Rencontre avec César Troisgros, héritier d’une dynastie triplement étoilée
A 36 ans, César Troisgros a pris cette année la relève aux fourneaux de la mythique Maison familiale, à Ouches dans le centre de la France, où il incarne la quatrième génération de cuisiniers couronnée par trois étoiles Michelin depuis plus d’un demi-siècle.
« On avance en étant humble », dit le jeune chef, héritier de cette lignée pionnière de la Nouvelle Cuisine plus inventive et plus légère des années 1970 qui poursuit la saga familiale dans l’écrin naturel du domaine d’Ouches (Loire).
C’est un des principes familiaux: « Ne jamais avoir eu peur d’évoluer au fur et à mesure des années et des générations ». « Ça met en confiance sur le fait que le changement est soutenu quand il est fait avec raison », observe-t-il dans un entretien avec l’AFP.
Cinquante-cinq ans que les trois étoiles brillent: mais le jeune chef refuse la pression. Trop chercher à savoir ce que cherche le guide Michelin, « c’est aussi perdre son identité, ses idées. Donc il faut faire route commune ».
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Les frères Troisgros, artisans de la conquête des étoiles Michelin, ont acquis leurs lettres de noblesse avec leur fameuse recette du saumon à l’oseille, mais c’est une histoire de rognons que raconte César. Ceux cuisinés par son grand-père Pierre.
Ce grand-père toujours curieux qui, peu avant sa mort en septembre 2020, le reçoit à déjeuner chez lui. César réclame des rognons. Le chef légendaire arrive chez le boucher avec une question lancinante: veau, porc ou agneau pour faire les meilleurs rognons? Il cuisine donc trois plats, pour goûter avec son petit-fils et « confirmer celui qu’on préférait », raconte César.
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Une constante remise en question
« Et donc c’était les rognons de veau. Moi je croyais savoir, lui aussi, il sait que ceux qu’il préfère ce sont les rognons de veau. Mais il s’est quand même requestionné », à 92 ans.
« Sur le moment je n’ai pas saisi le message », se souvient César. « Ce qu’on pense à un moment donné, peut toujours être différent le lendemain ». « Comme un Federer qui se questionnerait encore sur comment faire son revers! »
Le domaine d’Ouches, coup de coeur de la famille Troisgros inauguré en 2017 après trois ans de travaux, lui permet de s’affirmer hors du restaurant historique de Roanne, ouvert en 1930 par son arrière-grand-père Jean-Baptiste et son épouse Marie face à la gare de cette sous-préfecture industrieuse.
Il affine sa formation dans ce lieu à l’origine modeste, transformé en étape incontournable pour les gourmets. Puis trouve à Ouches « une nouvelle inspiration », un environnement qui « invite à être plus posé, plus calme ». A Ouches, la famille « s’est réincarnée », assure Michel Troisgros, qui s’est éloigné des fourneaux pour se consacrer à l’entreprise familiale.
Sa femme et compagne de route Marie-Pierre a participé à la décoration de l’hôtel, magnifique édifice de type méditerranéen jouxtant le restaurant. Leur fille Marion participe à l’administration après une carrière dans l’équitation et la communication. Le benjamin, Léo, va bientôt démarrer sa propre affaire avec sa compagne Lisa, après une ultime saison à la tête d’une auberge-gîte voisine, en Saône-et-Loire, un des satellites de la Maison Troisgros.
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Une cuisine simple et structurée, maitrisée à la perfection
Dans l’immense cuisine du restaurant « Le bois sans feuille », extension ultra moderne de l’hôtel qui épouse la nature, César Troisgros perfectionne une cuisine simple mais structurée – des petits « papillons », raviolis de petits pois et amandes, oseille et anguilles ou fraise et poivre -, souvent surprenante comme ces mousserons (« des champignons qui sortent aux premiers orages ») sous une feuille de lait caillé.
Le domaine compte un jardin potager où fourmille le shiso, herbe aromatique orientale appréciée par le jeune chef, et la construction d’un fournil est en cours.
Guitariste amateur, César Troisgros avait d’abord envisagé de devenir ingénieur du son. Mais après le bac, il s’inscrit à l’Institut Bocuse, près de Lyon, puis se forme auprès de grandes tables, en France et aux Etats-Unis. La catastrophe de Fukushima en 2011 lui fait renoncer à un séjour d’un an au Japon, où la famille entretient des liens depuis les années 1960, et qu’il a visité plusieurs fois.
Quand les clients qualifie sa cuisine de « japonaise », César avance avec une moue: « peut-être dans sa pureté, dans sa sincérité. Au Japon dans les restaurants, même les grands, c’est deux-trois ingrédients, c’est très simple mais tout a du sens ».
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