Les marques Miglot, Make Senz, Likami, Couleurs de Noir et Maiwe se sont imposées dans le paysage des cosmétiques belges. Leurs fondateurs reviennent sur l’aventure de leur vie.
En dépit d’une énorme concurrence internationale, notre pays voit chaque année de nouvelles marques de cosmétiques belges apparaître sur son territoire. Derrière elles, dans la majorité des cas, on retrouve des femmes qui, un jour, décident de lancer les produits dont elles avaient toujours rêvé.
Ce dynamisme indéniable, le cosmétologue Frédérick Warzée, responsable communication chez Detic, l’association belge des producteurs et des distributeurs de cosmétiques, l’explique de différentes manières. «Depuis quelques années, le «do it yourself» a le vent en poupe, notamment en cosmétique. Des marques proposent d’acheter des kits pour faire ses crèmes à la maison, et on peut suivre pas mal d’ateliers. Cela a forcément donné des idées à certains.»
Des formules clé sur porte
Autre avantage, et non des moindres: l’existence sur le sol belge de filières de production et de recherches qui mettent leur savoir-faire au service des entrepreneurs. «Il n’est donc pas nécessaire de savoir formuler soi-même pour se lancer, poursuit Frédérick Warzée. Ces sociétés vous fournissent un produit sans étiquette, spécialement fabriqué selon vos souhaits tout en respectant la législation en vigueur en Europe. Vous n’avez plus qu’à y apposer votre nom ».
Comme l’explique notre expert, L’important, dans un premier temps, c’est de trouver comment se singulariser – en partant d’un ingrédient rare ou d’une histoire personnelle qui va permettre à la marque de construire son storytelling. Si les premières étapes peuvent paraître simples, installer sa notoriété pour une marque de cosmétiques belges afin de produire des volumes suffisants pour parvenir à devenir rentable est bien sûr une tout autre histoire.
Dépasser internet
«Il faut être capable dès le début de se projeter dans l’avenir en pensant à un circuit de distribution plus large que le site Internet sur lequel ils se sont lancés et au financement d’une production amenée à devenir de plus en plus importante», pointe encore Frédérick Warzée, qui voit souvent les marques s’essouffler au bout de trois ans… même quand la qualité est au rendez-vous. Nous avons interrogé cinq entrepreneurs ayant tous un point commun encourageant: avoir dépassé le cap des cinq ans. Voici leurs histoires.
Maayke Ruyffelaere, Maiwe
«En tant que bio-ingénieure, la science m’a appris comment fonctionnent les écosystèmes, à quel point leur équilibre peut être fragile et comment tout est lié. Mais ce sont mes propres problèmes de peau qui m’ont poussée à chercher une solution durable dans le monde végétal.

C’est en Patagonie que j’ai découvert les propriétés de l’huile de cynorrhodon, utilisée là-bas depuis des générations pour soigner les plaies, atténuer les cicatrices et régénérer la peau. C’est ce qui a donné naissance à notre premier produit, The Rosehip Oil Serum.
Diriger une marque indépendante, c’est trouver l’équilibre entre les idéaux et la réalité.
On veut rester éthique et garantir la traçabilité, mais il faut aussi survivre dans un marché qui valorise la volatilité. Pourtant, je crois que la lenteur est une force. Rester petit n’est pas une faiblesse, c’est un choix. Cela permet d’écouter, d’ajuster, d’affiner. Ces cinq dernières années, j’ai surtout entrepris à l’instinct, sans prendre de grands risques.
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La qualité a toujours été la priorité. Aujourd’hui, nous sommes bien vivants, indépendants et intègres. Cela a demandé de l’amour, de la patience et une pointe d’obstination. Mais rester fidèle à soi-même est la seule façon de vraiment se distinguer. La récompense de notre sérum aux European Natural Excellence Awards confirme que je suis sur la bonne voie.»
Marianne Priem et Lieven Dejonckheere, Likami
Lieven: «Quand nous avons créé Likami, il n’y avait ni urgence ni pression pour grandir vite. On voulait bâtir quelque chose de durable, étape par étape, en accordant de l’attention à chaque détail. Cette lenteur fait partie de notre ADN: je suis bio-ingénieur, Marianne est spécialiste en sciences de la nutrition. Tester, mesurer et comprendre sont pour nous des évidences.

Tout ce que nous faisons passe par ce filtre: est-ce juste, est-ce efficace, qu’est-ce que cela apporte de plus à ce qui existe déjà? La Belgique est un marché lent: la confiance ne se gagne pas en une campagne ni en un seul post sur les réseaux sociaux. Les premières années, nous avons dû faire nos preuves, non seulement auprès des clients, mais aussi du marché lui-même.
Notre première gamme était volontairement minimaliste: un nettoyant, une lotion tonique, un sérum et une crème. Cette simplicité était un choix. La ligne était unisexe, modulable et personnalisable. Chacun pouvait composer sa propre «garde-robe de soins», à partir de basiques communs à tous. Vous n’avez pas besoin de cent étapes, seulement des bonnes.»
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Marianne: «Likami est enraciné en Belgique, mais avec une ouverture internationale. Aujourd’hui, notre marque rencontre un beau succès en Scandinavie, où nous collaborons avec des entreprises familiales qui partagent notre rythme et notre respect du savoir-faire. Lorsque nous vivions en Chine, nous avons appris combien l’équilibre et la nuance sont essentiels.
Cette expérience imprègne tout ce que nous faisons. Les tendances vont et viennent, mais une philosophie demeure. Nos formules sont à base de plantes. Chaque ingrédient a une raison d’être, chaque produit stimule la peau et ne se contente pas de la recouvrir. Ce qui nous guide, c’est la patience, la précision et l’intégrité. Likami évolue à un rythme humain. C’est ce qui la rend à la fois durable et intemporelle.»
Dries Van de Walle, Couleurs de Noir
«La Belgique n’est pas un marché facile: il est petit, fragmenté, complexe. Mais cela en a fait, dès lors un cas d’école parfait. Celui qui s’en sort ici réussira partout. Pour moi, le succès ne tient pas au fait de lancer dix produits par an, ni dans la course aux tendances. Mais au bon sens, à la crédibilité et à la constance. C’est la seule façon durable de construire quelque chose qui tienne dans le temps.

Aujourd’hui, Couleurs de Noir compte plus de 1.300 points de vente et une équipe de plus de 30 collaborateurs. Mais tout a commencé dans un petit appartement, sans labo étincelant ni fonds d’investissement. Ce qui n’était qu’une idée a grandi pas à pas, comme un tonneau de bois que l’on construit planche après planche.
Chaque fois que nous résolvions un point faible – dans un produit, la vente ou le service – l’ensemble montait d’un niveau. C’est ainsi que nous avons appris ce que signifie travailler sur le long terme: c’est colmater sans cesse les fuites. A nos débuts, il existait peu de marques de cosmétiques belges de référence. On a été des pionniers en proposant du maquillage pour peaux sensibles vendu en pharmacie, un univers alors dominé par les géants français. C’était peut-être naïf, mais surtout palpitant.
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J’allais de porte en porte chez les pharmaciens, mes échantillons à la main. Et trois visites sur six aboutissaient à une vente…Ce travail acharné m’a appris que la croissance ne vient pas du battage médiatique, mais de la persévérance. Nous n’avons jamais été une marque «tendance» ou virale. Et pourtant, nous sommes aujourd’hui l’une des marques de beauté belges les plus importantes. Notre base était solide, nos formules nous appartenaient et nos valeurs étaient claires. Quand on bâtit sur l’authenticité, tout ne s’effondre pas au premier changement d’algorithme.»
Kristof Lefebre, Miglot
«J’ai d’abord choisi une carrière de pharmacien. Puis j’ai réalisé mon rêve d’enfant, et c’est en voyant les clients sourire face à une odeur qu’au bout de dix ans, j’ai suivi mon cœur. En 2020, j’ai lancé Miglot — le premier jour du printemps, qui fut aussi le premier jour du confinement. Tout le monde paniquait, mais moi, je suis resté calme.

Au lieu de fabriquer du gel hydroalcoolique, je suis resté fidèle à ma vision. Nous avons envoyé des échantillons à notre réseau et accroché des Post-it parfumés à la vitrine. Les gens prenaient le temps de sentir. Chaque échange qui s’ensuivait était un cadeau. Ce départ lent m’a permis de poser une base solide, sans la pression des investisseurs.
Mon concept est comme une cuisine ouverte: je veux entendre ce que les gens ressentent face à une odeur. C’est pourquoi j’ai choisi d’avoir ma propre boutique plutôt que de passer par la distribution. Comme à la pharmacie, il s’agit toujours d’écouter pour mieux conseiller. Dans un monde bruyant, nous voulons ralentir plutôt qu’accélérer.
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Le plus grand défi après le lancement a été de rester fidèle à nos valeurs. Gagner de l’argent, c’est motivant, mais tout doit s’inscrire dans notre philosophie, et chaque produit doit être cohérent. Nous ne voulons pas d’une avalanche de lancements. Ce n’est pas un sprint, mais un marathon.
Aujourd’hui, nous récoltons les fruits de cette croissance organique. Les reconnaissances comme les Belgian et Dutch Beauty Awards ont été une surprise. Notre visibilité internationale progresse aussi, uniquement grâce au bouche-à-oreille. Notre slogan, «Hug me till I smell like you», résume parfaitement ce que Miglot veut être: des parfums qui rapprochent les gens.»
Sophie Trenteseaux, Make Senz
«Après plus de dix ans dans le secteur de la cosmétique industrielle, j’ai choisi de développer une marque de cosmétiques à base d’ingrédients naturels bénéfiques pour la peau tout en prônant le «less is more». J’ai commencé avec trois produits, la crème hydratante au jojoba et le shampoing sont toujours dans la gamme. Le lait corps, lui, a été complètement reformulé depuis.

En 2011, les réseaux sociaux en étaient à leurs balbutiements, il n’était pas possible alors d’envisager un lancement purement digital. Avec trois produits, on ne pouvait évidemment pas ouvrir une boutique physique. J’ai élargi mon assortiment à d’autres références dans le maquillage, par exemple, qui complémentaient mon offre.
Aujourd’hui, Make Senz – en ligne et dans nos deux points de vente à Bruxelles et Louvain-la-Neuve – représente 70% du chiffre d’affaires. Ce concept mixte a été une rampe de lancement idéale qui m’a permis de me développer à mon rythme. Peu à peu, j’ai bien sûr étoffé la gamme mais sans excès.
C’est un équilibre subtil à trouver car il faut être capable de maintenir l’intérêt sans renier ses valeurs. Je vais lancer une à deux nouveautés par an, et il peut parfois s’agir d’une simple reformulation ou d’une optimisation de packaging. Certaines de nos innovations – comme l’après-shampoing – viennent d’une demande de nos clients.
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Nos déodorants ont rencontré un succès que je n’imaginais peut-être pas au départ. L’important, c’est de rester à l’écoute et de savoir saisir les opportunités lorsqu’elles se présentent. Le Covid, sans qu’on s’y attende, a été pour nous un véritable booster. Il ne faut pas avoir peur non plus de faire évoluer son concept: c’est ce que j’ai fait au bout de quelques années, en changeant le nom de la marque qui est passée de Senz à Make Senz, et d’en faire vraiment le cœur de tout le projet.
Pour moi, une des clés du succès chez Make Senz, c’est l’efficacité de nos produits. Vous pouvez imaginer les plus beaux discours marketing du monde, finalement, c’est devant le miroir que cela se joue. Lorsque, chaque jour, vous appliquez votre soin et que vous en expérimentez les bienfaits.
Il n’y a rien qui me fasse plus plaisir qu’une cliente qui, après s’être laissée tenter par une autre marque revient parce que finalement ce sont nos produits qu’elle préfère. L’enjeu, c’est de toujours trouver l’élan suffisant pour continuer. Plus on grandit, plus la charge mentale et financière augmente. Ma force, je la trouve au quotidien, dans nos boutiques, quand je conseille mes clientes.»