Peut-on vraiment se fier aux avis en ligne sur les restos? « Il existe 3 types d’évaluateurs » (et tous ne se valent pas)
Que vous souhaitiez réserver une table dans un restaurant ou chercher un plombier, il y a de fortes chances que vous consultiez d’abord les étoiles et autre avis en ligne. Mais pourquoi donc leur accordons-nous autant d’importance ?
« Maman, combien d’étoiles ont-ils? » Les enfants d’Ellen ont droit à une glace par jour pendant leurs vacances et veillent donc à maximiser le potentiel gustatif de chaque cornet. Et ils demandent donc à leur mère de vérifier le nombre d’étoiles obtenues par chaque glacier avant de passer leur commande. « Lorsqu’ils ont fini de manger, ils me demandent même parfois si j’ai déjà été commenter des étoiles. À l’autre bout du spectre de la consommation, mon mari a compilé les avis en ligne de nombreux entrepreneurs et nous nous en sommes servis pour faire notre choix lors de nos travaux de rénovation. Et ça fonctionne: l’homme avec qui nous travaillons mérite chacune des éloges qu’il a reçues en ligne ».
« C’est quelque chose qui n’existait pas il y a 20 ans » décrypte Ming Wai Leung, fondatrice de l’agence de marketing en ligne Digital Nomads. « Auparavant, nous dépendions du bouche-à-oreille. Nous devions nous en contenter avant de travailler avec quelqu’un ou de découvrir une nouvelle adresse. Aujourd’hui, nous prenons notre téléphone et pouvons rechercher des glaciers sur une carte à proximité de l’endroit où nous nous trouvons, et voir immédiatement ce que d’autres clients en ont pensé. Même mes beaux-parents, qui viennent d’avoir 60 ans, sortent leur smartphone lorsqu’ils cherchent un produit ou une adresse. En soi, c’est logique de se renseigner avant de dépenser de l’argent ».
Une version moderne du bouche-à-oreille
Notre fascination, voire notre fixation sur les évaluations et les avis en ligne ne surprend absolument pas Gino Van Ossel, expert en consommation et professeur à la Vlerick Business School. « Il s’agit d’un comportement de base du consommateur et, surtout, d’un rouage de la résolution de problèmes » sourit-il. « Nous achetons beaucoup de choses de manière routinière. Au supermarché, pour les produits que nous mettons dans notre chariot chaque semaine, nous n’avons pas besoin d’étoiles. Même si nous ne les connaissons pas, nous ne nous inquiétons pas. L’essai d’une nouvelle boisson gazeuse ne grève pas notre budget en cas de déception. Lorsqu’il s’agit de choses plus chères que nous n’achetons qu’occasionnellement, d’achats importants, ou si nous nous trouvons dans un endroit que nous ne visitons pas souvent, par exemple en vacances, nous voulons plus d’informations avant de prendre une décision. Un restaurant lors d’un voyage en ville, une nouvelle télévision, une voiture électrique: nous préférons ne pas commettre d’erreur de jugement dans ces cas-là ».
Un restaurant qui a 5 étoiles basées sur une dizaine d’avis en ligne seulement n’est pas forcément fiable: les avis peuvent avoir été écrits par les amis du chef ».
Gino Van Ossel
« Avant l’apparition de l’internet, nous disposions de trois sources d’information principales », explique M. Van Ossel. « Tout d’abord, le magasin, le vendeur ou la marque elle-même, mais ils ne sont évidemment pas totalement objectifs. Il y a toujours cette petite voix dans notre tête qui dit : « Ne vont-ils pas essayer de me vendre ce qui leur rapporte le plus ? Ensuite, nous avons l’avis d’observateurs neutres, tels que les critiques de restaurants ou Test-Achats, qui testent réellement les produits. Enfin, nous pouvons consulter nos amis, notre famille et nos collègues. Ce que l’on appelle l’évaluation par les pairs ou le bouche-à-oreille a de l’influence: il s’agit de conseils émanant de personnes que l’on connaît et en qui l’on a confiance. Les avis publiés en ligne aujourd’hui s’inscrivent parfaitement dans cette dernière catégorie. Il s’agit en fait d’évaluations par les pairs, dont l’influence ne doit pas être sous-estimée. Supposons que vous alliez passer une journée au bord de la mer, dans une commune que vous ne connaissez pas très bien, et que vous souhaitiez trouver un bon resto. Vous pourriez alors faire appel à des connaissances ou consulter les avis dans Le Vif Weekend, mais cela demande du travail. Vous pouvez aussi lire les avis Google, cliquer sur les sites web des restos qui vous intéressent et choisir une adresse. C’est du moins ce que je fais, et je ne suis pas le seul. Les personnes qui ne font pas cela aujourd’hui sont minoritaires ».
Pour le pire et pour le meilleur
« Chaque fois que je vais au restaurant, je reçois un courriel le lendemain me demandant si je veux partager ce que j’en ai pensé » raconte Johanna. « Je ne le fais pas. Si je cherche une bonne adresse, je demande des conseils à des gens que je connais ou j’entre simplement dans un endroit qui me tente. Je n’écris pas de critiques et je n’en lis pas. La vie est trop courte pour cela ».
« Elle ferait mieux de le faire » rétorque pourtant Gino Van Ossel. « Nous disposons aujourd’hui d’informations plus fouillées que jamais, grâce à l’internet. Une note, qu’il s’agisse d’une étoile ou d’un chiffre, vous donne une vague idée de ce que les autres ont pensé, mais c’est dans les critiques que vous trouverez les vraies informations. Parce qu’elles sont beaucoup plus nuancées. Lorsque je cherche quelque chose, je lis les meilleurs mais aussi les pires avis. Si quelqu’un a mis une étoile parce que la livraison a été retardée, mais qu’il ne tarit pas d’éloges sur le produit, je peux le commander en toute confiance. Après tout, j’ai de la patience. Si un avis négatif indique que l’ascenseur de l’hôtel est trop petit pour une poussette, je peux m’en accommoder car je ne voyage plus avec un landau. Peut-être qu’un aspirateur n’obtient que deux étoiles parce qu’il est trop lourd, mais je n’y vois pas d’inconvénient. Si tout le monde va dans un restaurant romain pour manger des spaghettis à la carbonara, c’est une bonne adresse si l’on veut manger ce plat ».
Et de préciser que « lorsque je voyage, je regarde souvent la nationalité des critiques. Si les Britanniques aiment le petit-déjeuner chaud, c’est probablement bon.
Et si j’ai trouvé un avis correct sur une adresse, je vérifie si cette personne a également écrit quelque chose sur d’autres endroits de ma destination, car je pourrais ainsi trouver une autre adresse agréable.
Si les enfants aiment manger des pizzas et que vous cherchez un restaurant italien, vous trouverez des détails sur la qualité des pizzas dans l’avis. Parfois, je cherche en ligne l’avis de professionnels. Des journalistes automobiles, s’il s’agit de voitures, par exemple, ou des experts en technologie, s’il s’agit d’itinérance et de cartes SIM à l’étranger ».
La face cachée des avis en ligne sur les restos
« Même si vous préférez ne pas consulter les avis, vous feriez bien d’y jeter un coup d’œil, conseille M. Van Ossel. Il est évident qu’il y a encore des consommateurs qui se trompent, mais nous savons de mieux en mieux interpréter les informations en ligne. Le nombre d’avis est important. Un restaurant avec cinq étoiles, mais à peine dix commentaires et votants, n’est pas une garantie. Il s’agit peut-être de dix amis du chef. Il est plus difficile de falsifier une centaine d’avis. Avec Airbnb, vous voyez bien le pouvoir des nombreux avis: nous n’avons jamais été déçus par un Superhost« .
Et « il est également préférable de se concentrer sur le contenu des avis en ligne » affirme-t-il encore. Ma femme et moi avons mal jugé un restaurant thaïlandais au Luxembourg. C’était bien, mais sans plus. Sauf que l’établissement avait tout de même obtenu beaucoup d’étoiles, mais c’était parce qu’il était proche de la gare et donc facile d’accès. Ce n’était pas le meilleur restaurant thaïlandais de la ville, mais c’était le mieux situé. Vous pouvez donc éviter ce genre de situation en lisant attentivement les critiques ».
Autre conseil? « Il faut également se méfier des blogueurs et des influenceurs qui rédigent des avis apparemment objectifs et font des recommandations, mais qui créent en réalité du contenu sponsorisé. Si nous faisons confiance aux opinions de nos amis et connaissances, c’est parce que nous savons qui ils sont, quels sont leurs goûts et qu’ils n’ont pas d’intentions cachées. Dans le cas des avis en ligne, nous supposons également ce dernier point, et s’il s’avère que c’est le cas, nous les trouvons moins authentiques ».
Et l’IA dans tout ça?
« L’intelligence artificielle pousse également à la méfiance » estime Laura Clays, porte-parole de Test-Achats. « Lorsque nous parlons d’avis et d’évaluations inauthentiques aujourd’hui, il s’agit d’avis achetés, mais grâce à l’IA, ce n’est même plus nécessaire d’avoir recours à ce procédé. Un chatbot parvient à rédiger des avis crédibles, et ce dans de nombreuses langues. Il est important d’en être conscient, car si l’IA dispose de suffisamment d’avis authentiques pour apprendre comment formuler les siens, les résultats paraîtront très crédibles. De même qu’il nous a fallu un certain temps pour apprendre que les images pouvaient être modifiées avec Photoshop, dans un futur proche, nous commencerons à douter de l’authenticité des avis en ligne. Je pense donc qu’à l’avenir, la priorité sera accordée aux avis d’experts vérifiables, qu’il s’agisse de critiques gastronomiques ou d’organisations comme la nôtre, dont on sait qu’ils ont vraiment testé les établissements et en partagent un compte-rendu impartial ».
Et d’inviter à ne pas se fier uniquement aux avis. « Jetez également un coup d’œil au site web du produit ou de l’entreprise. Cela semble évident, mais il y a beaucoup à en apprendre. Bien sûr, ils y mettent le paquet, mais la manière dont ils le font en dit long sur ce à quoi vous pouvez vous attendre ».
« Le restaurant était fermé »
« De nombreuses entreprises pensent qu’elles ont besoin d’un bon site web en premier lieu, et c’est le cas » appuie Ming Wai Leung. « Mais lorsque nous aidons une entreprise à trouver davantage de clients aujourd’hui, son site web n’est qu’un des aspects sur lesquels nous travaillons. Il est particulièrement important d’instaurer un climat de confiance, ce que l’on peut faire en recueillant des avis. Un profil d’entreprise Google est donc également un outil de marketing important. Nous avons récemment reçu la visite d’un jeune entrepreneur travaillant dans le secteur de l’assainissement qui a remarqué en quelques mois qu’une vingtaine de bonnes critiques fiables suffisaient à attirer les clients. Ceux-ci l’ont non seulement trouvé, mais ont également signé des devis sur la base de la confiance que leur inspiraient les évaluations ».
Mais, poursuit Ming Wai Leung, « si vous recevez des critiques, il est essentiel que vous les traitiez bien. Qu’il s’agisse de bons ou de mauvais commentaires, il s’agit toujours d’un retour d’information.
Bien sûr, il est agréable de n’entendre que des voix positives, mais même une mauvaise critique peut avoir une tournure positive si vous la traitez correctement. Tout le monde a le droit d’avoir une opinion et de l’exprimer.Il faut donc commencer par respecter ce que dit le client.
Il est important de répondre de manière constructive aux points moins positifs, car votre réponse envoie un message aux lecteurs.Le ressentiment, la réponse grossière ou arrogante: ce n’est pas une bonne idée. Il est important d’écouter et d’esquisser un cadre permettant d’expliquer ce qui n’a pas fonctionné. Les Belges sont parfois un peu plus timorés ; ils ne partageront pas nécessairement leur mauvaise expérience avec vous sur le moment. Cependant, ils publient ensuite un avis négatif en ligne. C’est dommage, bien sûr, car il vaut mieux avoir un retour d’information direct. Mais c’est justement pour cela qu’il faut être très attentif ».
« Lire les critiques à une étoile est l’un de mes passe-temps favoris » affirme Stijn. « Parfois, elles sont courtes et crues, parfois on lit des histoires bizarres, parfois on en découvre plus sur l’auteur lui-même que sur le produit, mais c’est toujours divertissant. La plus drôle que j’ai lue récemment ? « Le restaurant était fermé » ».
« Le fait que les gens ne vous accordent parfois qu’une seule étoile peut aussi être utilisé à votre avantage » s’amuse Ming Wai Leung. « Il y a quelque temps, une entreprise néerlandaise a fait parler d’elle parce qu’elle demandait à ses clients d’écrire des commentaires positifs mais de ne leur donner qu’une seule étoile. Car les gens liront toujours ces commentaires ».
Critique de base
Si vous et moi pouvons lire des milliers d’avis et vérifier les étoiles, c’est uniquement parce que des milliers de personnes ont fait l’effort de partager leurs opinions en ligne.
Selon Gino Van Ossel, il existe trois profils d’évaluateurs. « Il y a un groupe de personnes qui ne donnent jamais d’étoiles et n’écrivent jamais d’avis. Un deuxième groupe a une opinion sur tout et aime la partager. Malheureusement, ces opinions ne sont pas toujours représentatives. Le groupe le plus important ne prend la peine d’écrire quelque chose que s’il est incroyablement satisfait ou si le produit n’était vraiment pas à son goût. En d’autres termes, les extrêmes ».
« Je suis le critique de base », admet Ming Wai Leung. « J’aime beaucoup la bonne cuisine et je m’efforce de trouver les meilleures adresses. Lorsque je voyage, les gens me demandent souvent des conseils et je les leur donne volontiers. J’ai réalisé il y a peu que je ne prenais la peine de partager quelque chose en ligne que si c’était vraiment exceptionnel – dans un sens positif ou négatif – et non pas si c’était juste bon. C’est comme si je ne soutenais pas vraiment les restaurants et les entreprises si je ne disais pas ouvertement ce que je pense d’eux. J’ai donc décidé de le faire dorénavant. Que ce soit très bien, très mal ou tout ce qu’il y a entre les deux : j’essaie de laisser des commentaires qui profitent à la fois à l’entreprise et aux clients potentiels ».
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