Pierre Blondel, architecte: « Pour moi la pensée, elle est évolutive, elle change et se transforme. »
L’architecte bruxellois Pierre Blondel vient de sortir son troisième livre, Anderlecht, Molenbeek, dans lequel il met en scène deux de ses dernières réalisations, leur offrant ainsi un regard neuf. Celui qui essaye de redonner ses lettres de noblesse au logement social a répondu à nos questions sur le vif.
La question qu’on vous pose le plus souvent?
«Comment arrivez-vous à faire un métier si difficile?» et je réponds parfois simplement que je n’en ai pas la moindre idée (rires). Le métier d’architecte est assez dur. C’est lourd, et ça prend énormément de temps, ne serait-ce qu’au niveau des responsabilités que cela implique. Si mon bâtiment n’est pas réussi, tant pour la ville que pour ses habitants, c’est une catastrophe qui va durer cinquante ans.
L’endroit dont vous n’êtes jamais revenu?
J’ai eu la chance de beaucoup voyager. Je pense qu’une de mes destinations récentes qui m’a le plus marqué, c’est l’Ethiopie. C’était très différent de tout ce que j’ai pu expérimenter.
La personne qui vous influence le plus?
Je ne suis pas quelqu’un de radical. J’ai du mal à sortir un seul nom. Et j’espère que ça ne m’arrivera jamais. De n’être influencé que par une personne unique. J’adore être influencé, mais plutôt par une multitude de gens et d’idées.
La chose la plus folle que vous ayez faite?
Partir à l’autre bout du monde avec sac à dos quand j’avais 17 ans, sans un franc en poche. Je suis parti sept mois en Australie, j’ai commencé à travailler à Sydney pendant trois ou quatre mois et puis je suis rentré à mon aise en sillonnant l’Asie.
Ce qui vous saoule vraiment?
Les gens qui n’ont pas de doutes. Cela m’énerve énormément. Peut-être parce que j’en ai plein mais surtout parce que ça induit une pensée unidimensionnelle. Et pour moi la pensée, elle est évolutive, elle change et se transforme. Et puis, je reste convaincu que le doute est nécessaire à la création.
Porte-mine ou dessin numérique?
Le premier, sans hésiter! Mais c’est sûrement une question d’âge.
Un bâtiment que vous auriez aimé construire?
Je dirais les logements sociaux rue Navez, à Schaerbeek. Ils ont été conçus par MSA Architectes et j’aime beaucoup le rendu.
Plutôt Corbu ou Frank Gehry?
Le Corbusier… Je n’aime pas du tout le personnage mais il faut le lui laisser, c’était un génie. Il a inventé énormément de choses fantastiques. La Cité radieuse notamment, c’est une invention révolutionnaire qui est vraiment complète, où tout a été mis en place par le concepteur. C’est très rare d’avoir des bâtiments aussi complets.
L’objet design que vous adorez?
Alors, je n’ai qu’une seule pièce design chez moi, mais j’en raffole. C’est la chaise Superleggera de Gio Ponti éditée par Cassina. Elle date des années 50, c’est simple, léger, sans prétention mais c’est merveilleusement bien dessiné et c’est un superbe objet.
La tendance déco ou le style que vous ne comprenez pas?
Je pense que je peux tout accepter. Je ne me ferme aucune porte, toute création mérite que l’on s’y attarde. Et puis, tout ce que l’on déteste aujourd’hui, on l’adorera demain. Quand on voit le brutalisme anglais qui était conspué à ses débuts et aujourd’hui on en est fan, ça prouve bien que tout est cyclique. Un peu comme le pantalon patte d’éléphant, tiens! (rires)
La réalisation dont vous êtes le plus fier?
Je ne sais pas. Il y a beaucoup de choses que j’aime dans ce que j’ai pu faire. C’est très difficile de ne donner qu’un élément. Et puis tout fluctue aussi. Et il faut que les choses bougent.
Le quartier de Bruxelles qui vous ressemble?
La place Flagey! J’y suis depuis vingt ans et je m’y sens toujours bien. Je l’ai connue avant qu’elle ne devienne super populaire et j’aime vraiment la mixité qu’elle a su conserver.
Anderlecht, Molenbeek, par Pierre Blondel, éditions Fourre-Tout.
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