Notre expert ès flacons sirote les tendances et noie les idées reçues. Cette semaine, zoom sur le verjus, ce très en vogue substitut écoresponsable au citron.
Ingrédient phare de la cuisine française médiévale, le verjus – jus de raisin cueilli avant maturité – parfumait déjà marinades, réductions et vinaigrettes. Taillevent, Carême, Vatel ou Escoffier en faisaient un incontournable pour apporter fraîcheur et acidité à leurs créations. Longtemps éclipsé par le citron et les agrumes exotiques, il revient aujourd’hui au centre de l’assiette et du verre, porté par deux tendances fortes: la quête d’alternatives locales et le regain d’intérêt pour les saveurs acidulées.
Une boisson à part entière
Remplacer un citron par du verjus, c’est réduire l’empreinte carbone tout en redécouvrant une acidité plus douce, moins agressive. De nouveaux producteurs misent sur des versions «nature», non pasteurisées, qui conservent toute la vivacité du fruit. On y retrouve une fraîcheur végétale, parfois même une légère touche florale, qui change complètement l’équilibre d’un plat, d’une huître ou d’une boisson.
Ce retour ne s’arrête pas aux fourneaux. Dans les bars, le verjus séduit les mixologues: il apporte la tension nécessaire dans un sour ou un spritz, tout en respectant mieux l’aromatique des spiritueux qu’un agrume plus mordant. On le voit ainsi s’inviter dans des créations signatures, ou même dans des twists de classiques, comme un gin tonic où il remplace la traditionnelle tranche de citron.
Stade ultime de cette renaissance: le verjus s’émancipe de son rôle d’ingrédient pour devenir une boisson à part entière. L’exemple le plus marquant vient du domaine autrichien Fischer, qui signe une version pétillante, sans sucre, pensée pour répondre à la demande croissante en boissons sans alcool gastronomiques. À l’apéritif, en accompagnement d’un plateau de fruits de mer ou d’un dessert fruité, il affirme que l’acidité, quand elle est juste, peut aussi être festive.
3 verjus goûtés et approuvés
1. Verjus Frizz, Weingut Christian Fischer, 14,20 euros, weingut-fischer.at
Issu de raisins non mûrs de zweigelt, blauer portugieser et pinot noir récoltés en août, ce verjus sans sucre séduit par sa bulle fine, sa vivacité et sa finale minérale aux accents fruités. Idéal à l’apéritif.
2. Verjus de France, Eric Bur, 11 euros, ericbur.fr
Issu de raisins récoltés avant maturité, il présente une acidité nette et franche, adoucie par un fond fruité. Belle fraîcheur végétale et finale croquante. Pour vinaigrettes, déglaçages ou cocktails délicats.
3. Bourgoin Verjus, 21 euros, Instagram: bourgoincognac
Issu à 100% de raisins ugni-blanc récoltés sur sols crayeux crétacés de Charente, il affiche une tension remarquable (pH de 2,5). Nez de pomme verte et de fleurs blanches, bouche cristalline et non amère.