L’hommage d’Aerin Lauder à sa grand-mère, Estée, fondatrice de l’empire cosmétique
Petite-fille de la fondatrice de l’empire de cosmétiques Estée Lauder, Aerin Lauder publie un livre hommage à son aïeule. L’occasion pour celle qui est aussi à la tête d’une marque lifestyle qui porte son prénom de se confier sur sa famille et sur les parfums inspirés par ses voyages.
Développeuse de produits passionnée et visionnaire, génie du marketing, influenceuse avant la lettre, femme derrière un empire de la beauté et architecte d’une dynastie: la vie de feu Estée Lauder ne peut laisser personne indifférent. Elle débute sa carrière en 1946, créant quatre pommades et crèmes dans sa cuisine. Son mari Joseph, ses fils Léonard et Robert et quelques-uns de ses petits-enfants contribueront ensuite à ancrer l’entreprise dans le paysage mondial de la cosmétique. Aujourd’hui, le portfolio du groupe comporte plus de vingt-cinq marques, dont Clinique, M.A.C. et La Mer. Et son chiffre d’affaires est estimé à 16 milliards de dollars.
« Estée ne fermait jamais l’oeil, elle était convaincue qu’il fallait travailler dur pour avoir du succès », raconte Aerin Lauder, 51 ans, qui vient de publier avec sa soeur Jane Estée Lauder: A Beautiful Life aux éditions Assouline. Elle-même marche sur les pas de son entrepreneure de grand-mère. « C’était une self-made businesswoman à une époque où peu de femmes travaillaient en dehors du foyer. Son exemple est magnifique. Mais c’était surtout une grand-mère chaleureuse et attentionnée. Il lui arrivait souvent de tout lâcher pour manger avec ses petits-enfants, partir en excursion ou en voyage. Elle se consacrait pleinement à eux et savourait ces moments précieux pour la famille. »
L’école à la maison
Dans la famille Lauder, travail et vie privée vont de pair, apprend-on en lisant la biographie qu’Aerin consacre à Estée. Dès l’enfance, les fils de cette dernière ont compris le fonctionnement de l’entreprise familiale lors des dîners d’affaires. Aerin a repris le flambeau, forte de jobs d’été aux départements création et marketing du groupe et de ses études de communication à la University of Pennsylvania. En 1992, elle rejoint le groupe. Elle devient directrice du développement de produit, vice-présidente senior puis directrice artistique de la marque Estée Lauder. Elle est aujourd’hui Style and Image director. Depuis presque trente ans, avec son cousin William et sa soeur Jane, elle marque le secteur mondial de la beauté de son empreinte. « Depuis toujours, l’entreprise familiale est intimement liée à ma vie. Enfant, j’ai vu Estée concevoir des parfums, des produits de maquillage et de soin puis, j’ai appris le métier en écoutant mes grands-parents, mon père Ronald et mon oncle Léonard lors des réunions familiales. »
C’est sans doute cet héritage de valeurs d’une génération à l’autre qui explique le succès ininterrompu du groupe depuis sa création voici septante-cinq ans. « Le fait de travailler en famille, sur des produits pensés par notre grand-mère, n’est émotionnellement pas anodin. La philosophie d’Estée continue à donner le ton: sa conviction que chaque femme peut être belle, son souci de la qualité, son perfectionnisme et son sens du détail. « C’est mon nom qui se trouve sur l’emballage, disait-elle, il faut que le produit soit impeccable. » »
Un prénom
Cet héritage a-t-il conditionné la voie professionnelle d’Aerin? « Estée n’a jamais essayé de m’influencer à entrer dans l’entreprise, répond la quinqua, catégorique. En revanche, elle insistait: mon travail devait être une passion. Nous tous devions faire ce que nous aimions. » Un mantra qu’elle concrétise en 2012, en créant Aerin, une marque beauté et lifestyle de luxe. La griffe comporte des senteurs et cosmétiques créés au sein de l’entreprise familiale mais également une ligne de mode, des accessoires et une vaste collection « intérieur » qui reflètent son sens de l’esthétique. Les livres qu’elle a écrits ces dernières années pour les maisons d’édition Assouline et Rizzoli, notamment Aspen Style , Palm Beach et Entertaining Beautifully sont à son image, celle d’une icône du style.
« J’ai clairement vu un segment de marché favorable à une marque lifestyle plus large. Je souhaitais donner des conseils qui s’appuient sur mon expertise personnelle aux femmes d’aujourd’hui. Ces femmes me demandaient régulièrement quels produits j’utilisais, ce que je porterais pour une certaine occasion, comment je combinerais certaines pièces… Estée avait un style intemporel, cet héritage fait partie de moi. Celui de toujours embellir le quotidien. Je suis donc fortement impliquée dans l’entreprise familiale. Mais j’ai aussi mes centres d’intérêt, ce qui me permet d’accomplir mes propres rêves en parallèle. »
Elle est la seule Lauder qui se distingue, par son prénom, avec sa marque propre. Un parti pris qui n’effraie toutefois pas la directrice artistique d’Aerin. « L’enjeu était de taille, mais ça donne l’impulsion nécessaire pour avancer », déclare celle qui figure 253e au classement Forbes ( NDLR: liste des 400 Américains les plus riches). « Mes parents m’ont inculqué l’idée que, pour y arriver, il faut travailler dur. Mais j’aime ce que je fais. Autrement, comment passer mes journées à imaginer de nouvelles fragrances? »
S’échapper
Estée Lauder s’inspirait de ses séjours dans le sud de la France et en Méditerranée pour créer ses nouveaux produits. Aerin aime, elle aussi, jouer avec la puissance expressive des senteurs et des voyages. Eclat de Vert, Limone di Sicilia, Aegea Blossom, Mediterranean Honeysuckle, Tuberose Le Jour et Tuberose Le Soir: la collection de parfums de la marque comporte des touches de Côte d’Azur et d’Inde, de Capri et des îles grecques. En revanche, sa dernière création, Cedar Violet, une fragrance boisée florale et luminescente à base de feuille de violette, de cèdre de Virginie et d’ambre, est inspirée des monts Adirondacks, une chaîne de montagnes couvertes de bois et de lacs, dont la taille correspond à la moitié de la Belgique. C’est un lieu d’escapade prisé au nord-ouest de l’Etat de New York, qui a un côté magique pour la femme d’affaires, « surtout en automne, lorsque plusieurs nuances de vert, brun et orange se dessinent dans le paysage, et que les feuilles prennent une teinte dorée, nous explique-t-elle. C’est un lieu où le corps et l’esprit reprennent des forces. Je voulais lancer quelque chose qui soit différent de ce que nous avions fait dans le passé, mais également proposer un voyage aux femmes qui le porteraient. On ne peut pas toujours partir ailleurs. Mais on peut s’échapper par une senteur. »
Sa grand-mère lui a appris à être ouverte à l’attente du consommateur et accepter la discussion. « Estée connaissait l’importance de la communication. L’écoute des besoins de l’utilisateur est essentielle dans le développement d’une marque. Pour ça, Instagram est extraordinaire. Les gens y postent autant d’avis positifs que négatifs. Si ma grand-mère était encore en vie aujourd’hui, elle adorerait les médias sociaux. »
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