Notre expert ès flacons s’offre une dégustation qui reflète une tendance. Cette semaine: un rosé nommé Petra qui épouse la saison comme aucun autre.
À la fin de l’été, les rosés ne se cachent plus pour mourir. Du moins pas ceux qui, au lieu de chercher la légèreté à tout prix, revendiquent terroir et garde: les rosés d’automne.
À Saint-Rémy-de-Provence, les Alpilles dominent le paysage de la tête et des épaules. C’est là, en vacances, que j’ai découvert Petra 2023, dans le chai de Dominique Hauvette. Parisienne d’origine, l’intéressée a quitté la capitale dans les années 1980, lassée de la vie urbaine.
Installée à Saint-Rémy, elle a commencé par élever des chèvres avant de se consacrer à la vigne et devenir une pointure − La Revue us Vin de France l’a d’ailleurs élue «meilleure vigneronne de l’année» en 2020. Longs cheveux argentés et regard déterminé, cette viticultrice est une personnalité aussi complexe que difficile à approcher. Sans doute est-ce le prix à payer pour son talent de visionnaire, elle qui est une pionnière de la biodynamie, du travail des chevaux dans la vigne et du refus de la facilité − elle dit non à l’uniformisation et laisse parler les cépages locaux.
‘Un flacon ciselé, réconciliant structure, tanins soyeux et fraîcheur dans une même gorgée.’
Cet été-là, les bouteilles de Petra se sont succédé sans jamais lasser. Signe distinctif? Une bouteille vert foncé, opaque, qui raconte la volonté du domaine de mettre le rosé au même niveau que les autres vins − et aussi une attention à l’écologie, puisque ce type de contenant se recycle plus facilement que son équivalent transparent.
Petra est diamétralement opposé aux vins d’été calibrés pour les piscines. On parle ici d’un flacon ciselé, moins lourd que le rouge mais plus intense que le blanc, aux allures d’équation impossible réconciliant structure, tanins soyeux et fraîcheur dans une même gorgée. Au nez, des fragrances de maquis et d’épices. En bouche, une matière ample portée par une tension saline et des touches de gelée de coing. Issu d’un assemblage de cinsault (70%), complété de grenache et de syrah, Petra est vendangé à la main, pressuré directement et fermenté par les seules levures indigènes. L’élevage d’un an se fait dans des cuves ovoïdes en béton brut, régulièrement arrosées d’eau venue du puits. Trop souvent, le rosé est écarté du cercle des grands vins. Petra dément ce cliché. Un rosé d’automne? Oui… mais surtout un vin intemporel.

Petra, IGP Alpilles, Domaine Hauvette, 2023, 35,60 euros. walter-wine.com