Parlez-vous caviste? Voici le lexique à maîtriser pour bien choisir un vin

Parlez-vous caviste? Lexique des mots indispensables pour bien choisir un vin

Petit lexique pour bien choisir votre vin chez le caviste - Unsplash (Andrej Lisakov)
Petit lexique pour bien choisir votre vin chez le caviste - Unsplash (Andrej Lisakov)
Michel Verlinden
Michel Verlinden Journaliste

Avec les fêtes dans le collimateur, le vin rallume nombre de débats familiaux traversés par les fausses certitudes et la mauvaise foi des parties en présence. Pour éviter que la discussion ne vire au dialogue de sourds, il faut déjà parler la même langue. Chez le caviste comme autour de la table, les mots pour le boire – « droit », « oxydatif », « minéral » ou « glou-glou » – n’ont d’utilité que si chacun les comprend. Guerric Silverberg, figure bruxelloise du vin naturel, éclaire ce vocabulaire devenu indispensable pour s’entendre – et choisir sereinement les bonnes bouteilles.

La montée des vins naturels n’a pas seulement modifié ce que l’on boit: elle a bouleversé la manière dont on en parle. En quelques années, un vocabulaire hybride s’est imposé, mêlant science œnologique, impressions personnelles et visions du monde. « Le langage du vin a été inventé par des hommes pour des hommes », rappelle Guerric Silverberg, caviste bruxellois devenu abstème et enseignant à l’ARBA, qui voit dans ces mots une grammaire chargée de pouvoir, d’habitudes culturelles et d’arbitrages idéologiques. Entre les vins dits droits du modèle conventionnel et les vins « libérés » propre à la mouvance naturelle, les termes que l’on utilise relèvent souvent davantage de la prise de position que de la description.

Dans ce contexte, il n’existe pas de manière neutre de parler du vin. Dire qu’un vin est « droit » signifie rarement qu’il est seulement « sans défaut » : c’est affirmer une fidélité à une vinification orthodoxe, héritée du modèle conventionnel. Inversement, qualifier un vin de « libre » s’inscrit d’emblée dans la philosophie du nature, qui valorise le vivant, l’imprévu et les expressions spontanées des fermentations. Les termes « minéral », « oxydatif », « volatile » ou « réduction » fonctionnent de la même manière : ils ne décrivent pas seulement un goût ou un état du vin, ils révèlent une position, un imaginaire et une idée de ce que le vin devrait être. Car le goût n’est jamais scientifique : il se nourrit de culture, d’éducation, de souvenirs et de préférences, ce qui rend illusoire toute prétention à l’objectivité. Autrement dit, chaque mot engage une vision du monde plus qu’il ne prétend exprimer une neutralité impossible.

D’où l’importance de disposer d’un vocabulaire partagé. Si chaque mot charrie une vision du vin, il devient essentiel de comprendre ce qu’il dit réellement pour éviter les contresens, les tensions inutiles ou les faux débats. Un lexique commun ne sert pas à figer les goûts mais à créer un terrain d’entente.

Voici donc un répertoire resserré de ces termes, souvent au cœur des débats, conçu pour ramener un peu de concorde et d’ouverture dans les discussions.

Petit précis de langage à l’usage des amateurs de vin

Acétate (d’éthyle)

« C’est une molécule qui peut apparaître quand le vin reçoit trop d’oxygène ou quand la fermentation déraille un peu. Elle donne une odeur de colle, de vernis à ongle ou de dissolvant. Si vous sentez cela, c’est souvent que le vin a pris un coup d’air. »

Alcooleux

« Vin avec un puissant goût d’alcool. »

Amaigrir (le vin)

« C’est quand on filtre un vin trop fort, un peu comme si on le passait plusieurs fois dans une passoire très serrée. Le problème, c’est qu’en faisant ça, on enlève plein de petites choses bonnes qui lui donnent du goût, de la douceur, de la couleur. Résultat : le vin devient tout maigre, comme s’il avait perdu sa force. »

Blouge / Violet

« Un vin qui n’est ni blanc ni rouge. On obtient cette couleur en laissant macérer ensemble des raisins blancs et rouges (ou des cépages gris). Le résultat : un vin très clair, légèrement coloré, souvent très frais. »

Brett / Vins à brett

« Des levures naturelles (Brettanomyces) qui peuvent donner des odeurs d’écurie, de cuir ou d’animal. Certains aiment, d’autres détestent. C’est un marqueur très discuté : pour certains, c’est un défaut ; pour d’autres, cela donne du caractère. »

Buvabilité / Glou-glou /Digestibilité

« Un vin facile à boire, qui coule sans effort. Pas lourd, pas alcooleux, pas fatigant. C’est le vin que l’on a envie de resservir sans réfléchir et qui ne laisse pas de mauvais souvenir. »

Croquant

« Un vin donnant l’impression de mordre dans un fruit très frais, comme une groseille ou une framboise. C’est vif, éclatant, très immédiat. »

Déviance

« Mot utilisé par l’œnologie classique pour dire qu’un vin ne correspond pas au goût jugé “normal”. En réalité, c’est très subjectif : ce que l’un considère comme une déviance peut être, pour un autre, la personnalité du vin. »

Droit

« Un vin très propre, sans arômes qui dépassent, souvent produit de façon très contrôlée. Par opposition, les défenseurs du vin nature parlent de vins plus libres, moins calibrés. »

Ester

« Famille d’arômes produits naturellement pendant la fermentation. Ils sentent souvent le fruit (banane, poire, pomme verte, ananas). Pas besoin de les reconnaître un par un : cela permet juste d’expliquer pourquoi certains vins semblent très fruités. »

Évent

« Vin ayant été exposé trop longtemps à l’air dont la saveur est dénaturée. »

Glycérol

« Composé dépourvu de saveur contribuant à la rondeur du vin. »

Intrants

« Adjuvants de vinification ajoutés en cours du processus de fabrication d’un vin. Pas souhaitable. »

Levures indigènes

« Graal du vigneron non interventionniste : ce sont les levures naturellement présentes sur la peau des raisins et dans la cave. Elles permettent une fermentation qui démarre toute seule, sans ajout extérieur. À l’inverse, les levures exogènes sont des levures sélectionnées en laboratoire, achetées et ajoutées au moût pour garantir une fermentation plus rapide, plus stable et plus prévisible. »

Juteux

« Un vin qui donne en bouche une sensation de jus de fruit mûr. C’est rond, gourmand, facile à aimer, avec un petit côté pulpeux. »

Macé / Macération / Carbo

« Quand on laisse fermenter les raisins avec leurs peaux. Cela rend les vins plus parfumés, parfois plus colorés. La “carbo” (macération carbonique) est un style de macération qui donne des vins très légers, joyeux, faciles à boire. »

Minéral

« Un mot imagé pour décrire des sensations rappelant la pierre, le silex, la craie ou la roche humide. Ce n’est pas scientifique, mais une manière de dire qu’un vin est frais, tendu, sans excès de rondeur. »

Oxydé / Oxydatif

« Oxydé = le vin a pris trop d’oxygène et développe des notes de pomme blette, de cidre ou d’amande. Oxydatif = c’est volontaire : certains vins sont élevés sous un voile de levures, ce qui crée des arômes de noix, de curry, de pomme séchée. Typique du Jura. »

Parcellaire

« Vin issu d’une parcelle précise et qui en exprime les particularités (exposition, composition du sol…). »

Perlant

« Une légère sensation de petites bulles en bouche. Cela vient du gaz naturel produit par la fermentation. Souvent voulu, parfois seulement toléré. »

Piqûre lactique

« C’est quand une mauvaise bactérie transforme le vin et lui donne un goût de yaourt tourné ou de lait aigre. Cela arrive quand le vin manque de protection ou quand la fermentation se dérègle. Une piqûre lactique déforme complètement le goût : le vin devient mou, acide et franchement désagréable. »

Pisser (faire pisser la vigne)

« Produire beaucoup de raisins et de jus grâce à l’irrigation, par exemple. »

PV (pour Phénols volatils)

« Composés aromatiques qui donnent des notes fumées, épicées ou animales. Souvent liés à la fameuse levure Brettanomyces. Là aussi, certains adorent, d’autres non. »

Réduc / Réduction / vin réduit

« Quand un vin manque d’oxygène, il peut dégager des odeurs soufrées (écurie, lavette humide). Cela disparaît souvent après quelques minutes d’aération. Un défaut… parfois tout à fait bénin. »

Rustique

« Un vin plus terroir, plus terreux, plus brut. On est loin du style très lisse, très technique. Cela plaît à ceux qui aiment les vins francs et serrés. »

Sous-voile

« Un mode d’élevage où le vin n’est pas complètement protégé de l’air : un voile de levures se forme naturellement à la surface. Il protège partiellement et donne des arômes très particuliers (noix, épices, pomme séchée). »

Souris (goût de)

« Aromatique très difficile à décrire et sujet à caution : en bouche, certains ressentent du foie, de la cacahuète, du bouillon, du biscuit, on dit parfois peau de saucisson également. Elle apparaît parfois après ouverture. C’est un phénomène encore mal compris. »

Tannique

« Sensation d’accroche en bouche, comme si les gencives se serraient. Elle vient des tanins, présents surtout dans les vins rouges grâce aux peaux, aux pépins et parfois au bois. Un vin blanc peut aussi être tannique, mais plus rarement : cela arrive lorsqu’il a été vinifié avec ses peaux (macération), ou lorsqu’il a été élevé en barrique. »

Tension

« Sensation d’énergie dans le vin, souvent liée à l’acidité. Un vin tendu est vivant, droit, nerveux, avec une finale nette. L’inverse : un vin mou. »

Textbook

« Mot issu du monde œnologique anglo-saxon qui signifie conforme aux standards attendus. Un vin typique de son cépage ou de son style, ce que l’on attend parfaitement d’un Riesling, d’un Chablis ou d’un Sancerre. En français : archétypal, scolaire. »

Turbidité

« Caractère trouble d’un liquide qui se mesure en NTU. »

Vivant (vin)

« Terme répandu chez les vignerons naturels : il faut le comprendre littéralement et de manière symbolique. Littéralement car les vins de ce type conservent une vie active une fois qu’ils sont mis en bouteille. Symboliquement car résultant de procédés naturels, c’est-à-dire sans recourir aux produits chimiques et de synthèse. »

Volat’ (acidité volatile)

« Abréviation utilisée pour parler d’une acidité composée surtout d’acide acétique, celle qui peut rappeler l’odeur du vinaigre. Elle apparaît lorsque le vin reçoit trop d’air ou quand la fermentation chauffe et s’emballe. Une petite dose peut apporter du peps, mais en trop grande quantité, elle rend le vin difficile à boire. »

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