Les réseaux sociaux et KPop Demon Hunters ont propulsé ce plat de la commodité à la célébrité mondiale, et plus il est piquant, mieux c’est. Tentative de décryptage de la folie ramyeon.
Chaque star a son rituel avant de monter sur scène. Beyoncé s’installe dans un fauteuil de massage. Selena Gomez avale une cuillère d’huile d’olive. Et Rumi, Mira et Zoey, les membres de HUNTR/X – un groupe de K-pop doublé d’une équipe de chasseuses de démons – mangent du ramyeon. Dans KPop Demon Hunters, film d’animation devenu le plus visionné de l’histoire de Netflix, les héroïnes fictives engloutissent goulûment leurs nouilles instantanées ultra-épicées. (Netflix s’est d’ailleurs associé à la marque agroalimentaire Nongshim pour lancer une gamme de ramyeon à leur effigie.)
Comme son nom le suggère, le ramyeon est dérivé du ramen, la soupe de nouilles japonaise. Mais alors que le ramen se prépare souvent frais, dans un bouillon longuement mijoté, le ramyeon mise sur la gratification immédiate. Né dans les années 1960, il fut promu par le gouvernement sud-coréen comme un repas simple, économique et roboratif. On raconte que Park Chung-hee, dictateur militaire de l’époque, aurait suggéré d’y ajouter du piment pour séduire le palais coréen.
Le ramyeon, c’est du sérieux. L’an dernier, la Corée du Sud en a exporté pour 1,2 milliard de dollars, soit une hausse de 31 % par rapport à 2023. Samyang Foods – fabricant du très populaire Buldak – affirme que les exportations représentent désormais les trois quarts de son chiffre d’affaires. Aux États-Unis, ses ventes ont plus que doublé entre 2023 et 2024, et ses produits sont désormais en rayon chez Target et Walmart. Selon la société d’études Numerator, Samyang est aujourd’hui la marque préférée de la génération Alpha.
Trois raisons expliquent cette frénésie autour du ramyeon. La première: les jeunes adorent goûter des nouveautés et partager leurs réactions en ligne. Les plats épicés sont idéals pour un contenu viral – plus la brûlure est intense, plus la réaction amuse. Les vidéos du fire noodle challenge – où l’on voit des participants grimacer, tousser et pleurer en avalant les nouilles les plus explosives de Samyang – cumulent des millions de vues. « Le ramyeon n’est pas seulement un aliment », souligne Kim Taeyeon, fondatrice du Kimchi Institute, une organisation de diplomatie culinaire. « C’est une expérience. »
Deuxième raison: la vague coréenne (Hallyu) et l’engouement mondial pour la culture du pays. Comme le montre KPop Demon Hunters, un film ou une série coréenne à succès peut éveiller la curiosité du public pour les plats dégustés à l’écran – d’autant plus lorsque les personnages les savourent avec enthousiasme. Le film oscarisé Parasite (2019) avait déjà attiré l’attention sur le Jjapaguri, un mélange de deux types de nouilles instantanées.
Enfin, le troisième facteur de la tendance ramyeon tient à la commodité. Selon une enquête YouGov menée en 2024, 48 % des Américains préfèrent passer moins de 30 minutes à préparer le dîner, et 12 % ne veulent tout simplement pas cuisiner. Une fois l’eau bouillante versée, un bol de ramyeon est prêt en trois minutes. Pourquoi attendre pour relever son quotidien?
