Notre vin coup de coeur de la semaine: sursaut bordelais avec Ormalie

Vin semaine
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Michel Verlinden
Michel Verlinden Journaliste

Notre expert ès flacons s’offre une dégustation qui reflète une tendance. Cette semaine: Ormiale, ou la preuve irréfutable que le Bordeaux n’a pas dit son dernier mot. Témoin attentif des premières secousses du vin naturel en Belgique, Michel Verlinden s’intéresse à tout ce qui se boit, du verjus au vermouth. Il déguste parfois à l’aveugle mais toujours sans œillères.

Bordeaux n’en finit pas de douter et de faire douter. Entre les caves pleines, les vignerons au bord de la crise de nerf et les héritiers hors sol, la région viticole la plus célèbre de France traverse une crise profonde. Une récente tribune acide de Jancis Robinson dans le FT Weekend Magazine, reprise à travers le monde, a ajouté à la défiance: trop lourds, trop rigides, trop poussiéreux, les vins bordelais ne seraient plus en phase avec l’époque.
Et pourtant.

‘Une trame tendue, des arômes floraux et des fruits rouges acidulés.’

Derrière ce «Bordeaux bashing», des voix singulières s’élèvent. Comme celle de Fabrice Domercq, plasticien français installé à Bruxelles. Rien ne le destinait à la vigne, sinon une maison achetée par sa mère en 2007. Avec son ami, le designer britannique Jasper Morrison, il a créé dans la foulée Ormiale. Depuis, 7.000 bouteilles par an, exportées dans vingt-deux pays, vinifiées sans soufre ajouté, hors des carcans de l’AOC. Domercq n’a pas prêté allégeance à Bordeaux, il s’en amuse: «Je ne suis pas lié à un terroir, ce qui m’intéresse, ce sont les jus, les liquides», me confie-t-il.

En 2013, après une année pluvieuse et un quasi burn-out, il abandonne ses propres vignes pour ne travailler qu’avec du raisin acheté, en biodynamie. Son chai? Une ancienne carrière calcaire, fraîche et sombre, où les fermentations se font lentement, dans des dames-jeannes de 54 litres. Résultat: un bordeaux à contre-courant.

Dans le verre, Ormiale 2021 séduit par sa vivacité. Rouge clair issu d’un assemblage de cabernet franc et de merlot. Il se distingue par une trame tendue, des arômes floraux et des fruits rouges acidulés. Je m’incline. Ni opulence, ni bois marqué: la fraîcheur domine, portée par une énergie soyeuse.

Bordeaux est-il condamné à l’uniformité? Fabrice Domercq prouve ici le contraire. Avec Ormiale, il redonne à la région un souffle inattendu en signant un vin d’auteur, fragile et vivant, capable de réconcilier les plus sceptiques, comme moi, avec l’étiquette bordelaise.

Ormiale 2021, Vin de France (Bordeaux), Fabrice Domercq & Jasper Morrison, 43,80 euros. Disponible chez Cave Coop, à Bruxelles.

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