« Aberration écologique et gustative », le saumon est en voie de disparition au resto
Longtemps phare de la table festive ou du dîner sophistiqué, mais aberration écologique et gustative, le saumon, devenu « poulet de la mer », est en train de se faire rayer de la carte des grandes tables de France.
Du canapé au poke-bowl, en passant par sa version « snackée », le poisson à la chair délicate des grandes occasions est devenu en quelques décennies en France un produit de grande consommation. Le saumon est en effet le deuxième produit de la mer le plus consommé, derrière le thon, avec une moyenne annuelle de 2,7 kg par habitant, selon l’agence nationale des filières de l’agriculture et la pêche, France Agrimer.
« Le saumon, on n’en peut plus, ce n’est pas un produit de chez nous, c’est un produit issu d’une pratique beaucoup trop intensive et qu’on nous a servi à toutes les sauces », soupire le poissonnier du moment, Arthur Viot, dans son établissement du marché parisien Saint-Germain, dont il l’a banni.
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A l’état sauvage, où il se pêche dans les latitudes nordiques, le saumon d’Atlantique est considéré depuis la dernière COP comme une espèce « quasi menacée », sa population ayant reculé de 23% en quinze ans, en raison du changement climatique.
Enfant de la Loire, qui a vu le produit « disparaitre » du bassin, dans l’ouest de la France, où les saumons d’Atlantique viennent pondre, le chef étoilé Didier Clément dit à l’AFP « ne pas être tenté de mettre un saumon norvégien ou écossais » à la carte. Il préfère aller voir du côté des poissons dignes d’intérêt en étang, « pour se consoler ».
Le saumon, « à Noël et c’est tout »
Dans une version qualitative, le saumon ne survit pas dans les bassins français, et les élevages biologiques qui s’y mettent luttent contre le réchauffement des eaux en été, qui perturbe le cycle du poisson. C’est le célèbre chef, Pierre Troisgros, qui l’a propulsé des tables gastronomiques aux recettes familiales, dans sa version à la sauce oseille. « Une fulgurance » qu’il a eue après avoir appris à travailler le saumon chez Maxim’s, le célèbre établissement parisien.
Mais ce n’est pas un produit « à la hauteur », tranche Jocelyn Herland, le chef exécutif du restaurant étoilé de l’hôtel Plaza Athénée à Paris.
« C’est du marketing qui nous fait croire que c’est noble », ajoute-t-il, rappelant que dans son enfance, on mangeait du saumon « à Noël et puis c’est tout ». Dans la foule des labels Bio, Label Rouge, MSC, « tout le monde pense manger du bon saumon et en réalité il y en a très peu », déplore le chef.
« La connaissance du produit n’existe plus dans le public. Ils ne savent pas ce que c’est un saumon, d’où ça vient, quel goût ça doit avoir », conclut-il. Lui ne sert plus ce poisson qu’en room service, à la demande des clients VIP, ou sur des oeufs au petit déjeuner.
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Sus au saumon, place au sashimi de truite
Au Plaza Athénée, on le retrouve exceptionnellement à la carte deux mois par an, seulement lorsqu’il arrive frais de l’Adour, un fleuve du sud-ouest. Ce saumon français est un miraculé « ressuscité des eaux de montagne des Pyrénées par une poignée de forcenés » de sa tradition qui le vendent 120 euros le kilo.
Le gardien du temple, le chef aux deux étoiles Jean Coussau, installé dans les Landes (sud-ouest), livre le rituel à l’AFP. « Avec ce poisson magique, il faut une sauce qui donne de la puissance, un peu d’acidité, une béarnaise classique et une cuisson à la seconde près, on reste dessus ».
Chez Arthur Viot, artisan de bouche qui révolutionne la maturation et la sélection du poisson pour quelques grandes tables, y compris de maîtres sushi, le saumon n’a pas sa place « tant qu’il n’y a pas de production française aboutie ». L’artisan de 28 ans, ancien juriste, l’a remplacé dans ses étals par de la truite qu’il sert en sashimi.
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« Dans l’imaginaire collectif, la truite a un vilain goût de terre, mais si on arrive à une pêche et conservation du poisson impeccable, 90% des gens ne feront pas la différence entre de la truite crue et du saumon cru », promet-il.
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