Le miel du Yémen, victime de la guerre et du climat
Dans la famille de Mohammed Saif, les hommes sont apiculteurs de père en fils et produisent le miel emblématique du Yémen. Mais « le métier est en voie de disparition » à cause de la guerre qui ravage son pays et aussi du changement climatique, regrette-t-il
Le pays le plus pauvre de la péninsule arabique, connu notamment pour son miel prisé, est depuis huit ans en proie à un conflit dévastateur opposant le gouvernement, appuyé par une coalition dirigée par l’Arabie saoudite voisine, aux rebelles Houthis soutenus par l’Iran.
Une trêve en vigueur depuis le 2 avril donne un peu de répit à la population, confrontée à l’un des pires désastres humanitaires au monde. Mais la guerre a saccagé des infrastructures fragiles et ravagé de nombreux secteurs de l’économie, notamment l’apiculture, qui fait pourtant la fierté du pays.
Dans la vallée au pied de Taëz, ville du sud-ouest du pays entourée de montagnes et particulièrement affectée par le conflit, Mohammed Saif inspecte ses ruches. Il en comptait 300 avant la guerre. Elles ne sont plus que 80 aujourd’hui.
D' »étranges » phénomènes affectent les abeilles, fait-il remarquer. « Est-ce le changement climatique ou les effets de la guerre? Nous ne le savons pas », s’interroge-t-il.
« Immenses pertes »
La production de miel fait vivre près de 100.000 familles yéménites et joue un « rôle vital dans l’économie », selon l’ONU. Le fameux nectar jaunâtre se vend parfois, sous ses différentes variétés, à prix fort, notamment dans les riches pays du Golfe voisins.
Mais le secteur a essuyé « d’immenses pertes depuis le début du conflit », constate le Comité internationale de la Croix-Rouge (CICR).
Les violences, les effets de la contamination par les armes et l’impact croissant du changement climatique « menacent de faire disparaître une pratique vieille de 3.000 ans », souligne l’organisation, dans un rapport publié en juin.
L’un des produits phares du Yémen est le miel de jujubier, appelé « Sidr Malaki » en arabe, auquel les spécialistes attribuent des vertus thérapeutiques.
« La guerre a eu un impact très important sur nous », soupire Mohammed Saif en racontant les combats qui ont touché les zones de production. « Les combattants ont frappé de nombreuses zones où se trouvaient les abeilles. Dans notre village, l’année dernière, un apiculteur a perdu toute sa colonie dans un tir de missile », affirme-t-il.
Outre les violences, le conflit a limité la possibilité pour les apiculteurs de circuler d’une région à une autre, alors qu’ils avaient l’habitude de se déplacer au gré des saisons et des floraisons, explique à l’AFP le porte-parole du CICR, Bachir Omar.
« Ecosystème perturbé »
Autre défi et non des moindres: la hausse des températures enregistrée ces dernières années, combinées à de graves atteintes à l’environnement, « perturbent l’écosystème des abeilles et nuit de ce fait au processus de pollinisation », affirme le CICR, en soulignant la baisse des précipitations et la désertification qui avance dans le pays.
« Le Yémen, à l’instar de nombreux pays touchés par un conflit, subit de manière disproportionnée les effets du changement climatique », ajoute le CICR qui prévoit d’aider quelque 400 apiculteurs yéménites avec des formations et un soutien financier.
Dans son magasin à Taëz, Nabil Al-Hakimi a vu les clients se raréfier. « Avant la guerre nous pouvions vivre de la vente de miel (…) mais le produit est devenu rare et les clients ne peuvent plus se l’offrir », en raison de la crise économique, déplore-t-il.
« Naguère, je vendais 15, 20, parfois 25 pots de cinq litres chaque mois », se souvient-il tristement: « Aujourd’hui je n’arrive même pas à en vendre un seul ».
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