La Slovénie, étoile montante de la gastronomie mondiale
Propulsée sous les feux de la rampe par une cheffe iconoclaste, la cuisine slovène s’est fait en quelques années une place dans la gastronomie mondiale en mêlant approche locavore et avant-gardisme.
« Comme un peintre voit les couleurs, je dis parfois qu’un cuisinier doit visualiser les saveurs et j’ai toujours aimé les combinaisons qui explosent en bouche », explique avec volubilité la star étoilée Ana Ros, 50 ans.
Autodidacte, elle a transformé en 20 ans une modeste auberge familiale perdue dans la luxuriante vallée de la Soca, à la frontière de l’Italie, en un point de passage obligé pour gourmets globe-trotteurs. Pourtant rien ne la prédestinait à la cuisine.
Après avoir intégré dans sa jeunesse l’équipe nationale de ski de Yougoslavie, dont faisait partie la Slovénie avant l’indépendance en 1991, cette polyglotte se préparait à une carrière de diplomate.
Mais « son coeur » en décida autrement. Son mari de l’époque, le sommelier Valter Kramer, reprend en 2002 les affaires de ses parents et Ana Ros se retrouve du jour au lendemain derrière les fourneaux.
« Je suis partie de rien, je cuisinais pour survivre », raconte-t-elle. Et puis, peu à peu, elle s’est prise au jeu en surprenant les clients par ses choix téméraires. « Mes mets reflètent mon caractère teinté d’un grain de folie et d’un reste d’enfance », décrit-elle.
Etoiles tatouées
Ses assiettes « frappent les esprits », comme elle dit en rappelant l’une de ses premières recettes à succès, un bar dans sa mousse de citron-basilic accompagné de pâtes au café.
Des années de tâtonnements, de travail acharné, de décryptages de recettes et de rencontres, et puis la reconnaissance, consacrée par un passage en 2016 dans la série culinaire de Netflix « Chef’s table ».
Néo-Zélandais, Japonais, Américains… les touristes ont commencé à affluer et les récompenses aussi.
L’influent classement « 50 Best » l’élit peu après « meilleure cheffe au monde ». Son restaurant figure au 32e rang de l’édition 2023 tout juste publiée.
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Elle décroche surtout en 2021 les deux premières étoiles Michelin de son petit pays. Et même si la fortune tourne, elle les aura toujours inscrites à l’encre indélébile sur ses doigts, qui arborent de discrets tatouages du symbole rouge.
Un honneur encore réservé à très peu de femmes. Au sein de l’élite culinaire, « nous sommes comme un animal exotique, même si le tableau change avec les jeunes générations », souffle-t-elle.
Dans sa bâtisse en crépit rose sous les glycines, « Hisa Franko », Ana Ros chapeaute une équipe d’une quarantaine d’employés de quelque 20 nationalités, qui concoctent un menu à 255 euros.
Elle étendra bientôt son empire avec l’ouverture d’un bistrot plus abordable dans la capitale Ljubljana, où elle tient déjà une pâtisserie.
Creuset latin, slave et germanique
Dans son sillage se sont engouffrées des dizaines d’adresses visionnaires remettant au goût du jour un savoir-faire ancien. Le guide Michelin en conseille 58.
Ce succès, la nation de deux millions d’habitants le doit en grande partie à sa localisation, entre montagnes, lacs, forêts et mer Adriatique offrant une incroyable diversité alimentaire. Creuset d’influences latines, slaves et germaniques, la Slovénie se traverse en trois heures de voiture.
Associés à une approche avant-gardiste suivant le rythme des saisons, les truites, les baies et les champignons locaux sont ici servis dans des compositions créatives.
« Les gens ont toujours fait leur marché dans la nature environnante », relève Lior Kochavy, qui a cofondé un festival de cuisine en plein air dans les rues de Ljubljana.
Une tradition du « kilomètre zéro », du champ à la table, qui n’est pas très difficile à respecter: « Il suffit de sortir sur la terrasse et le menu s’écrit de lui-même », assure un autre chef reconnu, Tomaz Kavcic.
La demeure où il installe ses hôtes offre une vue plongeante sur les vignobles et les fermes qui produisent la viande, les fruits, les légumes, le fromage et les herbes endémiques fournissant l’établissement, nommé « Gostilna pri Lojzetu ».
« On évolue avec les fermiers et agriculteurs des environs, on apprend à leurs côtés – c’est comme une grande famille », confirme Ana Ros.
Revers de la médaille, avec cette montée en gamme, les prix flambent sur cette terre jadis communiste, désormais moins accessible aux routards.
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