit isolé de la crème glacée grâce à la pulvérisation d’une fine couche d’huile, de sucre et de chocolat, histoire que le cône ne se ramollisse pas. Bingo, comme l’a (sûrement) dit quelqu’un.
Le Cornetto déboule sur le marché par l’intermédiaire de l’entreprise Spica qui, bientôt, deviendra une multinationale nommée Unilever (et s’emparera aussi du Magnum ou du Calippo, pour ne citer qu’eux). L’Italie, encore elle, se chargera d’écrire la suite de l’histoire. On est en pleine » dolce vita » lorsque les Transalpins profitent de petits plaisirs simples après une période économique morose.
L’imagerie de ce peuple revigoré sera alors utilisée pour une campagne publicitaire qui fera la renommée du Cornetto partout sur le globe. On y voit des lieux emblématiques du pays baigné de soleil, des gens qui abandonnent brusquement leurs tâches quotidiennes pour s’offrir une glace, le tout sur fond de l’entêtante chanson O Sole Mio. En quelques mois à peine, pour toujours et à jamais, le cône se transforme ainsi en… icône.
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