Street food: le Mexique renonce en partie à la culture des puestos de comida, si typiques

foodtruck Mexique

C’est tout aussi bon mais bien moins visuel: les restaurants de rue, qui font la saveur de Mexico, servent toujours des tacos juteux ou des « tortas » (sandwiches) gorgées de sauces, mais l’oeil exercé voit bien qu’il manque des couleurs à cette fête du goût.

En centre-ville, les « puestos de comida » (« postes de nourriture ») ont perdu leur identité visuelle. Finies, les illustrations très graphiques qui décoraient chaque kiosque: des fruits pour le vendeur de « super jus curatifs », un petit cochon tout sourire, des lettres rouges pour les « délicieux tacos au ragoût ». Terminé, ce graphisme populaire qui annonçait depuis le XIXe siècle le menu du jour à une population souvent analphabète à l’époque.

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A chaque coin de rue désormais, de simples comptoirs en tôle laminée, tous les mêmes, agrémentés d’un message insipide: « la mairie de Cuauhtémoc est ta maison ».

Cuauhtémoc est l’une des 16 divisions de Mexico, la perle de la couronne avec la cathédrale, le centre historique, et les quartiers hyper-branchés de la Condesa, la Roma et Juarez (parcs, rues arborées, bâtiments du XIXe siècle).

« Tu le retires ou tu te tires »

Il y a quelques mois, la mairie de Cuauhtémoc – du nom du dernier empereur aztèque – a demandé l’effacement des menus visuels qui décoraient les kiosques et les postes de la « street food ».

C’est une question « d’ordre et de discipline » pour « améliorer l’image » de la ville, a asséné la jeune maire de Mexico-centre, Sandra Cuevas, qui a arraché Cuauhtémoc au parti de gauche au pouvoir Morena aux élections de juin 2021.

C’est l’art populaire et l’imagerie traditionnelle de la ville que l’on assassine

Depuis, Cuevas, 36 ans, a acquis une notoriété nationale en mars en agressant un policier. Provisoirement suspendue de ses fonctions, la jeune élue a dû s’excuser auprès du gardien de la paix.

L’affaire des « puestos de comida » peut paraître dérisoire par rapport aux multiples problèmes d’une ville de neuf millions d’habitants (circulation, pollution, prix des loyers, risques de séisme, criminalité à quelques kilomètres de la douceur de vivre de Roma-Condesa). Mais c’est l’art populaire et l’imagerie traditionnelle de la ville que l’on assassine, affirme un collectif vent debout contre l’initiative de Cuevas.

« C’est une attaque à l’identité de la ville et à tous les +chilangos+ (habitants de Mexico) », décrète à l’AFP Aldo Solano, 35 ans, historien de l’art.

Par peur des représailles, les locataires des « puestos » n’osent pas protester. « Ils nous ont dit: tu le retires ou tu te tires », raconte l’un des restaurateurs de la rue sous couvert de l’anonymat.

La maire Sandra Cuevas avant même son élection était accusée par des fonctionnaires de la ville de Mexico d' »extorsion » envers le petit commerce informel, ce qu’elle nie. La décision de Cuevas est « une très grande erreur », soupire Adan Navarrete, 53 ans dont plus de 30 ans au service du graphisme des enseignes de la rue. « Même si ça paraît simple, c’est un art ».

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