Schmet, la nouvelle terrasse bruxelloise pour échapper au dôme de chaleur

Michel Verlinden
Michel Verlinden Journaliste

Dès ce mardi, une nouvelle adresse s’est fixé pour mission de désaccabler la capitale aux abords du Palais de Justice, face à la Grande Roue. Véritable place to chill en période de canicule, Schmet aligne une vaste terrasse équipée de brumisateurs et une déco intérieure remarquable : un revêtement mural en blocs de bois taillés en pyramides, clin d’œil à un hôtel moderniste du Caire. DA léchée, abri estival et atmosphère singulière, le spot idéal pour se noyer dans le halo doré des fins de journées estivales.

À l’intégration, notion verticale et souvent à sens unique, le philosophe Édouard Glissant préférait la créolisation : un métissage horizontal, une rencontre qui ne lèse aucune des deux parties. Le français parlé aujourd’hui par les jeunes, toutes classes confondues, illustre cette fusion active des langues, des imaginaires et des appartenances.

Des mots comme drari (qui désignait au départ un gosse, devenu synonyme de gars, pote), afou (pour abusé, une expression marquant l’exagération ou la surprise), ou encore khouya (frère), qu’ils soient empruntés au darija marocain ou à l’arabe classique témoignent de ce tissage linguistique quotidien, souvent ignoré mais profondément vivant.

Les concepteurs de Schmet ont délibérément choisi un nom qui s’inscrit dans cette mouvance linguistique métissée. Le mot schmet puise librement dans les registres populaires et les tics de langage du quotidien. Il évoque un coup rapide ou discret – à l’image du loucedé en louchébem, l’argot des bouchers parisiens – et tinte comme une punchline. S’il ne renvoie pas à une origine précise, le terme s’insère naturellement dans ce brassage lexical bruxellois où l’influence des parlers issus de la diaspora maghrébine est bien réelle. Un néologisme assumé, choisi autant pour sa musicalité que pour ce qu’il dit d’un certain esprit des lieux.

Du bon et du brut

Quand on pousse la porte de ce nouveau bar flamboyant, c’est le soin apporté au décor qui frappe. Schmet ménage ses effets sans jamais sombrer dans le pastiche. Le béton brut, qui ponctue l’endroit, croise le fer avec un revêtement mural en cônes de bois inspirés d’un hall d’hôtel du Caire, créant un jeu de textures aux contours brutalistes. Certaines tables, elles, empruntent leur silhouette à un bar de Los Angeles, d’autres, en bois plein, reproduisent un motif en damier invitant à sortir pions et jetons. Quelques cactus bien placés viennent subtilement évoquer Marfa et l’univers de Donald Judd, clin d’œil discret à l’art minimal et aux paysages du Texas.

Au mur, un tableau lumineux animé par un réseau d’ampoules attire l’œil : ses variations ont été imaginées par le studio graphique bruxellois Bold, également à l’origine du logo de Schmet. Leur signature, reconnaissable mais toujours subtile, s’est imposée dans des projets aussi divers que les identités visuelles de Stromae, Angèle, Clara Luciani, ou encore des adresses bruxelloises bien connues comme Rambo ou Knees to Chin. Une patte qui conjugue typographie et narration visuelle.

Autre pièce maîtresse : un vaste comptoir en étain patiné signé Nectoux, référence française en la matière, qui dialogue avec un béton strié de rainures en relief. Les jeux de lumière, diffus ou directs, créent des zones de tension, des respirations, des ambiances à la Hopper. À l’arrière, une salle aux allures de club prolonge l’expérience, tandis que de larges portes-fenêtres rythment la façade.

Clou du spectacle

Côté cuisine, l’inspiration vient d’Andy Wahloo, cette adresse parisienne culte, initialement ouvert par les frères Hakim et Mourad Mazouz, dont le nom signifie J’ai pas un clou en arabe dialectal – une manière de faire beaucoup avec peu, mais avec du style. Même esprit ici : merguez burgers, taboulé twisté, petites assiettes métissées qui piochent entre tradition maghrébine et confort food à partager. Une proposition culinaire simple, accessible et en phase avec l’énergie directe du l’endroit.

Noah Lao, jeune manager à l’enthousiasme contagieux, promet une ambiance de feu de dieu, avec des dj’s à la fenêtre dès la tombée du jour. Le tout s’adosse à un vertigineux building administratif, abritant les bureaux de la Police Fédérale et du Procureur du Roi. Le tout signe un nouveau destin pour ce lieu qui accueillait autrefois la sandwicherie Au Suisse, emblématique repaire du centre-ville, aujourd’hui disparue.

En bonus, les amateurs d’art contemporain découvriront cinq photos de Stephan Goldrajch. On retient surtout le visuel des lieux d’aisance, où trois juges masqués posent comme pour une photo officielle. Capes rouges bordées de fausse fourrure, masques crochetés et grotesques, brodés de pompons, barbes, excroissances… le tout compose un carnaval textile entre satire douce et autorité détournée. Certains y verront un clin d’œil à la figure insaisissable du sous-commandant Marcos. Une image d’autant plus percutante que cet artiste textile bruxellois, que l’on sait travaillé par la question de la collaboration, connaît bien le quartier : l’un de ses bustes brodés a rejoint le Palais de Justice voisin, en hommage à Ruth Bader Ginsburg, défenseuse des droits des femmes et de l’égalité.

Et puis, bien sûr, il y a la terrasse. Imparable, aérée, équipée de brumisateurs et de grosses appliques lumineuses formant des sortes de gros champignons noirs, elle accompagne la course du soleil presque dans son entièreté, avec une exposition idéale dès la fin de matinée. Adossée à la façade, mais aussi déployée sur les côtés, elle s’inscrit dans une configuration en L qui capte la lumière et laisse circuler l’air. Avec près de 200 places, elle promet d’être l’une des plus généreuses de la capitale. Les après-midis risquent, tout comme les after-work, de s’éterniser joyeusement.

Schmet, 2, rue des Quatre Bras, à 1000 Bruxelles.

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