Payer son repas plus cher aux heures de pointe des restos, la tendance indigeste venue des States
Alors que certaines enseignes appliquent déjà des tarifs différents suivants que vous achetiez leurs produits pour les consommer sur place ou à emporter, une autre tendance pourrait chambouler l’addition: payer son repas plus cher aux heures de pointe. Une pratique contestée mise à l’essai aux Etats-Unis.
A l’instar des billets d’avion, de spectacles ou des trajets en VTC, un burger de la chaîne de restauration rapide Wendy’s pourrait coûter plus cher aux heures de pointe en 2025, une stratégie qualifiée de « très mauvaise idée » et risquée par des experts.
Kirk Tanner, patron de la chaîne de fast-food depuis début février, veut tester plusieurs fonctionnalités agrémentées d’intelligence artificielle comme le changement de menus sur ses nouveaux panneaux numériques et des suggestions de compléments aux commandes des clients, ainsi que des prix plus élevés en période de forte demande.
« Lorsque les gens ont faim, ils veulent manger tout de suite. Si le prix est plus élevé parce que c’est une heure de pointe, ils ne vont pas attendre qu’il baisse. Ils vont aller chez le concurrent », commente John Zhang, professeur de marketing à l’école de commerce Wharton de l’université de Pennsylvanie. La tarification dynamique que Wendy’s veut expérimenter dans un an « est une très mauvaise idée », pense-t-il. « Les clients vont trouver que c’est injuste et déraisonnable de payer plus cher pour le même produit, ils vont être en colère et partir pour ne jamais revenir », prévient-il.
Sarah, enseignante de 24 ans, estime la stratégie « très étrange. « Je n’ai jamais entendu parler de ça », dit-elle. « Ça peut dissuader d’acheter à manger ». L’expérimentation de la majoration tarifaire « est intéressante mais elle risque d’exaspérer les clients et de semer la confusion, en particulier chez les habitués », estime Neil Saunders, directeur chez GlobalData.
« L’avantage pour Wendy’s sera de maximiser son chiffre d’affaires et, peut-être, de stimuler la demande pendant les périodes creuses », ajoute-t-il, en incitant les consommateurs à éviter les pics tarifaires. Mais, pour lui comme pour le professeur Zhang, la meilleure option serait plutôt d’inciter les clients à venir aux périodes plus calmes en leur offrant des réductions.
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Repas plus cher aux heures de pointe et rabais en semaine
Selon le rapport 2024 de l’Association nationale de la restauration, 85% des adultes interrogés se sont dit prêts à profiter de réductions pour dîner les jours de semaine, lorsque la fréquentation est moindre. Et 84% s’alimenteraient hors des heures de pointe s’il y avait des rabais.
L’association souligne que l’industrie de la restauration jongle avec la dynamique tarifaire depuis longtemps, avec des offres spéciales pour les premiers arrivés (early birds) ou les « happy hours ». Désormais, grâce aux nouvelles technologies (applications mobiles, commandes sur internet, menus numériques, QR codes, etc), les restaurants peuvent s’adapter en temps réel à la demande. Et ainsi remplir au maximum leur tiroir-caisse aux périodes les plus fréquentées et embellir leurs marges rognées par l’inflation des prix des produits alimentaires. Inciter la clientèle à éviter les heures de pointe permet également de pallier le manque de main d’oeuvre dont souffre le secteur aux Etats-Unis depuis la pandémie.
Pour Purvi Shah, maîtresse de conférences à l’Ecole de commerce de l’Institut polytechnique de Worcester (WPI), l’élément crucial pour une entreprise souhaitant appliquer une hausse des prix en période de surtension consiste à déterminer « l’élasticité de la demande ». C’est-à-dire l’ampleur du surcoût que le consommateur acceptera avant de se détourner de l’enseigne. Wendy’s « va prendre un risque en comptant sur la récompense à la clef ».
Mais il faudra être « transparent sur le processus et éduquer le consommateur, sinon il va trouver que c’est injuste ou suspect », explique Mme Shah, soulignant qu’avec les réseaux sociaux, tout faux pas peut être durement et rapidement sanctionné. C’est, selon elle, la mésaventure qu’a connue la chaîne britannique de pubs Slug and Lettuce en 2023 lorsqu’elle a voulu augmenter de vingt pennies (23 centimes d’euros) le prix d’une pinte de bière aux heures de pointe.
« Le rejet a été brutal sur X », anciennement Twitter, raconte-t-elle. Si l’expérimentation de Wendy’s est une réussite, il y a fort à parier que la tarification dynamique sera adoptée par d’autres enseignes.
Mais, contrairement à un spectacle, un avion ou un service de VTC dont la capacité est limitée, la concurrence est très vive dans la restauration surtout dans les grandes villes et dans le monde du fast-food où les chaînes ne sont jamais bien loin les unes des autres. « Wendy’s ne pourra pas le faire partout, seulement dans les endroits où il n’y a pas vraiment d’alternative », note Mme Shah.
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