Alexandre Jardin: « J’étais un mort vivant souriant… »
L’écrivain rompt avec son personnage de trublion. Il révèle les blessures d’un homme mûr, désirant être enfin lui-même.
Déni
« J’ai grandi avec des raconteurs d’histoires, des adultes incapables de vivre le réel. » Il faut dire qu’il a connu une cascade de catastrophes familiales: la collaboration du grand-père, le libertinage de la mère, la mort du père et des traumas. « L’irruption du Mal dans la cellule familiale est compliquée », comme le racontait Des gens très bien. Alexandre Jardin aurait pu poursuivre ce chemin, « mais j’avais peur de remettre ma vie en question ». La honte et les non-dits l’ont poussé à créer un personnage fantasque.
Fabuler
« Je me suis mis à fabuler après le décès de mon père. Ayant un faible stock de souvenirs, j’ai joué les prolongations en l’inventant. » Soit ce fameux Roman des Jardin qui a fait son succès. « J’ai laissé croire que mes héros étaient mon double. Quel désastre! » Dans sa vie privée, les choses sont moins roses. Pourtant, il compose des histoires hautes en couleur.
Masque
« Derrière tout affabulateur, il y a une douleur extrême à vivre le réel. La littérature m’est apparue comme recours et comme piège. La boulimie des séries répond à ce besoin d’échappatoire. A force de me cacher, je me suis dévitalisé », avoue l’auteur. « J’étais un mort?vivant souriant… » Or il y a un domaine dans lequel on ne triche pas, l’amour. Il se veut vibrant dans ses romans, mais son second divorce amorce sa chute.
Réunification
La rencontre avec une femme le secoue. « Elle m’a fait grandir d’un coup. On est tous enfermés dans des rôles. Avouer sa vérité semble spectaculaire en cette ère de réseaux sociaux. Le risque d’être soi est banni! » Pourtant, il est vital, comme le dévoile « ce livre de la réunification qui vous invite à être vrai ». Touchant, le quinqua a « appris à pleurer, à rire de bon coeur, à s’émerveiller et à apprécier cette existence pleine de saveurs ».
Engagement
Alexandre Jardin s’oriente désormais vers une littérature du réel. Autre aspiration: l’engagement, avec son association Lire et faire lire. « La transmission entre anciens et gamins lutte contre l’échec scolaire. » Ce père de trois enfants admire « leur authenticité anormale. Mon plus beau Jardin serait de faire encore un p’tit. »
Le roman vrai d’Alexandre, par Alexandre Jardin, L’Observatoire, 315 pages.
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