À Paris, on mange comme le jury du Goncourt chez Drouant
Que vous soyez du genre à lire chaque année le livre qui l’a emporté, ou bien à rêver d’un jour vous aussi le gagner, le Goncourt fascine. Et si le secret de ses délibérations reste bien gardé, il est toutefois possible de goûter à la vie d’académicien chez Drouant, où le menu qui leur est servi le jour de la remise du prix est proposé jusqu’à la mi-décembre.
Ce lundi 4 novembre, les dix membres du jury du Goncourt, réunis pour l’occasion au restaurant Drouant, ont remis leur prestigieux prix à l’auteur franco-algérien Kamel Daoud pour son roman Houris, une fiction ancrée dans la sanglante « décennie noire » de l’Algérie et les massacres qui y ont été perpétrés de 1992 à 2002. Pourquoi son ouvrage a-t-il récolté six voix (et ainsi été sacré dès le premier tour) contre deux seulement pour Hélène Gaudy et une pour Gaël Faye et Sandrine Collette? Est-ce la richesse de la langue, la profondeur du récit, la construction des personnages, le thème choisi, ou toutes ces raisons à la fois? Secret, le jury délibère mais ne déblatère pas.
Ce qui n’est pas réservé à un cercle très privilégié d’initié, par contre? Le contenu de leurs assiettes. Jusqu’au 15 décembre prochain, le restaurant Drouant met en effet à sa carte le menu servi aux académiciens du Goncourt, gardé lui aussi secret jusqu’au jour J. Fondé en 1880, cet établissement du 2e arrondissement accueille depuis 1914 l’Académie Goncourt, qui y a établi son siège après avoir d’abord débattu au restaurant Champeaux ou au Café de Paris. 110 ans plus tard, le rituel reste immuable, et chaque premier mardi du mois, les dix académiciens se réunissent dans le Salon Goncourt pour y débattre de l’actualité littéraire.
Et parce que 110 ans d’histoire commune, ça se fête, cette année, « le chef Romain Van Thienen a conçu un menu spécial, inspiré des classiques de la gastronomie parisiennes, pour offrir aux convives une expérience sans pareille » confie-t-on du côté de chez Drouant. Et si ce menu 6 services aux mets raffinés dont les noms « rendent hommage aux illustres écrivains qui ont foulé les salons de Drouant et marqué l’histoire du Prix Goncourt », il est désormais non seulement public, mais aussi, et c’est bien plus délicieux encore, accessible au public jusqu’à la mi-décembre.
Festin littéraire
En préambule, des « influences continentales », soit le surprenant mariage de la quiche lorraine et du caviar, suivi par le « banc de l’écailler » et sa valse iodée, entre homard, crevette, moule, amande et palourde.
En troisième service, comme un voyage « de la Normandie à Paris », la sole rencontre les épinards de Viroflay et, qui revoilà?, le caviar. La pièce de résistance, une tourte de perdreaux et sa cuisse panée, répond au nom de « retour de chasse de la marquise », et précède « le prince des fromages » (le Brie de Meaux pour les intimes) et une anthologie de desserts parisiens où l’on retrouve notamment le chou et le baba, entre autres délices sucrés.
On l’aura compris: tout comme le Goncourt se veut être une célébration de ce que la littérature a de meilleur, le menu imaginé par Drouant est une ode à la gourmandise et à la gastronomie française, tant dans son terroir que dans son alléchant répertoire de recettes.
Servi en trois ou six temps, le menu, dans sa version complète, est proposé au prix de 190 euros par personnes, avec accord mets & vins possible moyennant 120 euros supplémentaires. Si vous souhaitez y goûter, pensez à le réserver a minima 72h à l’avance. Et si vous avez encore faim après ce festin, étalez donc votre culture en dévorant les ouvrages des lauréats, du Houris de Kamel Daoud au Soleil des Scorta de Laurent Gaudé (2004) en passant par L’Amant de Marguerite Duras (1984) ou encore La condition humaine d’André Malraux (1933). Bon appétit…
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